A 68 ans, Saburo Inada est un chef atypique, peu connu du grand public, mais considéré comme culte par ses pairs. Il signe une cuisine française infusée à l’umami japonais.

Il ne faut pas compter sur Saburo Inada pour donner dans le folklore – à l’exception peut-être du calendrier de sumotoris qui pend dans sa cuisine. Si vous cherchez des sushis et autres sashimis, façon carte postale de l’empire du Soleil levant, mieux vaut passer votre chemin. Sa carte est complexe, elle est celle d’un chef qui traque le bon, peu importe où il se cache. Cela donne quoi ? Un mythique filet de turbot à l’ail noir, un saumon fumé tiède aux pommes vertes ou encore un carpaccio d’ananas relevé d’un sorbet au sésame noir. Pas assez japonais à votre goût ? Dommage car ces préparations respirent l’umami, la fameuse cinquième saveur nipponne. Elles témoignent du parcours d’un homme qui a compris qu' » au fond, toutes les cuisines se ressemblent « .

Depuis sa plus tendre enfance, Inada a été marqué du sceau de la nourriture. Lui qui, en bon Japonais, est plutôt discret dans ses émotions, avoue :  » Depuis tout petit, lorsque je goûte quelque chose de vraiment bon, j’en ai les larmes aux yeux.  » Originaire de Shimonoseki, un petit village de pêcheurs, le chef a grandi parmi les bateaux et les poissons. Un environnement qui marque. Les bateaux, d’abord, qu’il voyait aborder et s’en aller vers l’horizon sont peut-être ceux qui lui ont insufflé l’envie de voyager et, à 25 ans, de tenter une expérience culinaire européenne en Suisse. Le poisson, ensuite, qui, à n’en pas douter, lui a donné l’attrait du frais. L’homme a quelque chose d’atypique. Alors que comme ses frères, il aurait dû rester au pays pour devenir un excellent cuisinier maîtrisant les mets nationaux, dès le début de sa formation, Inada a choisi la cuisine française. Pourquoi ? Il ne le sait pas lui-même. Mais peut-être que ses souvenirs maritimes y sont pour quelque chose.  » Voir les cargos arriver du large m’a toujours plongé dans des heures de rêveries…  »

Il débarque donc en Europe, pour se frotter à la réalité des fourneaux occidentaux. Ce sera un aller sans retour. Après un an et demi en Suisse, Inada part en France ; puis en Belgique, d’où il ne reviendra pas. Il travaille pour plusieurs maisons, avant d’ouvrir, à Bruxelles, un restaurant éponyme, Inada. Difficile de faire plus minimaliste. A-t-il pour autant trahi ses origines ? Non. Sa cuisine est tout entière traversée par des valeurs japonaises. Un mot les résume :  » harmonie « , qui revient sans cesse dans sa bouche. Le chef travaille ses compositions comme des jardins zen. Pas question d’ornements ou de perles baroques chez lui, tout ingrédient qui se trouve dans l’assiette joue un rôle gustatif. Il concocte des mets équilibrés, justes, où les saveurs forment un ensemble parfait. Ce souci d’équilibre est incontestablement japonais. Selon son dogme, il cherche également à exprimer un produit au plus juste de ce qu’il a à dire. Autre élément indéniablement lié à ses racines : en phase avec une culture peu encline à l’individualisme, Inada ne conçoit pas son métier sans un rapport au collectif. Il explique :  » La question fondamentale est de savoir ce qu’au travers de mon restaurant, je peux transmettre à notre société, quel est le message que je peux véhiculer. J’ai fait le choix d’améliorer la qualité de vie à travers la meilleure combinaison possible des meilleurs produits possibles.  »

Inada, 73, rue de la Source, à 1060 Bruxelles. Tél. : 02 538 01 13. www.inada-restaurant.be

PAR MICHEL VERLINDEN / PHOTOS : KRIS VLEGELS

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