Mets de fête, le caviar mérite bien quelques attentions. Nos suggestions pour le savourer sans fautes de goût.

Bonne nouvelle! Selon Arya et Ahmad Razavi, le prix du caviar devrait diminuer d’environ 10%. Leur Caspian Tradition est l’une des dix sociétés au monde à traiter directement avec la Shilat Trading Corporation, organisme officiel iranien, le seul et omnipotent distributeur des oeufs d’esturgeon. Cette baisse, qui résulte de la volonté de ne pas trop hausser les enchères, ne risque pourtant pas d’écorner les finances de la Shilat. L’osciètre première sélection se monnaie aujourd’hui autour de 1 500 euros le kilo hors TVA alors qu’il coûtait l’équivalent de 500 euros en 1995.

1995 est l’année de naissance de Caspian Tradition. Ses fondateurs, les époux Razavi, d’origine iranienne, ont étudié l’informatique à l’ULB (Aria) et le droit à la VUB (Ahmad). Professeur de droit maritime à Téhéran, le Dr Razavi mène des recherches sur la mer Caspienne et son avenir, à l’Université de Gand. Dans la famille, on est expert de père en fils depuis quarante ans. C’est dans cet esprit que Ahmad Razavi se rend plusieurs fois par an en Iran pour tester et sélectionner les caviars. Dès leur arrivée à Zaventem, les boîtes (environ 1,7 kg) dûment estampillées, subissent un premier contrôle de la part des autorités aéroportuaires. Un deuxième examen aura lieu dans le laboratoire de 500 m² installé par les Razavi à Waterloo. C’est dans ces installations respectant les règles européennes les plus sévères que le caviar est conditionné dans des boîtes de 30, 50, 100, 125, 200, 250, 500 g et 1 kg, puis emballées traditionnellement (ficelées et plombées).

En voie de disparition

En 1998, le Cites (organisme international chargé de protéger les espèces en voie de disparition) impose des quotas très stricts d’exportation. En fait, rien ne va plus dans le petit monde des esturgeons. Leur nombre se raréfie. Braconnage, pollution et pêche intensive contrarient la reproduction normale des poissons. La chute de l’Union soviétique et la création de nouvelles républiques indépendantes et incapables de contrôler suffisamment les pêcheurs de la Caspienne et de la Volga favorisent le pillage. La réaction est tardive, mais significative. En 1995, l’Iran exportait 250 tonnes de caviar. Le nombre tombe à 90 tonnes en 1999, à 70 tonnes en 2000… Et de plus, les poissons n’ont plus le temps d’arriver à maturité. Trop tôt pêché, le beluga n’atteint plus sa taille d’antan, ses oeufs sont donc moins gros et sa vente est compromise cette année.

Russe, iranien… ou belge

Un tantinet paresseux, l’esturgeon se prélasse volontiers sur le fond de la mer là où les anchois sont aisés à gober. Or les eaux territoriales iraniennes bénéficient de fonds de 900 m propices à une nourriture saine ce qui n’est pas le cas du côté russe où la profondeur n’excède pas 10 m. Les Russes pêchent essentiellement dans la Volga, où circulent de nombreux pétroliers. Ils utilisent aussi des méthodes quasi industrielles pour la pêche ce qui reporte le traitement des esturgeon au port. Utilisant de petites embarcations, les Iraniens en revanche peuvent les vider immédiatement. Important quand on sait que les esturgeons ne vivent que trois heures hors de l’eau et qu’idéalement les oeufs doivent être prélevés avant leur mort. L’absence d’installations conformes pour le traitement du caviar et le salage, savant dosage de sel avec un peu d’acide borique (coûteux en Russie), suscitent d’autres réserves.

Du côté de Bordeaux, les Français élèvent des esturgeons en aquaculture. Les résultats semblent intéressants, mais les quantités de caviar sont encore très faibles. La grande nouveauté? Elle est belge! Joosen-Luyckx Aqua Bio, une société de Turnhout, a réussi à élever des esturgeons dans notre pays. Elle propose aujourd’hui le Royal Belgian Caviar (variété: « Acipenser baeri »).

Les règles de l’art

Sur les 29 espèces et sous-espèces d’esturgeons, dont deux disparues, trois seulement font le régal des papilles. Le sevruga, le poids plume de la famille, donne de petits grains légèrement iodés. La petite touche de noisette qu’on y décèle marque davantage l’osciètre qui reste le favori des amateurs. L’impérial ou osciètre gold gagne en douceur et en rareté puisque le poisson doit fêter au moins ses 50 ans. Le beluga, qui atteint rarement son poids, réserve les grains les plus gros et le goût le plus puissant.

L’esturgeon est pêché en automne et au printemps. Cette dernière pêche est la plus convoitée. Les poissons sont plus toniques quand ils traversent les eaux froides pour frayer. Les oeufs sont plus gras, plus doux et d’une texture moins grasse qu’en automne. C’est la pêche de printemps qui approvisionne les fêtes de fin d’année.

Le caviar vendu en grandes surfaces provient de surplus. Le fait de le « stériliser » à 60 °C dans des pots en verre nuit à sa saveur. Le « vrai » caviar se déguste frais. Produit fragile, il s’abîme vite et ne se garde, chez soi, que deux ou trois jours au réfrigérateur.

Idéalement, le caviar est servi en entrée sur des toasts ou des blinis. Le fin du fin est de l’apprécier à la petite cuillère… A condition que celle-ci soit en nacre, en verre ou en corne. Jamais en argent ni en acier.

Pour accompagner le caviar, la vodka servie glacée a quelques longueurs d’avance dans le goût des consommateurs. Cependant, un champagne brut ou une cuvée de prestige ont l’avantage de la légèreté. Les bulles nettoient ainsi e gras et respectent le caviar. Un grand bourgogne blanc de la race d’un corton-charlemagne ou d’un seigneur de montrachet (bâtard, bienvenues-bâtard-montrachet…) possède un côté noisetté qui répond au caviar et particulièrement à l’osciètre. Les plus téméraires tenteront l’aventure avec un jeune saint-émilion grand cru classé comme le château Corbin-Michotte…. non chambré !

Serge Tonneau

Carnet d’adresses en page 103.

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