Les romans de Christine Orban mélangent le noir à des bouffées d’espoir. Un refrain nostalgique inonde les pages de son nouveau livre : celui des rives de l’enfance… La famille, l’amitié, les bourgeons de l’amour et du corps ont forgé cette femme, qui tente de surmonter ses fêlures, tout en distillant de jolies leçons de vie.

 » Il est probable que toute sa vie, on demeure l’enfant qu’on a toujours été.  » Est-ce votre cas ?

Je suis persuadée effectivement qu’on reste l’enfant qu’on étaità Ma sensibilité demeure, mais peut-être ne serais-je pas devenue écrivain sans cela. Elevée sous le soleil d’une nature souriante, je suis restée chaleureuse et hospitalière. Tout comme les enfants, je ne me méfie pas des gens car j’aime aimer. Si on me perd, c’est pour toujours.

Vos odeurs d’enfance ?

Les orangers, la coriandre, les épices du souk, les écuries et la mer. Ecartelée entre ma culture française et marocaine, j’ai besoin des deux parce qu’elles me nourrissent et m’enrichissent.

On vous présente pourtant comme une véritable Parisienneà

Je suis très lucide à ce sujet (rires). Ce roman est justement un clin d’£il pour affirmer que je ne suis pas celle qu’on croit. En parlant de moi dans ses mémoires, Françoise Giroud note :  » Quand on a une étiquette, on a du mal à en sortir. »

Quel livre vous a aidé à vous comprendre ?

Mensonge romantique et vérité romanesque de René Girard. C’est seulement en écrivant, qu’on découvre des explications quant aux livres qui nous marquent.

Et le livre qui contribue à vous faire comprendre le monde.

Six milliards d’Autres, de Yann Artus Bertrand. Quelle magnifique idée de montrer que d’où qu’on vienne et quel que soit son rang, chacun a sa place et son importance dans le monde.

Petite, que vous inspirait le monde des adultes ?

Je voulais rester une enfant. Voir mes seins pousser me semblait terrifiant ! Seuls les mots m’ont aidée à passer du monde de l’enfance à celui des adultes.

Et la maternité ?

Lors de mon premier mariage, qui a duré onze ans, j’avais décidé de ne pas devenir mère, tant j’étais moi-même une enfant. Aujourd’hui, j’aime mes deux fils car ils sont formidables. Il est important d’aimer ses enfants pour ce qu’ils sont et non pour le côté charnel, animal.

Quel fut le plus beau cadeau de votre père ?

Ses lettres. Réconfortants, les mots m’ont sauvé la vie. J’ai fait des études de juriste pour honorer la mémoire de mon père, mais l’écriture s’est imposée.

Qu’avez-vous appris de votre mère ?

Une vie inquiète, dont on se défait avec difficulté. L’enfance a été ponctuée  » d’attention danger !  » La mort était partout. Nullement fataliste, je crois à la volonté et au désir. On doit avoir de la chance, mais il faut la saisir.

Pourquoi vous sentiez-vous  » prédisposée à la souffrance  » ?

Parce que la vie n’a pas toujours été tendre avec moià J’ai perdu ma grand-mère, mon père et ma petite s£ur. A 20 ans, on m’a annoncé que mon mari allait mourir d’un cancer. J’écris sur les choses que je ne comprends pas. Grâce aux mots, j’apprivoise la souffrance.

Que représente pour vous être écrivainà

Cela s’est imposé très tôt. Mon livre, L’Ame s£ur, me permet de prolonger ma relation avec ma s£ur. Sa disparition est si cruelle, que je la fais exister par les mots. C’est ma revanche sur la vie et la mort. Quand on comprend qu’on n’est pas immortel, on gaspille moins de temps.

N’oublie pas d’être heureuse, par Christine Orban, Albin Michel, 218 pages.

Propos recueillis par Kerenn Elkaïm

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