Petites maisons blanches, criques turquoise, monastères sur la mer… Le bonheur. Voici nos coups de cour : cinq îles, véritables joyaux en Méditerranée pour passer des vacances hors des sentiers battus.

Sifnos Monastères et mer azur

Disons-le très simplement : on s’installerait bien pour quelque temps à Sifnos. Tout juste quelques semaines, quelques mois peut-être, le temps d’investir une petite maison blanche surplombant la Méditerranée, de paresser sur le sable de la crique de Gialoudia et, le soir venu, de déguster des rougets à peine sortis des filets d’un pêcheur de Faros. Sifnos ou la perle cachée de la mer Egée. Un peu à l’écart de ses voisines plus show-off û Mykonos, Naxos, Santorin û cette petite île est un concentré de Cyclades miraculeusement préservé, à moins de trois heures d’Athènes. Refusant obstinément le tourisme de masse et les grands complexes hôteliers û  » On ne leur brancherait pas l’eau et l’électricité « , dit en plaisantant à moitié un employé de la mairie û Sifnos est le paradis de tous ceux qui rêvent de louer un appartement ou une maison sur une île grecque.  » Mais attention, si vous restez trop longtemps ici, vous ne repartirez plus ! « , prévient Elefterios, 55 ans et, donc, autant d’années passées à Sifnos.

Pour explorer cette île longue d’une quinzaine de kilomètres et large de 6, on ne saurait trop recommander la location d’un scooter. Outre le plaisir de retrouver ses sensations d’adolescent chemise au vent, il permet de profiter au plus près de ces paysages arides tout en terrasses d’oliviers, en coteaux de genévriers et, au fond de vallées soudainement verdoyantes, de potagers où poussent aubergines, tomates et oignons. En partant d’Apollonia, la capitale, perchée au centre de l’île, vous avez le choix entre six routes. Mais, de toute façon, où que vous alliez (au bout du chemin, ou avant de plonger vers la mer), vous tomberez inévitablement sur une église. Ou un monastère. Ou une chapelle. Il y en a autant que de saints dans l’année. Soit une pour huit habitants…  » Au total, nous pensons qu’il y en a près de 350, mais personne ne connaît leur nombre exact « , avoue Sofia, à l’office du tourisme.

Prenez le monastère de Panagia Chryssopigi. Son clocher semble avoir été spécialement posé sur un long promontoire rocheux en équilibre au-dessus de la mer pour une campagne de publicité pour les Cyclades. Rien ne manque : le blanc chaulé des murs, le bleu lumineux des volets, l’ombre mordorée de Paros au loin et, à l’infini, l’azur de la mer Egée. A trois brasses de là, une petite plage bordée de tamaris permet de nager l’£il bercé par la blancheur immaculée du monastère. Rarement eau bénite et eau salée auront cohabité dans une telle harmonie.  » Respectez ce lieu, ne vous baignez pas nu « , précise néanmoins un panneau devant Chryssopigi.  » Quand vous croisez une famille qui descend un chemin vers la mer, vous ne savez jamais si elle va prier ou se baigner « , résume Iannis, un jeune Sifniote qui passe plus de temps dans l’eau qu’en dévotions.

L’île serait-elle bigote ? Pas du tout. Mais les Turcs, longtemps maîtres des lieux, exigeaient des Grecs le versement d’une taxe pour tout terrain… sauf ceux possédant une église. Du coup, de petites chapelles où l’on ferait à peine entrer une famille, ont poussé sur le moindre arpent libre. Une fois par an, on y organise une  » panegiri « , joyeux banquet où tout le village se retrouve autour d’un feu dans une pièce attenante spécialement aménagée. Au menu,  » revithada  » (pois chiches, oignons, laurier) et vin résiné.  » Tout visiteur de passage y est le bienvenu « , jure Elefterios. Et, en effet, l’île cultive l’hospitalité. Lorsque vous sillonnez les routes sur un scooter frappé du logo du loueur Apollo, qui vous désigne clairement comme un  » étranger « , les Sifniotes mettent un point d’honneur à vous saluer d’un geste de la main ou d’un large sourire, au point que vous vous demandez d’abord si vous n’avez pas un sosie local…

