Résistante à l’écran et très bientôt maman dans la vie réelle, la brillante actrice australienne vibre intensément à ce qui se passe en elle… et dans le monde.

Il n’aura fallu qu’un rôle pour révéler Cate Blanchett à la face du monde. Shekar Kapur, le réalisateur d’  » Elizabeth « , avait choisi la jeune actrice australienne pour incarner la plus célèbre des reines d’Angleterre. Déjà reconnue au théâtre mais encore peu vue au grand écran, Cate fut si éblouissante que sa performance lui valut une pluie de récompenses. Dont une nomination aux oscars qui la vit devancée seulement par Gwyneth Paltrow (pour  » Shakespeare in Love  » et, non sans ironie, dans une compétition opposant une Américaine à une Australienne dans des emplois typiquement  » british « ). C’était en 1999 et la comédienne venue des antipodes a triomphé depuis sur la scène londonienne en campant Susan Traherne dans  » Plenty « , de David Hare, une pièce qui fut naguère transposée à l’écran avec Meryl Streep dans le rôle central. Le charme, le mystère et le talent de Cate Blanchett illuminèrent aussi récemment des films comme  » An Ideal Husband  » et  » The Talented Mr. Ripley « . Avant de nous revenir en elfe dans l’adaptation très attendue de la saga  » Lord of the Rings  » de Tolkien, l’actrice achève tranquillement une grossesse qui la verra mettre au monde son premier enfant, en principe… le jour de Noël!

A Londres, où elle nous a reçus, la longue blonde à la beauté classique portait une robe de velours pourpre. Sa main posée sur le ventre caressait son futur bébé en un geste apaisant, tandis que la télévision située dans la pièce contiguë débitait des nouvelles de la guerre en Afghanistan. Une guerre bien actuelle, alors que Cate venait d’achever le tournage d’un drame située en France, durant le second conflit mondial. Le film s’appelle  » Charlotte Gray « . Elle y campe une jeune Britannique parachutée en France occupée, où elle espère – tout en aidant la Résistance – retrouver son amant porté disparu…

Weekend Le Vif/L’Express : Lorsqu’on joue une héroïne d’une guerre passée au moment même où un autre conflit fait rage, peut-on s’empêcher de mettre en jeu des sentiments très intimes?

Cate Blanchett: Non, bien sûr. Et plus encore lorsque comme moi vous attendez la naissance très proche d’un enfant. Cela vous amène inévitablement à vous demander quelles sont vos vraies valeurs, et ce que vous êtes prêt à risquer pour elles. Pour Charlotte Gray, dans le film, c’est l’amour d’un homme, de la liberté menacée, puis la protection des deux enfants juifs cachés qu’elle aura sous sa responsabilité en France. Pour moi, c’est la famille. Et lorsque je la vois violée, frappée, fracassée, explosée par la violence aveugle, je sens s’intensifier en moi un sentiment protecteur. En tournant le film, je me suis attachée à ces enfants qui partent finalement en train, vers ce qu’ils ne savent pas encore être la mort. Enceinte moi-même, je ressentais vivement l’horreur de la séparation…

Charlotte agit pour défendre ses valeurs. Vous sentez-vous, vous-même, femme d’action?

Pour cette famille qui est le coeur de mon existence, je me sens prête aux actions les plus déterminées. Rien ne me ferait accepter de ne pas agir pour elle, de la manière la plus radicale s’il le faut. C’est ce que nous sommes prêts à risquer qui nous révèle vraiment! N’avez-vous pas l’impression que la présence de danger, l’urgence d’agir, vous font toucher de plus près la personne que vous êtes au plus profond de vous-même? Des événements comme une guerre, une catastrophe naturelle soumettent les gens à un test (dramatique), d’où ils sortent généralement avec une meilleure définition d’eux-mêmes. On ne peut bien sûr souhaiter pareille épreuve. Et il ne faut pas forcément aller si loin. La vie quotidienne peut nous apporter des occasions de tester notre sens du risque, nos priorités, ce que nous sommes prêts à sacrifier et au nom de quoi nous sommes prêts à le faire. Pour certaines personnes, comme par exemple Charlotte Gray dans le film, l’épreuve peut même avoir un effet libérateur.

Cela vous paraît un peu étrange, d’évoquer le film et la Seconde Guerre mondiale alors que les combats font rage en Afghanistan?

