Un modiste dans l’âme qui renaît au grand jour, une toute nouvelle boutique-atelier à Bruxelles et des chapeaux à couper le souffle. Elvis Pompilio n’en fait qu’à sa tête. Et c’est tant mieux.

Il n’a jamais eu la grosse tête, du reste, il fait un 55. Mais il aura toujours cet air de petit garçon qui aimerait tant qu’on l’aime. Car il est né indésirable un 21 janvier 1961, dans une famille italienne venue des Abruzzes, installée dans la région liégeoise, père mineur, mère logeuse, trois grandes s£urs et un prénom hommage à Presley, choisi par l’aînée, en guise de lot de consolation à l’arrivée de ce bébé fardeau dont tout le monde se fiche. Quarante-neuf ans plus tard, Elvis Pompilio dit que l’indifférence est pire que tout. On ne peut rien contre une enfance malheureuse.

Depuis trois mois, il prépare sa rentrée : le 1er avril prochain, il ouvre sa boutique-atelier au Sablon, au c£ur de la capitale. Après sept ans d’absence volontaire, même s’il ne fut jamais un fantôme de chapelier. Retour en arrière : en juin 2002, Elvis Pompilio ferme sa dernière boutique à Bruxelles, après Paris et Londres, définitivement croit-il encore. Depuis 1987, date officielle de l’inauguration de son showroom dans la capitale, il a chapeauté la haute couture, Chanel, Mugler, Féraud ; accessoirisé les sil-houettes de Bikkembergs ou de Céline, notamment ; serti les crânes des céleb’, Madonna, Axelle Red, Joan Collins, Sharon Stone, Harrison Ford, Amélie Nothomb plus une tripotée de reines et de princesses. Il a l’impression de  » se perdre « , trop de personnel, trop d’aller-retour, trop de tout. Il est temps de passer à autre chose, être lui, et ne pas oublier pour autant son talent, imaginer encore des chapeaux, mais pour ses amis, en privé, les créatrices belges Véronique Leroy, Veronique Branquinho et Ann Demeulemeester, en public. On ne peut rien contre l’envie de créer.

Dans l’entrée de l’appartement qui lui sert pour l’heure d’atelier, la lettre officielle qui annonce qu' » il a plu au Roi de nommer Elvis Pompilio Officier de l’Ordre de Léopold II « . Il a bombé le cadre à la peinture noire, elle a un peu débordé sur la vitre, cela ressemble désormais à une relique sauvée d’un incendie ravageur. Pour le reste, très peu d’archives,  » le passé, c’est le passé  » et des patères, des perroquets, des bustes en osier et des têtes avec make-up seventies qui faisaient le bonheur de ses vitrines, dans sa vie d’avant. Dessus, sa collection, toute fraîche : de la paille, des voilettes, des headbands, des trilby, des chapeaux de cow-boy, du fluo. Il saisit un bijou de tête, en métal argenté, des petites fleurs des champs raffinées qu’il vous pose délicatement sur les cheveux, un diadème et soudain vous vous sentez pousser des ailes. Il attrape un mini-chapeau de paille, à porter très bas sur le visage, qui cache le regard, met juste la bouche en valeur, ni vu ni connu, la mystérieuse élégance. Puis il vous enfonce sur le crâne un chapeau plat qui passe de la deuxième à la troisième dimension, un modèle déposé, il en a marre d’être copié. Voici la version Homme, avec son ruban de gros grain en trompe-l’£il, belle gueule, et ainsi de suite, Elvis Pompilio pourrait continuer à tout vous essayer sans discontinuer.  » Embellir les gens, dit-il, les rendre heureux.  » On ne peut rien contre son sourire soudain enfantin.

Aujourd’hui, il ne veut plus se  » disperser « . Préfère prendre racine dans sa boutique-atelier : deux étages, un pour l’Homme, l’autre pour la Femme, et lui, seul maître à bord, pour recevoir chacun comme s’il était unique, les vendredi, samedi et dimanche, avec cette attention délicieuse qui lui est naturelle. Revoir Syracuse aussi où il a décoré sa maison à sa façon. Continuer enfin à collaborer avec Véronique Leroy et Ann Demeulemeester – les divines couronnes de plumes de l’automne passé, c’est lui qui les a imaginées pour elle.  » Qu’Ann me dise : « Je suis contente de travailler avec toi », qu’elle prenne tellement soin de mon travail, qu’elle y porte tant d’attention, qu’elle soit tellement gentille et respectueuse, cela me touche et m’aide, peut-être, à continuerà  » Et soudain, cela affleure ; le petit garçon trop sage, qui jouait tout seul dans l’indifférence générale, refait surface. Il n’avait jamais parlé de son enfance, c’est fait. Et désormais, son histoire existe aussi en version imprimée, dans Vie privée (France Europe Editions), un livre forcément intime, écrit par son bras droit, Jean-Paul Masse de Rouch, à la première personne. Car Elvis a peur des mots, comme si la langue était trop grande pour lui, mais des chapeaux, non, il ne craint rien. On ne peut rien contre la fidélité à soi-même.

Pour rencontrer Elvis Pompilio en exclusivité, lire en page 101.

Carnet d’adresses en page 100.

Anne-Françoise Moyson

Embellir les gens, les rendre heureux.

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