Sans même savoir ce qu’il renferme, l’emballage d’une marque iconique peut accélérer les battements du coeur. Une question d’association de couleurs et de codes immédiatement identifiables…

Pour les besoins d’une étude, le rythme cardiaque et la pression artérielle de six cents femmes ont été mesurés avant et après leur avoir mis sous les yeux une boîte cadeau – vide – du bijoutier Tiffany & Co., sans logo ni lettrage. 20 % d’entre elles ont senti leur coeur battre la chamade. Cette réaction s’explique par la reconnaissance du très emblématique coloris bleu de la marque qui, selon les chercheurs, serait associé aux événements importants de la vie tels que des fiançailles, un mariage ou une naissance.

C’est en 1878 que Charles Lewis Tiffany choisit cette teinte – connue par la suite sous le nom de  » bleu Tiffany  » – pour la couverture du Blue book, le catalogue annuel du label de luxe. Certains prétendent que le fondateur aurait jeté son dévolu sur cette teinte en raison de la popularité de la pierre ornant de nombreuses parures à cette époque, la turquoise. Ce qui est certain, c’est qu’elle est référencée numéro 1837 dans le nuancier Pantone, année de création de la maison new-yorkaise. Depuis lors, cette dernière a eu régulièrement recours au  » bleu Tiffany  » pour ses besoins publicitaires mais aussi pour ses emballages et autres outils promotionnels. En 1886, lorsque qu’elle présente sa célèbre bague de fiançailles en diamants à six griffes, le succès est immédiat et l’anneau devient l’une des fiertés de l’Amérique. Quant à sa boîte bleue, elle ne tarde pas à s’imposer comme référence :  » Fidèle à la vision de son créateur, la Tiffany blue box est une icône de style et de sophistication « , écrit le New York Sun en 1906.  » C’est une couleur qui éveille des pensées et des réactions positives, note Leatrice Eiseman, directrice du Pantone Color Institute. Et c’est précisément ce que dégage ce parfait paquet cadeau.  » Le papier bleu enduit a d’ailleurs été tout spécialement conçu par Pantone.

Pour l’anecdote, lorsque la boutique Tiffany ouvre pour la première fois un dimanche lors du tournage du film Breakfast at Tiffany’s, en 1961, quarante gardes armés sont présents et veillent à ce qu’aucun écrin ne disparaisse.Et les poubelles de l’entreprise étaient toujours ramassées séparément afin d’éviter des attroupements de personnes désireuses de s’emparer d’un des précieux boîtiers ! Comme l’écrivait Bernd H. Schmitt en 1999 dans son bouquin Experiential Marketing :  » Ce n’est pas la première fois que quelqu’un place un bijou acheté ailleurs dans un contenant bleu Tiffany afin d’augmenter sa valeur.  »

SIMPLEMENT NOIR SUR BLANC

Chez Chanel, c’est l’emballage noir et blanc du N°5, fragrance iconique lancée en 1921, qui a donné l’impulsion des futurs codes de la maison. Couleur de deuil jusqu’alors, le noir symbolise depuis Mademoiselle le chic intemporel.  » Le noir a tout pour lui mais le blanc n’a rien à lui envier, disait-elle. Ils forment un duo très harmonieux.  » Et aujourd’hui encore, dans les boutiques de la marque, les cadeaux s’habillent de blanc et sont bordés de noir, tandis que les emballages dits standards, pour les chaussures par exemple, inversent ce rapport.

Mais il n’y a pas que les tons de ses coffrets qui différencient Chanel des autres griffes. Le fameux camélia joue aussi un rôle symbolique. Coco Chanel en fit sa fleur favorite après que son grand amour, le joueur britannique de polo Boy Capel, lui en eut offert un bouquet. En 1932, année de lancement de sa première collection de bijoux, la fleur fait son apparition dans la maison. A cette époque, il n’est pas rare de voir Gabrielle Chanel en arborer, en soie cette fois, sur le revers de sa veste ou dans les cheveux. Une tradition qui lui a survécu puisque, pour tout achat dans les boutiques officielles, on s’en voit offrir un.

MAGIE ROUGE

Quant à la marque de luxe Cartier, c’est au rouge qu’elle est depuis toujours associée. L’emblématique coffret (en cuir à l’origine, il est depuis 2009 confectionné dans un matériau écologique dépourvu de plastique) et son couvercle à bord doré, reconnaissables entre tous, ne laissent personne indifférent. A tel point qu’en 1926, les bijoux Cartier et leur boîte tiennent un rôle dans une pièce jouée à Broadway et tirée du roman d’Anita Loos Les hommes préfèrent les blondes. Les scènes légendaires du film Certains l’aiment chaud montrent également le célèbre contenant écarlate, renfermant un bracelet en diamants, passant de mains en mains : d’abord offert à Jack Lemmon (déguisé en femme), il est ensuite remis à Tony Curtis qui l’adresse à son tour à Marilyn Monroe dont il est secrètement amoureux.

Les écrins de la maison sont tellement iconiques que les salles de ventes les plus réputées recommandent de les joindre au joyau lors de sa mise aux enchères afin d’en augmenter la valeur. Mais leur couleur n’est pas la seule caractéristique qui leur confère ce cachet unique. Ici, tous les détails ont leur importance – ainsi de l’intérieur en velours noir pour les bijoux ou en soie blanche pour les bagues de fiançailles, les alliances et les montres.  » C’est parce qu’ils sont conçus avec le plus grand soin qu’ils sont synonymes de savoir-faire. En témoignent le bruit sourd des charnières invisibles et le cliquetis de fermeture. C’est l’émotion qui prime, souligne Tania Verheeken, responsable de la boutique bruxelloise de la marque. Seule la finition a évolué avec le temps. Auparavant, ils possédaient un couvercle indépendant et un bord en dentelle sur la doublure.  » Autre signe singulier : chaque coffret cadeau est soigneusement enveloppé dans du papier et surplombé du cachet rouge de la maison.  » Tout l’art consiste à bien doser la cire appliquée.  » Scellé de la sorte, le petit paquet éveille la curiosité et fait battre le coeur un peu plus fort, laissant la magie opérer.

PAR ANJA VAN DER BORGHT / PHOTOS : DIANE HENDRIKX

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