toujours à la recherche de nouveaux matériaux lui permettant de laisser libre cours à son imagination débordante, le designer belge charles kaisin recycle également des objets devenus inutiles pour leur insuffler une vie nouvelle. portrait d’un jeune créateur au style très affirmé.

Charles Kaisin a à peine plus de 30 ans et, déjà, en Belgique comme à l’étranger, ses créations se taillent un joli succès. Son banc extensible, décliné en papier journal recyclé ou en polypropylène blanc, a créé la surprise et l’enthousiasme en France, lors d’une exposition au Carrousel du Louvre et à l’Art Center de Kyoto, au Japon. Un meuble pour le moins original ne ressemblant en rien à ce que nous connaissions auparavant. Constitué de vieux journaux soigneusement collés afin de créer une structure alvéolée en nid-d’abeilles très résistante, cet espèce d’accordéon s’aplatit ou s’allonge à volonté. Et, surprise, il s’intègre à merveille dans les intérieurs les plus classiques ou les plus contemporains. Un bel objet, illustrant parfaitement l’esprit innovant d’un jeune créateur qui n’a pas peur de s’écarter des sentiers battus pour proposer sa vision du design contemporain.

Mais qu’est-ce qui pousse donc Charles Kaisin à se vouer corps et âme au design ?  » Je n’ai pas l’impression d’avoir de mérite, affirme d’emblée le créateur. Très jeune, déjà, j’ai ressenti le besoin de créer et d’innover. C’est un état d’esprit, que l’on a ou pas…  » Grand amateur d’art et plus particulièrement de sculpture, Charles Kaisin entreprend, après ses humanités, des études d’architecture à l’Institut Saint-Luc de Bruxelles.  » Je me suis lancé dans ces études plutôt pour bénéficier d’une formation générale. D’habitude, sous nos latitudes, après avoir décroché leur diplôme d’études secondaires, beaucoup d’étudiants se lancent dans le droit, par exemple. Une formation de  » base  » qui permet d’ouvrir de nombreuses portes. Alors qu’en Italie, les jeunes ont plutôt tendance à étudier l’architecture avant de choisir l’économie ou le droit. Je suis convaincu qu’une licence en architecture offre une excellente structure de départ dans la vie professionnelle.  » Son diplôme en poche, Charles Kaisin, en-thousiaste de nature, entend rencontrer des gens qui lui plaisent, qui l’intéressent. Persévérant, il réussit à obtenir un stage chez le célèbre architecte et designer français Jean Nouvel, à Paris.  » J’ai littéralement fait le siège de son studio pour décrocher mon stage et j’ai vraiment bien agi ! Je garde en effet un merveilleux souvenir de cette expérience. Jean Nouvel est un homme bourré de talent et sa vision de la création est sensationnelle. Avec son équipe, j’ai eu la chance de plancher sur différents projets dont celui du musée de la publicité au Louvre et sur l’aménagement de bureaux à Melbourne, en Australie.  »

Fort de cette première expérience dans le monde de la création, Charles Kaisin décide de contacter le sculpteur anglais Tony Cragg pour réaliser un second stage.  » Cet artiste m’a appris énormément de choses, tant du point de vue humain que technique. Grâce à lui j’ai pu étudier, entre autres, l’utilisation de matériaux nouveaux comme le Kevlar, le carbone ou la fibre de verre. Son £uvre intitulée  » Eroded Landscape « , un paysage d’objets en verre qui semblent érodés par le temps et qu’il a réalisés grâce à la technique du sablage, m’a d’ailleurs inspiré pour mes verres recyclés.  » Afin d’étancher sa soif d’apprendre, le jeune créateur passe ensuite les examens d’entrée de la St Martin’s School, la célèbre école londonienne de mode et de design. Non seulement il est admis, mais il décroche son diplôme. Il décide alors de faire un  » Master of Art  » (NDLR : une maîtrise) au Royal College pour pouvoir suivre les cours de Ron Arad, le designer star d’origine israélienne.  » Ron est un homme fascinant, précise Charles Kaisin. Un véritable visionnaire qui peut toucher à plein de registres différents, doublé d’un excellent pédagogue. Et, malgré son emploi du temps hyperchargé, il se rend toujours disponible pour ses étudiants. Il est vraiment cool.  »

Depuis, Charles Kaisin s’est lancé dans le monde du design et s’intéresse à plusieurs aspects de cette discipline.  » Le recyclage m’amuse beaucoup, précise le jeune créateur. J’y ai été sensibilisé à Londres où la vie est horriblement chère. Je me suis alors demandé comment valoriser les montagnes d’objets que nous jetons quotidiennement. En créant mes verres recyclés à partir d’anciennes bouteilles, j’ai voulu casser les archétypes. J’aime l’idée de se dire que, finalement, on boit directement à la bouteille. Je suis persuadé que plus on touche à des degrés de lecture différents, plus l’objet a de la force. Le design ne se borne pas à concevoir un objet destiné à remplir une fonction donnée.  » Pour son banc en papier, le second projet sur le thème du recyclage développé pendant qu’il suivait les cours de Ron Arad, Charles Kaisin a pu compter sur l’aide du journal britannique  » The Independent « .  » J’avais demandé à la rédaction du quotidien s’il était possible de m’envoyer quelques vieux exemplaires pour faire un exercice sur le collage. Et elle ne m’a pas déçu puisqu’elle m’a fait livrer des mètres cubes d’anciens numéros. Au départ, je voulais créer un carton résistant composé de plusieurs couches de papier collées ensemble.  » C’est en tâtonnant que le designer est arrivé à cette structure en nid-d’abeilles. Ce thème lui tient particulièrement à c£ur et, dès septembre prochain, il présentera un nouveau projet à Londres dans le cadre de l’exposition  » 100 % Design « . Dans un autre registre, Charles Kaisin collabore également avec l’équipe de création de la maison Delvaux pour laquelle il a déjà eu l’occasion de dessiner deux modèles de sacs. Et, très prochainement, il présentera, sous l’égide d’une grande marque, une collection de bijoux contemporains très originale. Pas de doute, l’année 2003 se profile plutôt bien pour ce jeune designer aux idées larges et à l’esprit libre.

Serge Lvoff

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