Pour séduire les aficionados de la nomade attitude, les lieux branchés jouent désormais la carte de la polysensorialité. à Madrid, c’est le très élégant Nhube Hotel by Ferran Adria qui attire les adeptes du cocooning.

Carnet d’adresses en page 61.

L e célèbre cuisinier catalan, Ferran Adria, a encore frappé. Ce superchef de renommée internationale ( lire aussi Weekend Le Vif/L’Express du 25 avril dernier) qui, à l’âge de 18 ans, a débuté sa carrière comme simple assistant dans un petit hôtel inconnu vient d’ouvrir le Nhube Hotel, à Madrid, en collaboration avec la prestigieuse chaîne hôtelière internationale NH. Plus encore que par sa décoration, ses lignes, ses couleurs et son mobilier sobrement contemporains, ce lieu surprend par la gestion de l’espace et la multiplicité des facilités qui sont proposées à la clientèle. Tout d’abord, à l’entrée, il y a deux salons, biens séparés l’un de l’autre. En s’avançant un peu, on trouve tête-bêche deux fauteuils équipés, comme dans les avions, de prises pour écouteurs. On peut s’y abstraire du monde en écoutant de la musique. A côté, une sorte de colonne est transformée en bibliothèque circulaire. Un choix de livres de poche, en français, anglais, allemand, italien, espagnol… est à disposition, pour sustenter une éventuelle faim de lecture. C’est là aussi que commence le bar entouré de ses hauts tabourets décrivant un arc de cercle. Tout autour sont réparties les tables du restaurant. On peut y manger seul ou en tête à tête.

La découverte continue… Sur les murs, d’autres bibliothèques avec un choix de romans et de beaux livres. Plus loin, une sorte d’armoire frigorifique garnie de boissons et un endroit où l’on peut se préparer un café ou un thé. Et enfin, tout au bout, avant l’espace toilettes au look franchement coloré et futuriste, un ample canapé semi-circulaire, sorte de nid dans lequel on peut se lover pour regarder la télé, comme à la maison. Derrière, sur une tablette, deux écrans plats proposent l’accès Internet en libre service. Ils sont aussi reliés à deux ordinateurs afin de pouvoir servir de véritables postes de travail. Le service est présent mais très discret pour que chacun éprouve un sentiment de liberté absolue. D’ailleurs, dès l’entrée, il n’y a pas de porte à pousser. Il suffit d’emprunter une ouverture légèrement de biais, en prise directe avec le lobby de l’hôtel. Sur le mur orange, on distingue une simple inscription : Nhube et, en plus petit,  » by Ferran Adria « .

Avec 240 établissements et plus de 35 000 chambres, NH est présent en Espagne mais aussi dans 16 pays d’Europe et d’Amérique latine û dont les Pays-Bas, l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche, la Belgique, le Mexique… Dirigé par l’Italien Gabriele Burgio (un ancien proche conseiller de Carlo De Benedetti), le groupe NH Hoteles affiche un chiffre d’affaires dépassant 1,1 milliard d’euros. Intellectuel raffiné, qui a su affirmer sa réputation de brillant gestionnaire sur la place madrilène, Gabriele Burgio est aussi un innovateur.  » Avec un tel chiffre, un groupe comme le nôtre doit consacrer de l’argent à la recherche et au développement, précise-t-il d’emblée. Nous pouvons nous permettre de réaliser des expérimentations, quitte à commettre des erreurs. Lorsque j’ai proposé de travailler avec Ferran Adria, j’ai tout de suite indiqué que ce n’était pas le cuisinier qui m’intéressait mais l’homme génial. Avec Ferran Adria, nous planchons sur de nouveaux concepts. Pour le futur, nous cherchons à mettre au point une chaîne de Fast Good : Fast pour restauration rapide et Good pour un lieu où l’on mange bien. Ces espaces seraient intégrés dans les hôtels NH mais très clairement accessibles au public extérieur. Nous planchons aussi sur la qualité des produits. Nous nous sentons extrêmement concernés par l’alimentation bio. C’est d’ailleurs une des exigences des clients des NH hoteles en Allemagne et aux Pays-Bas ( NDLR : NH y a repris Golden Tulip). Dans ce domaine, le nord de l’Europe a d’ailleurs une longueur d’avance sur le sud.  »

Pour Gabriel Burgio, le restaurant reste un must, un service obligé dans un hôtel, ne fut-ce que pour proposer un petit déjeuner convenable. Mais, en général, les restaurants d’hôtel sont désespérément vides le midi.  » Quant au soir, il faut maintenir trois cuisiniers et un personnel de salle nombreux pour servir quelques clients qui s’ennuient et ressentent négativement la hâte des serveurs pressés de finir leur journée « , note l’homme d’affaires. Gabriel Burgio et Ferran Adria ont donc voulu là aussi innover.  » Le groupe NH ne possède pas de palaces, mais des trois ou quatre étoiles. Nos hôtels sont majoritairement situés dans des grandes villes et comportent une clientèle d’affaires de plus en plus féminine, représentant jusqu’à 40 % de notre taux d’occupation. Le soir, les femmes ont encore moins envie de sortir seules que les hommes, souvent par peur de l’insécurité qui règne dans les grandes agglomérations. Mais elles n’apprécient pas pour autant de rester cloîtrées dans leur chambre.  »

L’idée de base est donc de proposer un lieu de détente multifonctionnel et polysensoriel, un espace informel suffisamment vaste pour que l’on puisse y rester seul ou en groupe, se relaxer, se reposer ou simplement rêver. Le concept Nhube (qui à la lettre H près signifie nuage en castillan) est né en pensant au ciel.  » Tous les hommes et femmes d’affaires qui voyagent beaucoup connaissent les business lounge des aéroports, explique Ferran Adria. C’est notre source d’inspiration, non pas pour ce qu’on y sert à boire et à manger mais bien pour la liberté que l’on a de s’y mouvoir, de s’y désaltérer ou de s’y restaurer à sa guise…  »

Le restaurant de l’hôtel, le Nhube Balboa, propose naturellement un menu signé Ferran Adria. Pas question ici de jouer la carte de la haute gastronomie. Si quelques-unes des techniques du chef sont reconnaissables, comme les mousses ou la mayonnaise chaude (servie en saison avec des asperges), on perçoit le caractère ludique, la volonté de glisser l’un ou l’autre clin d’£il. C’est ainsi qu’on vous propose, à la manière d’un fast-food, de délicieux bâtonnets de poulet frit accompagnés de frites à l’huile d’olive (pour 6,50 euros) ou, comme dans un troquet parisien, des joues de b£uf au vin rouge (12 euros). La salade bio mélangée (7 euros) û un pur délice û est présentée dans un saladier. La carte des vins, aux prix très doux, se double d’une sélection d’une quinzaine de bières européennes, dont quatre belges. Dans une telle atmosphère, manger n’est plus un mal nécessaire mais un véritable plaisir. Loin de chez soi, au terme d’une journée de voyage parfois harassante, on prend tout simplement le temps de vivre en sirotant un verre, en mangeant un morceau, en lisant un magazine ou un roman… Ensuite, c’est la magie du lieu qui opère.

Conçu au départ pour quelques hôtels sélectionnés, le projet pourrait se diffuser dans la chaîne tout entière.  » Depuis que nous avons commencé à communiquer sur ce concept, se réjouit Gabriel Burgio, beaucoup de clients nous demandent où seront implantés les prochains Nhube… La preuve que notre concept répond à une véritable demande.  »

Texte et photos :

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