Barbara Witkowska Journaliste

Joaillier depuis 1780, Chaumet ouvre un nouveau chapitre dans son histoire et confie à l’architecte Jean-Michel Wilmotte le défi d’inscrire la maison dans l’esprit du IIIe millénaire. Pour fêter l’événement, des nouvelles lignes de joaillerie et une exposition sur Napoléon.

Carnet d’adresses en page 162.

Véritable joyau du xviiie siècle, la place Vendôme à Paris cultive avec art son prestige d’antan. Cela dit, derrière les façades historiques, les choses bougent. Poussons les portes de la maison Chaumet. C’est en 1907 que le joaillier s’est installé au N° 12, dans un vaste hôtel particulier, signé Mansart et édifié pour le trésorier général de la Marine sous Louis XVI. A l’intérieur, il y avait deux boutiques séparées, l’une dédiée à la haute joaillerie, l’autre à la  » diffusion « . On y accédait par deux entrées différentes. A l’orée du IIIe millénaire, la maison a souhaité donner un coup de jeune, revoir l’espace et la déco et surtout, relier les deux boutiques en une seule. A qui confier le défi d’un tel chantier ?  » Le joaillier Chaumet est à la fois traditionnel et d’avant-garde, explique avec humour Thierry Fritsch, PDG de la maison, lors de l’inauguration officielle de la boutique le 15 septembre dernier. Il règne chez nous une espèce de schizophrénie. On pourrait définir notre style d' » aristo-punk « . Quand on est comme ça, on fait appel à Jean-Michel Wilmotte. Nous avons les mêmes goûts en matière d’art contemporain. Cela crée une complicité. Ensuite, nous avons été très séduits par le musée provisoire sur les Arts premiers, qu’il a aménagé dans une aile du Louvre. Une mise en scène qui mêle des objets en majesté et en humilité. Enfin, Wilmotte connaît très bien la symétrie et les canons plastiques de l’architecture française, il adore travailler sur les lieux anciens et leur insuffle avec beaucoup de talent une modernité sobre et élégante. Bref, il s’inscrit parfaitement dans la logique Chaumet.  »

Très sollicité, Jean-Michel Wilmotte gère actuellement environ 120 chantiers. Quelques exemples ? En Corée du Sud, il construit tout un nouveau  » morceau  » de la ville et du port Pusan. En Russie, à Volgograd, l’ancienne ville des tsars, il aménage 4 km de quai , avec un port de plaisance et des hôtels. A Moscou, il bâtit trois immeubles. Au Qatar, il termine le musée d’Art Islamique (construit entièrement en porphyre !). Sans oublier un chantier à Bruxelles : la rénovation du Musée Juif, rue des Minimes, en collaboration avec Philippe De Roos du bureau d’architecture Altiplan.  » Tous ces chantiers, c’est de l’architecture pure, note Jean-Michel Wilmotte. De temps en temps, j’aime dériver et me confronter aux chantiers plus petits et plus  » précieux « , ce qui me permet de m’attacher aux détails. Chez Chaumet, ils ont l’esprit ouvert, ils ont envie de tourner la page et entrer dans l’esprit contemporain. Je n’avais aucune contrainte.  »

