A 34 ans, cet escaladeur belge multi-primé gravit les » big walls » de la Terre entière. Une vie suspendue à un fil qui lui procure adrénaline et ravissement. Une manière de faire le vide. Intérieur.
Ses mains. C’est ce que l’on regarde en premier lorsqu’on fait connaissance avec Nicolas Favresse. A 34 ans, le Belge enchaîne les » Big Walls » – des falaises rocheuses de très haute taille – à la seule force de ses dix doigts ou presque. Verdict ? Musclées, noueuses sans être les battoirs de déménageur auxquels on s’attend. Et pourtant… Ce poids plume – 64 kg pour 1,75 mètre – a déjà ouvert une vingtaine de voies inédites dans le monde. Il faut visionner les images de ses ascensions vertigineuses, récompensées par de multiples prix, pour entrevoir la force physique du bonhomme. » La puissance n’est pas aussi importante que l’agilité, rectifie le sportif. Il faut de la souplesse, de l’endurance et de l’intuition. Comprendre les appuis, c’est très subtil. On essaie parfois des mouvements pendant des années avant de les réussir. »
Avec son comparse de toujours, Sean Villanueva, rencontré dans une salle d’escalade bruxelloise quand il avait 16 ans, et son frère cadet, Olivier, ils forment un trio qui ne vit que pour les expéditions menées, ensemble ou séparément, aux quatre coins de la planète. Chine, Inde, Venezuela, Etats-Unis, Terre de Baffin, dans l’archipel arctique canadien : la liste des destinations est longue comme une corde de rappel. » La finalité, c’est d’attaquer les grandes parois mais pour cela il faut être en forme. Entre les expéditions, on s’entraîne, on travaille la technique. » En décembre dernier, il est venu passer quelques jours dans la forêt de Fontainebleau où il joue les hommes-araignées sur des petits blocs de grès, histoire de faire ses gammes. Rien de comparable avec les gratte-ciel de roche qu’il faut vaincre à mains nues avec pour seul filet des coinceurs glissés dans des microfissures. Un système d’assurage écologique que le grimpeur plugge et retire au fur et à mesure de sa progression. » C’est rarement sûr à 100 %, on multiplie donc les accroches et on calcule sa chute, au cas où « , explique sereinement l’athlète qui avoue s’être fait quelques frayeurs en quinze ans de pratique. Comme ce jour où, coincé à 400 mètres d’altitude dans une » cheminée » par un bloc de granit qui menace de l’écraser, il décide de se jeter dans le vide, dévisse, fait sauter les coinceurs les uns après les autres et se retrouve suspendu la tête en bas avec une corde à moitié sectionnée. Son coéquipier lui sauvera la vie.
Nicolas Favresse ne voudrait pourtant pas réduire le climbing à une séquence émotion pour YouTubers. » C’est une discipline quasi spirituelle, ajoute-t-il. C’est un trip autant mental que physique. » Grâce à ses sponsors et ses conférences, il vit de sa passion, sans confort excessif mais sans frustration. » Cette discipline t’apprend à te contenter de pas grand-chose. Le camping sauvage est souvent l’unique moyen de se loger pour accéder là où on veut aller. Lors de notre dernière expédition au Groenland, nous n’avons pas pris de douche chaude pendant trois mois. La mer à 4°C, on s’y fait. Quand je reviens en Belgique, tout me semble luxueux, même l’eau courante ! »
Cet ascète joyeux, adepte du yoga, qui a transformé son véhicule utilitaire en roulotte pour partir au pied levé, a contracté le goût de l’aventure dans l’enfance. Ses parents, amateurs de voile, n’hésitaient pas à traverser la Méditerranée avec leurs trois enfants (et le chien) sur une coquille de noix, sans boussole… » Avec eux, j’ai découvert le ski de rando, la planche à voile, on faisait tout ensemble. » Pour l’année nouvelle, l’amateur de défis projette des expéditions en Afrique du Sud, au Brésil et à Madagascar. Se voit-il un jour sédentaire ? Il hésite à répondre. » Peut-être… A condition de vivre à côté d’une montagne et de partir cinq ou six mois par an. » Tous les alpinistes le savent, il y a des sommets infranchissables.
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PAR ANTOINE MORENO
» La puissance n’est pas aussi importante que l’agilité. «