Pourquoi s’encombrer d’un trousseau de clés alors qu’on peut s’offrir désormais une puce sous-cutanée pour ouvrir sa porte d’entrée ? Alléluia, l’homme digitalisé est né !

C’est une petite puce pour l’homme, mais une clé de géant pour l’Humanité. Par clé, entendez le mot  » solution « , et non pas  » l’instrument de métal servant à faire fonctionner le mécanisme d’une serrure « , dixit le Petit Robert. Car, à l’avenir, nous n’aurons précisément plus besoin de clé pour ouvrir nos portes d’entrée. Le pas a effectivement été franchi au Canada, il y a quelques jours déjà, par le studio de piercing Tribal Expression ( www.tribalexpression.com). Pour la première fois dans l’Histoire de l’Homme, des personnes libres et responsables ont accepté de se faire implanter une puce sous la peau en guise de sésame électronique. En clair : une ampoule en verre de quelques millimètres à peine contenant une puce RFID (Radio Frequency Identification ou, en français, système d’identification par radiofréquence) et qui permet, au choix, d’ouvrir une porte de bureau, d’allumer un ordinateur domestique ou de désactiver un système d’alarme. Sans clé, sans code, sans mot de passe et en toute sécurité. Avec le développement probable de cette invention, c’est donc la fameuse expression  » Chériiiiiii, tu n’as pas vu mes cléééééés ?  » qui risque donc de disparaître à tout jamais. Certes, nous n’en sommes encore qu’aux balbutiements dans cette révolution techno-épidermique, mais, répétons-le, la barrière psychologique a bel et bien été physiquement franchie. Aujourd’hui, n’importe qui peut donc se rendre au Canada pour s’offrir une  » clé  » sous-cutanée dans une boutique a priori banale, avant l’ouverture d’autres enseignes dans le monde, cela va de soi. Si l’initiative ne séduit pour l’instant que quelques  » geeks  » privilégiés (traduisez des passionnés de nouveaux gadgets informatiques), elle pourrait conquérir, à plus ou moins long terme, la grande majorité de la population occidentale grâce à l’inexorable démocratisation des prix. Car, pour l’instant, l’opération reste encore relativement coûteuse : un peu moins de 200 euros pour l’installation de la puce dans le poignet et 280 euros pour le placement du système de lecture sur une porte d’entrée, une voiture ou un ordinateur. Les convaincus diront toutefois que le jeu en vaut la chandelle. Une serrure en métal classique offre, paraît-il, 300 combinaisons de clés différentes. En revanche, une puce RFID permet un milliard de codes divers. Peu de chances, donc, que votre voisin ouvre votre maison avec son poignet revisité ! Bien sûr, les esprits pratico-pratiques souligneront, avec jubilation, la grande utilité de cette trouvaille informatique. Grâce à ce  » verrou  » sous-cutané, plus besoin de transporter ni, surtout, de chercher sans cesse ses  » foutues  » clés : on les a en permanence sur soi, en soi, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, dans l’insouciance la plus totale. Reste à souligner maintenant les dérives d’une telle banalisation technologique. Il y a quatre ans déjà, nous étions les premiers à épingler les recherches en la matière et à décortiquer surtout les dérives probables de la  » science-fiction sous-cutanée  » dans une société  » ultrafliquée  » ( lire Weekend Le Vif/L’Express du 1er mars 2002). Aujourd’hui, il est donc devenu techniquement possible de concentrer, sous quelques centimètres de peau seulement, une autre puce RFID avec toutes les données personnelles telles que nom, adresse, âge, nationalité, profession, groupe sanguin, casier judiciaire, etc. Plus fort qu’un code-barres ! Et, pourquoi pas, tant qu’on y est, une puce supplémentaire en guise de carte de crédit ? Bref, plus jamais besoin de clés, d’argent, ni même de portefeuille. Ne souriez pas. Le processus vient d’être lancé. La révolution de l’épiderme est en marche. La chair sera informatisée ou ne sera pas. C’est juste une question d’années, histoire de dompter les mentalités. Rendez-vous en 2050, pour voir ?

Frédéric Brébant

Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission  » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur La Première (RTBF radio).

Frédéric Brébant

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