Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission  » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur la Première (RTBF radio).

Seriez-vous à Londres par hasard entre le 24 et le 26 juin ? Bien. Dans ce cas, je vous propose un petit jeu. Parmi les quelques centaines de SDF répertoriés au c£ur de la capitale britannique se cacheront, ces jours-là, une petite vingtaine de nantis déguisés en clochards. Attention, ils seront impitoyables et ne vous donneront aucun indice pour les reconnaître ! Parce que, tout simplement, ils auront payé la modique somme de 225 euros pour partager, le plus sérieusement du monde, la vie des sans-abri pendant trois jours et deux nuits. L’objectif ? Se détacher momentanément du luxe et de la volupté afin de redécouvrir la quintessence des relations humaines. Au programme : mendicité et recherche de nourriture pour survivre. Directement importé des Etats-Unis, ce concept de  » street retreat «  ( » retraite en rue « ) pourrait faire penser à une blague déplacée ou à un city-trip de mauvais goût. Pas du tout. Aussi surprenante qu’elle puise paraître, l’initiative n’émane pas d’un groupe de farfelus, mais bien d’une association humanitaire qui veille à plus de justice sociale en menant des opérations d’éducation permanente ( www.peacemakercommunity.org). La retraite en rue fait partie de ses  » séminaires « , au même titre que ses actions culturelles menées dans des camps de réfugiés ou ses voyages de recueillement organisés à Auschwitz. Malgré tout, le concept fait sourire. Jadis, pour méditer sur la condition humaine, les candidats au ressourcement choisissaient volontiers l’exil temporaire dans un ashram népalais ou, plus simplement, une retraite silencieuse à l’abbaye d’Orval. Aujourd’hui, l’approche se veut beaucoup plus misérabiliste, voire carrément paresseuse. Encore une fois, l’idée de se fondre dans la peau d’un SDF n’a rien de condamnable en soi, que du contraire ! En revanche, éprouver le besoin de passer par une organisation pour jouer au démuni provisoire est quelque peu risible. Car n’importe qui peut, s’il le souhaite vraiment, squatter momentanément un bout de trottoir pour prendre le pouls de l’humanité ambiante. Petits conseils avant de passer à l’attaque : ne pas se laver pendant une semaine, porter de vieux vêtements déchirés en superposition et, surtout, se délester de tout signe extérieur de richesse. Dépaysement garanti ! Mais voilà, l’air du temps est au coaching (comprenez un encadrement personnalisé) et ce type de service est forcément bienvenu en territoire inconnu. Bref, on veut bien tâter de la marginalité urbaine, mais avec la garantie d’être secouru en cas de pépin. D’où les 225 euros de l’inscription. Finalement, cette immersion organisée dans la crasse urbaine était presque prévisible. A mi-chemin entre le stage de survie et la compassion rédemptrice, la retraite en rue n’est à proprement parler qu’une nouvelle forme de psychanalyse destinée à soigner un mal-être persistant. Bref, si vous rêvez d’un bon bain de boue et d’une décompression totale, vous savez à présent ce qu’il vous reste à faire : oubliez la thalasso et installez-vous tranquillement sur le trottoir d’en face, la main tendue et le regard hagard. Et répétez après moi : charité bien ordonnée commence par soi-même…

Frédéric Brébant

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