Dès lors, vous n’avez plus qu’à vous laisser hypnotiser par les murs de pierre sinueux qui découpent les parcelles d’oliviers à l’infini, les pigeonniers vénitiens qui hérissent les vallées et les ruelles médiévales de Kastro, qui réfléchissent une blancheur à peine tamisée par une gerbe de bougainvillées. D’un coup d’accélérateur, vous poussez jusqu’à l’extrême nord et le minuscule port de pêche de Herronissos et là, soudain, au détour d’un virage, vous n’êtes plus en Grèce, mais sur la Lune. Désert pelé ocre-blanc de rocailles, sans le moindre figuier ni cyprès. Et puis, en hissant le cou, au loin, une forme blanche. Le monastère d’Agios Giorgios. Nous sommes toujours à Sifnos…

Syros Une capitale en miniature

Ne vous fiez pas à l’affreux chantier naval que vous découvrirez en arrivant au port. Ou fuyez ! Si cette vision vous rebute, c’est que Syros n’est pas pour vous. Ni piège à touristes, ni image de carte postale, cette île diffère de ses voisines des Cyclades, dont elle est la capitale. Catholique et francophile par son histoire, elle a su garder un charme typiquement grec : ce mélange d’agitation et d’élégance inimitable. Les Athéniens ne s’y sont pas trompés, qui en ont fait leur lieu de villégiature favori. Tous les week-ends, ils viennent se délasser à deux heures (en hydroglisseur) de la métropole le long de ses plages ou s’abreuver de  » frappé  » sur les terrasses des cafés chics d’Ermoupolis.

Derrière son port et ses bars en chapelet, la cité d’Hermès, chef-lieu de l’île, recèle d’incroyables trésors. A commencer par la place principale, Miaoulis, l’£uvre d’un architecte allemand : un immense parterre de marbre orné de palmiers où trône l’hôtel de ville. Ce pur concentré de style néoclassique déborde bien au-delà de la place sur les façades des riches demeures du quartier de Vaporia. Mélanges de stuc et de marbre, inspiration Renaissance, balcons en fer forgé, colonnades… L’architecture grand genre d’Ermoupolis est une exception dans l’archipel des Cyclades, habitué aux maisons blanchies à la chaux. Derrière la place, la rue débouche sur le théâtre Apollon, qui fait la fierté des Syrotes. Et pour cause : il n’est autre que la copie en miniature de la Scala de Milan ! Pourquoi tant de faste au beau milieu de la mer Egée ? C’est que l’île eut une influence majeure jusqu’au XIXe siècle. Son port de commerce ne déclina qu’avec l’ouverture, en 1883, du canal de Corinthe qui recentra le pouvoir sur Le Pirée. Pour le reste, l’île est un défilé de prairies et de ports de plaisance plus tranquilles au nord qu’au sud. A Kini, sur la côte ouest, on s’attable au bord de la mer dans des tavernes authentiques. A Delfini, on se prête aux joies du naturisme. Tandis qu’à Lia ou encore plus au nord, au pied de la garrigue sauvage de Gramata, on oublie tout simplement le monde.

Hydra Un petit port de rêve

Ah ! Une société sans voitures ! Avec une mer turquoise. Des bougainvillées. De petites ruelles qui serpentent entre cyprès et figuiers. Le silence. Rêvons. Rêvons ou sautons dans un Flying Dolphin û hydroglisseur athénien û direction les îles du golfe Saronique, au large du Péloponèse. Une heure et demie plus tard, au détour d’un cap, vous entrez soudain dans le plus beau port de toutes les îles grecques, un amphithéâtre de maisons blanches qui vient mourir dans la mer. Bienvenue à Hydra, l’île sans voitures.

Personne ne s’étonne donc de voir des mulets lourdement chargés û  » Nos Mercedes à nous « , plaisante le libraire û passer devant les immenses yachts aux vitres fumées de la jet-set, qui aime à faire escale au pied de la ville.  » Albert de Monaco vient parfois et Chuck Norris gare son bateau devant mon restaurant « , jubile Kostas, en mimant une prise de karaté incertaine. Les somptueuses maisons de maître jaunes ou bleues qui émergent de la marée de bâtisses blanches sont, elles, propriété d’Athéniens fortunés qui y passent le week-end. Autrefois ces  » archontika  » appartenaient à de puissants armateurs, ces Miaoulis ou Koundouriotis û qui passait pour l’homme le plus riche d’Europe û dont la flotte fut décisive dans la guerre de libération contre les Turcs, en 1821.

