Ces deux-là n’ont certainement jamais pensé que ramasser des coquillages sur les plages de leur Brésil natal et en faire des boîtes à bijoux les conduirait, bien plus tard, au Museum of Modern Art de New York ou aux Arts déco, à Paris. Ni qu’ils seraient sacrés Créateurs de l’année 2012 à Maison & Objet. Sans doute imaginaient-ils encore moins que eux, Fernando et Humberto Campana, petits princes du design de récup’, travailleraient un jour pour Vuitton, le roi du luxe. En marge du dernier Salon international du meuble de Milan, dont nous vous dévoilons les nouveautés dans ces pages, ils présentaient pourtant leur cabinet Maracatù, réalisé à partir de chutes de cuir du célèbre malletier.  » La transformation, l’alchimie nécessaire pour faire de quelque chose laissé de côté un objet réinventé, c’est la base de notre travail, confiait Humberto à Mathieu Nguyen. J’ai toujours cru que notre mission était de donner une seconde nature, une seconde vie.  » Le coup de génie des deux frangins ? Avoir eu l’idée avant tout le monde. Quand on n’avait pas encore inventé le terme upcycling pour définir cette tendance lourde qui ne se cantonne déjà plus au périmètre du design mais infuse aussi, sur fond de préoccupations écologiques, d’autres secteurs.

Au début des années 90, quand les Campana commencent à se faire un nom, la mode est au minimalisme. Eux, quitte à flirter parfois avec un kitsch assumé, valorisent l’exubérance, l’imperfection, l’accumulation. Et filent une claque magistrale au modernisme qui régnait alors en maître dans leur pays, ouvrant par là une brèche dans laquelle va s’engouffrer une nouvelle génération de designers. Leur source d’inspiration, c’est la rue – sonnant comme une prise de position, leur siège le plus connu, fait de petit bois compilé, se nomme d’ailleurs Favela. Leur laboratoire, c’est le Brésil en général et São Paulo en particulier. Ils y ont d’ailleurs toujours leur atelier, un ancien garage réaménagé il y a quelques décennies au coeur du quartier bobo de Santa Cecilia. Une jungle urbaine dans tous ses excès et ses antinomies, sa pauvreté et son opulence, sa grisaille et son explosion de couleurs, sa violence et sa joie de vivre. Autant de confrontations desquelles naît un élan créatif formidablement enthousiasmant, qui explique aussi que le design brésilien trouve plus que jamais sa place sur notre vieux continent accablé par la crise. Merci, très chers frères.

DELPHINE KINDERMANS RÉDACTRICE EN CHEF

LA MODE EST ALORS AU MINIMALISME. EUX VALORISENT L’EXUBÉRANCE, L’IMPERFECTION, L’ACCUMULATION.

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