Cela me fait beaucoup réfléchir. Le Vietnam n’est pas si loin, les Malouines non plus, la guerre du Golfe n’est vieille que de dix ans. Et nous voilà repartis… Ce qui se passe aujourd’hui n’est pas sans évoquer la Seconde Guerre mondiale en ceci qu’il se dégage une impression de conflit global, et que se profile un ennemi commun. Mais un ennemi dont nous savons ni tout à fait qui il est, ni tout à fait où il peut à nouveau frapper. C’est très déconcertant, et inquiétant. Je pense que nous devrions tous saisir l’occasion pour interroger nos positions morales et politiques.

C’est l’Histoire en direct?

Oui. Et l’Histoire m’a toujours passionnée, depuis l’école. J’adore être transportée dans le temps, que ce soit par un film ou par une lecture. Mais l’Histoire, c’est avant tout le passé. Et le passé est presque toujours auréolé d’une certaine beauté, d’un certain romanesque. Etre là quand l’Histoire se fait, violente et brutale (comme c’est si souvent le cas), n’a plus rien d’un plaisir… Avec ce que nous vivons en ce moment, je crois que nous ne pouvons pas voir une personne, une peinture, un film, sans questionner sa pertinence. Je n’ai jamais été attirée par la violence gratuite, ou le sexe gratuit, mais je crois que beaucoup de gens qui pouvaient l’être, n’ont plus, en ce moment, l’envie d’en voir.

La maternité maintenant toute proche influence-t-elle votre manière de voir le monde ?

Intensément. Je me prépare à faire naître un enfant dans un monde en crise, semé de dangers. Il faut y penser, très fort, et se dire aussi très fort que cela vaut la peine, plus encore aujourd’hui sans doute qu’en d’autres circonstances. La vie doit l’emporter. Il n’y a pas d’autre choix.

Certains s’accorderaient volontiers à trouver dans cette détermination un trait de caractère très australien. Comment définiriez-vous votre  » australianité « ?

Je déteste émettre des généralités à propos de quelque culture que ce soit. Et puis, c’est difficile pour moi de définir quelque chose qui fait tellement partie intégrante de ma personnalité. Je vous dirai qu’en tout cas, lorsque vous êtes australien, vous n’êtes pas du genre à faire de votre nez. Parce que cette tendance nous a été extirpée à coups de poing et de pied dès l’école primaire ( rire)! Nous ne nous prenons pas pour autre chose que ce que nous sommes, nous sommes rarement prétentieux et globalement assez terre à terre. C’est une qualité qui nous permet notamment, dans le métier du cinéma, de nous mêler facilement aux autres lors d’un tournage, tels des membres d’une équipe. Nous sommes aussi, pour la plupart, prêts à prendre des risques. Vous savez déjà que cela compte beaucoup, pour moi ( rire)…

Vivez-vous toujours en Australie?

Depuis deux ans, je ne vis en fait nulle part ( rire)! Mais, avec l’enfant, nous allons devoir trouver un foyer et ce sera, je crois et j’en suis même sûre, en Australie.

Attendez-vous un garçon ou une fille?

Nous ne savons pas et c’est très bien ainsi. Un couple de la famille de mon mari était si fier d’apprendre qu’ils allaient avoir un fils. Le père bombait le torse en évoquant le fait que, sur l’écran lors de l’examen médical, son gamin avait un zizi énorme. A l’accouchement, surprise! C’était une fille! Le gros zizi était en fait un morceau du cordon ombilical ( rire)… Plus sérieusement, cela les a fort perturbés, la maman y comprise. C’était un choc, car lorsque vous savez, ou croyez savoir, vous commencez à vous représenter ce que sera l’enfant et même à projeter ce que vous ferez avec lui (ou elle). Alors quand c’est une erreur, toute une construction mentale et affective s’écroule! Nous avons donc décidé de ne pas savoir… C’est mieux pour nous. Pas pour certaines de mes amies. Une d’entre elles me téléphone sans cesse pour savoir. Elle se plaint:  » Mais que vais-je lui acheter? Comment allez-vous peindre la chambre?  » Comme quoi même en ces temps que nous vivons, il se trouve des gens pour avoir de vrais grands problèmes dans la vie…

Propos recueillis par Louis Danvers

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content