La ville est un dédale. Il faut s’éloigner des dizaines de bijoutiers qui vendent or et ambre sur les quais û sans doute la plus grande concentration de la Méditerranée û et remonter de délicieuses ruelles bordées de lauriers et de citronniers ployant sous des fruits gros comme des pamplemousses. Ce ne sont que terrasses fleuries, patios débordant de parfums, tonnelles de vigne vierge. A chaque instant on croit pénétrer dans une habitation tant les escaliers labyrinthiques se resserrent, mais, finalement, on parvient sur les hauteurs, là où les Hydriotes se cachaient jadis des pirates. De là-haut, entre deux figuiers et un âne indolent attaché par la bride à un volet, on devine, au loin, quelques nuages accrochés sur les collines du Péloponèse.

Mais c’est tôt le matin, avant l’arrivée des premiers bateaux d’Athènes, qu’Hydra se livre vraiment. D’ailleurs comment ne pas se lever de bonne heure dans une ville où coqs, ânes et surtout cloches du monastère de l’Assomption se font entendre dès l’aube ? Là, donc, de la terrasse du café Il Posto, on voit un pêcheur vendre des poignées de rougets de sa barque à de vieux Hydriotes, pendant que les commerçants traînent de longues charrettes à bras remplies de bidons d’huile ou de faux vases mycéniens. Et c’est avec un plaisir sadique que l’on regarde passer l’unique représentant de la race automobile û le camion poubelles. Dès lors, la ville est entièrement livrée aux chats, aux ânes et aux enfants.

Si l’on veut s’aventurer dans le reste de l’île, il faut donc marcher sur les chemins muletiers, vers le monastère d’Agia Matronis ou le hameau perdu d’Episkopi, au milieu des effluves de la  » phrygana « , la garrigue du golfe Saronique. En avril, en septembre, ou l’été en dehors des week-ends, on est seul au monde. Pour peu que l’on ait emporté avec soi quelques  » saganaki  » au fromage et  » amygdala « , pâtisserie aux amandes…

Mais les sociétés sans voitures sont des sociétés fatigantes. Reste évidemment une dernière solution : louer un âne. Alors, sur ces magnifiques selles de bois et de cuir, les deux jambes du même côté, à la grecque, on se laisse porter par les petits ponts génois, les vallées verdoyantes, le reflet de la mer au détour d’un virage. Au rythme hydriote. Et quand, à l’heure de pointe, on croise par hasard un autre cavalier sur un sentier, on rit en pensant à l’enfer asphyxiant des embouteillages d’Athènes.

Spetsae Le parfum des jasmins

Jean Cocteau voulait s’y installer, Jacques Chardonne fut foudroyé par sa beauté et Michel Déon y a vécu de longues années. Même si elle a un peu perdu de sa superbe, l' » île aux jasmins  » dispense un petit parfum de nostalgie qui vous cueille dès les quais du port de Dapia, avec le dôme, les tourelles d’angle et les volets verts un peu passés de l’hôtel Poseidonion.

Les chantiers navals qui produisaient les plus beaux vaisseaux de Grèce ont laissé place à de charmants ateliers de bric et de broc où l’on calfate de somptueux caïques, et les riches armateurs ont été remplacés par le célèbre milliardaire (grec) Niarchos, qui s’est fait construire un palais sur l’îlot tout proche de Spetsopoula. Mais, où que l’on se trouve à Spetsae, on tombe nez à nez avec une fière brune aux yeux de braise, châle jeté sur les cheveux. Laskarina Bouboulina, la Jeanne d’Arc grecque, fut l’héroïne de la guerre de libération contre les Turcs en 1821. L’arrière-arrière-arrière-petit-fils de l’armatrice, Philip Demertzis-Bouboulis, habite toujours la demeure fleurie de son aïeule. Ce Grec souriant se fait un plaisir de laisser visiter ses trésors.

Sérifos Criques et eaux turquoise

On va à Sérifos pour ses plages. Moins riche en monastères et en paysages que ses voisines des Cyclades, l’île où grandit Persée est toute en criques secrètes, baies abritées et rubans de sable. A l’est de Livadi, le port principal, s’étend une péninsule de plages, de la crique de Tsilipaki aux eaux turquoise de Lia ; sur la côte sud, on passe des rochers blancs de Vagia aux tamaris de Koutalas. Idéal pour se détendre au retour de Sifnos, dont la silhouette se découpe à l’horizon.

Jérôme Dupuis et Marion Vignal Photos : L. Fabre.

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