Mondialisation oblige, toutes les boutiques Chaumet ont bénéficié de ce coup de jeune. Deux boutiques à Tokyo, puis Barcelone, Genève, Koweït, Taïwan et Moscou ont eu la primeur d’un lifting en profondeur. Lorsque le concept a été bien rodé, on s’est attaqué à la place Vendôme. Dans toutes les boutiques, les intérieurs sont assez similaires, adaptés à la façade. Dans la boutique parisienne, le défi de Jean-Michel Wilmotte consistait à relier les deux espaces, de façon à retrouver un seul volume.  » Le luxe, c’est l’espace, explique l’architecte. Il y avait des entresols, nous avons éliminé tous les plafonds pour retrouver la verticalité. Une passerelle au-dessus du porche relie désormais les deux boutiques. On peut la rejoindre par un escalier ou par un ascenseur de verre.  » Aménagée comme un salon, elle offre une magnifique perspective sur la cour intérieure, depuis un majestueux £il de b£uf. La passerelle permet aussi d’accéder au musée, ainsi qu’au grand salon, où Frédéric Chopin, hôte de la comtesse Delphine Potocka, s’est éteint en 1849. Sur tous les murs se déploient de grands panneaux de louro faya, bois exotique africain, patiné à la poudre de bronze. Jean-Michel Wilmotte apprécie cette essence pour ses veines irrégulières, à l’aspect chatoyant et raffiné.  » Dans notre bureau, deux personnes travaillent à temps plein pour chercher des matériaux nouveaux, souligne l’architecte. Leur bibliothèque contient, notamment, 2 000 échantillons de pierres différentes et autant d’essences de bois.  » La palette chromatique, subtile et très recherchée, se décline autour du bronze vieilli, la nouvelle nuance emblématique de Chaumet.  » Lorsque nous avons présenté le projet à Bernard Arnault (président du groupe de luxe LVMH, dont Chaumet fait partie), raconte Thierry Fritsch, il l’a trouvé très, très chic, de bon goût, de trop bon goût même. Alors, il a demandé une couleur forte pour faire exploser tout cela.  » L’architecte a opté pour des touches de bleu cobalt sur les tapis et sur les fauteuils. Elles soulignent admirablement les camaïeux bronze.

Le point fort de l’aménagement intérieur ? Les vitrines. Jean-Michel Wilmotte a fermé les alcôves rectilignes, habillées de satin nacré, par de grands panneaux verticaux en verre biseauté qui coulissent sur des rails invisibles. Chaque panneau dévoile deux alcôves en même temps. Jetons donc un coup d’£il sur les nouveautés qu’elles renferment et qui célèbrent ce nouveau chapitre de l’histoire de Chaumet.  » Frisson dentelle de givre  » est une nouvelle ligne de haute joaillerie. La parure un rang et le collier un rang réunissent des diamants de plusieurs types de tailles : brillant, baguette, princesse ou rose. Leur association confère aux bijoux un éclat incomparable. Dans une autre vitrine, on découvre des bracelets acrostiches, ravissants bracelets amoureux à messages. Ils sont  » écrits  » avec des pierres fines dont chaque première lettre compose une des lettres du message. Un exemple. Le bracelet  » Amour  » réunit une améthyste, une morganite, une opale de feu, une uvite et une rhodolite. Le principe est de commander son bracelet personnel, avec un message sur mesure. Ce ravissant bijou peut être décliné en sautoir, en boucles d’oreille et en broche. Ces bracelets viennent d’être réédités, en hommage à Napoléon, grand ami de la maison et dont on célèbre, cette année, le bicentenaire du sacre. Lui-même en possédait trois :  » Napoléon  » (natrolite, améthyste, péridot, opale, lapis-lazuli, émeraude, onyx, natrolite),  » Marie-Louise  » (malachite, améthyste, rubis iris, émeraude) et sa date de naissance, 12 décembre 1791 (diamant, émeraude, chrysoprase, émeraude, malachite, béryl, rubis, émeraude). Le troisième bracelet célèbre les dates de la première rencontre des époux à Compiègne et leur mariage à Paris : 27 mars (malachite, améthyste, rubis, serpentine) et 10 avril 1810 (améthyste, vermeil, rubis, iris, labradorite). Enfin, on découvre la toute nouvelle bague  » Class One « , déclinée de la montre éponyme, best-seller horloger de Chaumet. C’est un double anneau, magnifiquement proportionné, en or jaune ou or gris, sur fond de caoutchouc noir. Simple et graphique, il peut aussi se montrer précieux et festif, en optant pour les barrettes de diamants. Intemporelle, la bague Class One ne dédaigne pas un clin d’£il à la tendance, dans la mesure où elle est évolutive. On l’achète avec deux caoutchoucs amovibles. Selon son humeur on change la taille de la bague et on la porte sur la main gauche ou droite, sur l’annulaire ou l’auriculaire.

Barbara Witkowska

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content