Elles sont l’un des fondements de la cuisine ayurvédique. Aujourd’hui, des chercheurs et des médecins renommés se penchent sur leurs bienfaits. Seraient-elles aussi agréables au palais que nécessaires à notre bien-être quotidien ?

Son credo ?  » Un cuisinier qui ne prend pas soin de la santé de ses clients n’est pas digne d’être appelé un cuisinier « , assène Olivier Roellinger, qui se définit lui-même comme un chercheur d’épices. Influencé par les préceptes de l’ayurvéda, la médecine indienne, le chef de Cancale, en Bretagne, dénonce l’habitude occidentale, absurde selon lui, qui consiste à employer un aromate seul.  » Broyées et mélangées entre elles, les épices permettent de se protéger des maladies.  » Un credo partagé par le cancérologue David Khayat, du grand hôpital parisien Pitié-Salpêtrière, et la nutritionniste Nathalie Hutter, séduits par les épices et leurs applications en médecine préventive et en nutrition. Leur passion commune a réuni le chef, le professeur de médecine et la nutritionniste dans un ouvrage dont la parution est prévue en septembre chez Odile Jacob, Les Épices de la vie. Un intérêt mérité, et qui ne fait que réveiller notre mémoire culinaire ancestrale, influencée par la notion de survie : les plantes ont toujours été le réservoir de la médecine. Ainsi, la sagesse populaire médiévale avait certainement fait sienne la devise d’Hippocrate :  » Que ton aliment soit ta seule médecine.  » Les épices, coûteuses mais abondamment consommées, avaient la réputation de lutter contre les miasmes et les épidémies de peste. Présentes dans tous les plats, et même dans les vins, elles offraient une alternative à une alimentation peu variée, pauvre en légumes et trop riche en féculents. On les savait déjà conservateurs naturels autant qu’utiles pour corriger ou masquer certaines saveurs. Actuellement, c’est pour éluder le trop salé ou le trop sucré que chefs et diététiciens s’en emparent.

Le curcuma

L’or des Indiens

Bientôt aussi indispensable que le sel ou le poivre, cette poudre jaune d’or ? Employée depuis cinq mille ans en Chine et en Inde comme alicament, elle est une des marottes du Pr David Khayat :  » La curcumine, qui en est extraite, possède de remarquables propriétés antioxydantes et antiprolifératrices, anti-inflammatoires ainsi que pro-apoptotiques sur les cellules cancéreuses (l’apoptose étant la mort cellulaire).  » De fait, de nombreuses études démontrent que les Indiens seraient quatre fois moins exposés aux risques du cancer de la prostate que les Occidentaux. Consommé frais ou en poudre, le curcuma semble l’épice la plus prometteuse pour ses bénéfices santé.

En version gourmande

Indissociable des currys, dals et légumes indiens, le curcuma ne jure pas avec les fondamentaux de notre cuisine : son goût musqué fait merveille dans la plupart des potages, qu’il colore de sa robe jaune, si semblable au safran.  » Un peu de fromage blanc, quelques brins de ciboulette ciselée, du poivre noir fraîchement moulu, et une demi-cuillerée à café de curcuma : sur un poisson mariné ou de simples légumes vapeur, cette petite sauce est un délice « , conseille Olivier Roellinger.

La cannelle

Le  » réchauffement  » exotique

La cannelle entrait jadis dans la composition des mélanges d’épices réputés souverains pour lutter contre la peste. S’ils n’ont jamais empêché de contracter cette maladie, ils ont le mérite de calmer une envie compulsive de sucré : des chercheurs autrichiens ont pu vérifier les effets de la cannelle sur le diabète. Elle équilibre la glycémie et joue un rôle dans la prévention des risques de complications de cette pathologie. La médecine ayurvédique prétend qu’elle réchauffe le corps en hiver, et la phytothérapie loue ses vertus contre la toux.

En version gourmande

Guy Martin, le chef du Grand Véfour, à Paris, l’aime dans les plats salés :  » Marinée dans de l’huile d’olive ou de pépins de raisin, elle s’assortit parfaitement bien avec les poissons blancs, juste cuits à la vapeur. Ou avec un blanc de volaille de Bresse. « 

La vanille

Régressive et apaisante

Luc Marlier £uvre pour le CNRS (Centre national de la recherche scientifique, en France). Ses recherches sur les facteurs déclencheurs d’une obésité précoce l’ont conduit à placer des échantillons de vanille dans les couveuses de bébés prématurés. Surprise : en déclenchant une amplitude sans précédent des mouvements respiratoires, la vanille permet une diminution de 36 % des apnées du prématuré. L’apnée étant, à ce stade, la première cause de décès des nourrissons. Cette expérience, renouvelée depuis quelques années au CHU de Strasbourg, devrait, espère Luc Marlier, aboutir à un protocole où l’inoffensive vanille remplacerait la caféine, utilisée depuis trente ans en intraveineuse pour diminuer les apnées. Outre-Manche, une étude conduite par des nutritionnistes de l’hôpital St George de Londres a permis, au début de la décennie, de révéler un autre petit miracle : appliqués sur le dos de la main, des patchs aromatisés à la vanille ont sensiblement freiné l’addiction aux barres chocolatées et autres snacks des patients en surpoids.

En version gourmande

Pour se démarquer des incontournables riz au lait ou crème anglaise, pourquoi ne pas essayer, à la façon d’Olivier Roellinger, une gousse de vanille grattée, mélangée à du poivre moulu et à du grué de cacao, pour relever un ananas rôti ou une poire pochée ? Plus inattendue, sa vinaigrette combinant jus de citron (1 cuillerée à soupe), jus d’orange (2 cuillerées à soupe), huile d’olive et huile de pépins de raisin (3 cuillerées à soupe de chaque), sel, poivre età un centimètre de vanille grattée, infusée une heure dans le jus des agrumes : une rondeur et un bouquet à en réveiller la plus banale des salades !

Le gingembre

Piquant et chaleureux

Dans la doctrine ayurvédique, on l’utilise pour ses vertus digestives, antinauséeuses et contre les inflammations. Antioxydant puissant, il possède des molécules qui luttent contre la prolifération des cellules malignes et les bactéries. Préparé en infusion, il est un allié précieux pour combattre la grippe et la toux. Sa réputation inaltérable d’aphrodisiaque, quasi universelle, reste quant à elle à démontrer scientifiquementà

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Un petit morceau (15 g) de ce rhizome dans le bouillon d’un pot-au-feu fera chanter la viande, selon Olivier Roellinger. Piquante et poivrée, la saveur du gingembre, frais ou en poudre, rehausse une soupe de griottes, sucrée au sucre de canne et agrémentée de cannelle. Dans une confiture de tomates vertes, ou une compote de rhubarbe, il vient contrebalancer l’acidité des fruits, en chauffant agréablement le palais. Son arôme camphré et citronné se prête bien à des variations sur le thème des agrumes : mandarines, oranges et kumquats, cuits dans un sirop de sucre rouxà Confit et saupoudré de sucre cristallisé, coupé en petits dés, il demeure une des astuces les plus simples pour apporter du mordant et du caractère au plus simple des cakes. Ne servait-il pas, en d’autres temps, à la confection du pignolat, l’ancêtre du nougat ?

Les deux recettes sont extraites du livre Inde. Cuisine intime et gourmande, par Padmavathi et Beena Paradin, photographies d’Isabelle Rozenbaum, éditions Minerva, 191 pages.

Par Nathalie Helal

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