Hasard ou signe du destin ? Verner Panton et le siège dessiné par Mart Stam qui allait lui inspirer la chaise la plus originale du XXe siècle ont tous deux vu le jour en 1926. Son épouse Marianne évoque le souvenir d’un homme  » plus artiste que designer « .

Aussi originale qu’elle soit, une création ne sort jamais de nulle part. Lorsqu’il a dessiné l’élégante chaise qui porte son nom, c’est donc tout naturellement que le designer danois Verner Panton (1926-1998) s’est inspiré des tâtonnements de ses prédécesseurs… et en particulier du curieux siège tubulaire dessiné l’année de sa naissance par le Néerlandais Mart Stam. Pour la petite histoire, ce dernier avait griffonné son premier croquis sur une invitation de mariage en présence de Mies van der Rohe, qui a immédiatement décidé de commercialiser ce modèle hors du commun. A l’époque, l’idée d’une chaise en  » S  » (et donc sans pattes arrière) était tout à fait inédite, et la concrétisation d’un tel concept eût d’ailleurs été impensable sans les possibilités qu’offraient les nouveaux matériaux industriels. Plusieurs avatars tubulaires ou non ont été mis sur le marché au fil des années, dont notamment la fameuse chaise Zig Zag dessinée en 1932 par l’architecte néerlandais Gerrit Rietveld pour Metz & Co.

Verner Panton n’est donc pas l’inventeur de l’élégante silhouette qui l’a tant fasciné au début de sa carrière. Bien avant d’imaginer son modèle en matière synthétique, il avait d’ailleurs exploité le concept une première fois pour dessiner dans les fifties une chaise en zigzag en contreplaqué, commercialisée en 1966 par Thonet sous le nom de S-Chair. Son côté novateur résidait avant tout dans son mode de production, d’un seul tenant. C’est aussi cela qui a fasciné Verner Panton : la possibilité de fabriquer un meuble sans devoir procéder au moindre assemblage. L’étape suivante a été la réalisation de la chaise Panton proprement dite, en matière synthétique, dont les premiers prototypes remontent également à la fin des années 50. Mettre au point un modèle en une seule pièce qui soit aussi suffisamment stable a été une véritable prouesse technologique, car l’équilibre a été dès le début le tendon d’Achille des sièges sans pattes arrière.

Verner Panton a toujours été, avec Arne Jacobsen, un personnage un peu à part dans le monde du design scandinave : pendant que son compatriote Hans Wegner commercialisait des chaises en bois quasi traditionnelles, il s’essayait aux créations en plastique aux couleurs psychédéliques. Il a aussi collaboré un temps avec deux autres maîtres des formes organiques, Joe Colombo et Olivier Mourgue – et a d’ailleurs, tout comme eux, beaucoup contribué au rapprochement entre design et sculpture. L’idée que Verner Panton ait été plus un artiste qu’un  » simple  » créateur est également confirmée par sa veuve Marianne, avec qui il travaillait en étroite collaboration et qui nous a accordé une interview exclusive.

Les créations de votre époux sont très différentes de celle de ses contemporains danois, qui se profilaient plutôt comme des artisans et ne rêvaient que de bois et de matières naturelles…

C’est vrai : dans les années 50, 60 et 70, ses préoccupations étaient à mille lieues de celles de la plupart de ses collègues danois et scandinaves. Il avait énormément de respect et d’admiration pour l’oeuvre d’Hans Wegner et de ses autres contemporains, mais sans pour autant avoir envie de marcher sur leurs traces.  » Ils font ce genre de chose bien mieux que moi « , disait-il toujours. Et c’est ainsi qu’il a trouvé sa propre voie dans le design.

La chaise Zig Zag de Gerrit Rietveld porte la griffe d’un architecte. De la même manière, peut-on dire que la chaise Panton est plus une sculpture qu’un objet design ?

Question difficile, mais je pense que vous avez raison. Ce qui est drôle, c’est que Verner aussi était architecte à la base… mais quand il dessinait un objet, il était avant tout artiste. Cela se reflète également dans son utilisation des couleurs.

Quel genre d’homme était-il ?

Verner avait de nombreuses facettes et de nombreux talents. Je dirais qu’il était plutôt timide, modeste et quelque peu espiègle. Il pouvait être exigeant et impatient dans son travail, mais faisait aussi preuve d’une incroyable persévérance dans l’aboutissement de ses projets. C’était également un homme sérieux, sceptique et pas toujours très sûr de lui – et un père et un mari aimant.

Est-il vrai qu’il lui a fallu des années pour trouver un éditeur qui accepte de produire sa chaise Panton ?

En effet. Pendant des années, personne n’a voulu ou été suffisamment visionnaire pour lancer un projet aussi novateur et financièrement risqué, d’autant que le modèle présentait une grande difficulté technique : lorsque Verner a imaginé sa chaise et fabriqué son premier prototype, la technologie qui aurait permis de la réaliser dans une matière plastique stable n’existait pas encore. C’est grâce à la clairvoyance de la famille Fehlbaum (NDLR : à la tête de l’entreprise Vitra)et à de nombreuses années d’efforts et de travail que la Panton Chair a finalement vu le jour.

Qu’est-ce qui inspirait à votre mari ses formes et ses couleurs psychédéliques ?

Il puisait souvent son inspiration dans les nouveaux matériaux mais aussi dans la nature et la musique. Cela dit, il ne savait pas toujours très bien lui-même d’où lui venaient ses idées… ?

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PAR PIET SWIMBERGHE

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