Par Caroline Esgain, historienne de l’art et conservatrice au Musée du Costume et de la Dentelle.

 » Comme partout en Europe au début du XXe siècle, il existe à Bruxelles des couturières dont les savoir-faire sont de qualité. On forme ici des mains admirables capables de reproduire les modèles et de comprendre comment ils sont faits. Car les élégantes veulent surtout s’habiller à la mode de Paris, les maisons de couture bruxelloises y achètent donc les modèles et les tissus qui vont de pair pour les faire reproduire dans leurs ateliers. La réalité n’est certes pas la même que dans la Ville lumière, on a un goût entre guillemets plus provincial même si nous étions alors la capitale d’un jeune pays dynamique et extrêmement riche. A l’époque, on compte de très beaux grands magasins sur le modèle du Bonheur des Dames dépeint par Emile Zola : la maison Hirsch & Cie, Sevrin, Old England, qui vendaient des manteaux, des capes, des chapeaux et des gants et qui avaient des ateliers pour reproduire sur mesure les modèles parisiens. Seule Norine Couture fait preuve d’exception puisque Honorine Deschrijver et Paul-Gustave Van Hecke ouvrent pendant la Première Guerre mondiale une maison qui revendique sa créativité et ne copie en rien Paris. Magritte dessinera d’ailleurs des publicités pour elle et imaginera même les décors de la boutique. La maison Valens, dirigée par le couple Wittamer, connaît ses années d’or jusque dans les seventies. Elle a du succès avec ses robes du soir perlées et des clientes internationales. On vient pour faire affaire à Bruxelles et je pense que les prix probablement moins élevés que dans la capitale française étaient aussi attractifs. Madame surveille les ateliers et les salons d’essayages installés avenue Louise, dans l’hôtel Solvay. La boutique, elle, est située chaussée de Charleroi. Quant à Natan, reprise en 1984 par Edouard Vermeulen, elle est finalement assez comparable à Hirsch, même si c’est une entreprise familiale et pas un grand magasin, comme cette maison fondée en 1869, par Léo Hirsch et son épouse Johanna. Ils occupaient alors l’espace où s’étend le C&A, dans la rue Neuve, on pouvait lire sur leur enseigne  » Robes et confection pour dames et enfants détail, Costumes, Confection, Articles anglais et français, Cachemire des Indes « . Au Musée du Costume et de la Dentelle, nous possédons beaucoup de pièces griffées Hirsch & Cie. L’une des plus anciennes est un mantelet, qui date de 1880, il est magnifique et remarquable, en velours de soie ciselé, tout en passementerie. C’était probablement un article proposé déjà « tout fait » avec un début de standardisation de taille mais dans des matériaux luxueux.  »

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