Ils ouvrent en coulisses. Les coiffeurs stars apportent eux aussi leur touche à la vision du créateur de mode. Un travail de précision, mené dans l’urgence, pour un moment d’exception. Le Vif Weekend s’est faufilé en backstage des défilés new-yorkais pour suivre cette course contre la montre.

Les coulisses des défilés sont une ruche. Avec des mannequins qui entrent et qui sortent, des habilleuses sur le qui-vive, des maquilleurs jonglant avec leurs pinceauxà et des coiffeurs, contribuant, eux aussi, à la réussite du  » look  » final. Ces  » stylistes sur cheveux  » sont un peu les  » Formule 1  » de la coiffure : pendant la New York fashion week, ils peuvent voir passer entre leurs mains plus de vingt têtes toutes les deux heures ! Qu’ils travaillent sous les tentes de Bryant Park ou dans des lieux plus insolites, comme un palais de justice ou une galerie d’art, ils doivent pouvoir se concentrer dans un tourbillon de monde et, surtout, bien se coordonner avec les maquilleurs et l’équipe du couturier. Ils doivent aussi faire bonne figure face aux caméras et aux micros des journalistes qui se pressent dans ces antichambres de la mode.

On s’en doute, obstacles, glissades et autres dérapages peuvent gripper la mécanique. Le défilé précédent a du retard ? Des filles manquent à l’appel, et quand elles arrivent enfin, 15 minutes avant le début du show, leurs cheveux sont tellement enduits de gel que le peigne y tient tout seul ! Ou bien il faut défaire un crêpage pour retrouver un tombé lisse et naturel, sans repasser par le bac, d’ailleurs inexistant en backstage. Un chignon sur un mannequin aux cheveux courts ? Pas de problème, à condition d’avoir le bon ton pour les extensions qui doivent coller avec la couleur naturelle de la jeune femme. Un couturier qui change d’avis sur la coiffure en dernière minute n’est pas non plus à exclure.

En coulisses du défilé Lacoste, Dennis Lanni, coiffeur émérite du team Bumble & Bumble, la célèbre université du cheveu à Manhattan, brosse et sèche-cheveux en main, arrivé à 6 heures du matin pour son premier round de la matinée, décrit son rôle comme celui d’un réalisateur de cinéma, qui doit donner vie à la vision du couturier.  » J’essaie de comprendre qui est la star de sa collection, précise-t-il. Pour cette saison, la femme Lacoste est très fraîche et laisse ses cheveux ondoyer dans le vent.  » Or, pour reproduire ce  » naturel « , il faut davantage que quelques coups de peigne.  » Chaque fille a sa longueur et sa texture de cheveux, souligne Dennis. Certains ondulent ou frisent, d’autres pas. « 

Les coiffeurs ne découvrent généralement les nouveaux looks que deux ou trois jours avant le défilé, alors que le couturier règle encore les derniers détails de sa collection. Dans le meilleur des cas, deux rencontres sont prévues pour mettre la coiffure au point. Mais le plus souvent, les calendriers serrés ne permettent qu’un seul rendez-vous.  » J’ai vu hier seulement la collection de Monique Lhuillier, confie Sabrina Michals, un autre talent de Bumble & Bumble, attaquant son premier chignon de la journée. Et je n’avais pas réalisé que le show avait lieu aujourd’hui déjà ! « 

Monique Lhuillier a élu le grandiose hôtel Plaza pour la présentation de sa collection hiver 09-10. Le backstage a été installé dans un des salons ornementés, dont l’impressionnante baie vitrée qui donne sur Central Park : un décor parfait pour  » habiller  » les robes de soirées féeriques dessinées par la jeune créatrice américaine. Afin de ne pas surcharger ces looks ultralongilignes et féminins, Sabrina et Monique ont opté pour la simplicité : un chignon. La difficulté, cependant, réside dans sa forme : ni trop sévère, ni trop fouillis, tout en assurant une belle harmonie entre toutes les filles. Et cela ne tient parfoisà qu’à un cheveu.  » C’est un chignon de style ballerine, mais qui ne doit pas être trop serré, et qui est attaché assez bas, commente Sabrina. Pour le réaliser, nous utilisons simplement nos mains, car à la brosse, le résultat serait trop parfait.  » Epingles entre les dents, la coiffeuse montre une première fois la technique aux membres de son équipe. Tapotant sur son téléphone portable ou sirotant un soda, la mannequin, elle, se laisse faire, impassible. Plus d’une fois, le verdict est sévère :  » Trop haut « , râle Sabrina, avant de défaire complètement l’£uvre d’un de ses assistants. Il faut tout recommencer !Dans un autre quartier de Manhattan, Laurent Philippon lui, retrouve son équipe et une quinzaine de mannequins dans une pièce d’environ 20 m2 attenante à une galerie d’art. C’est ici que Joseph Altuzarra, jeune créateur prometteur de 25 ans, a choisi de présenter sa seconde collection. Alors que les ouvriers s’affairent aux éclairages, dix paires d’yeux sont fixées sur le travail de haute précision du hair stylist. Laurent a toute confiance en son équipe, qu’il a d’ailleurs formée et qui le retrouve de saison en saison en backstage des défilés new-yorkais.  » Quand je leur demande de faire une double banane ultraplate avec des épingles japonaises, cela peut paraître un peu charabia, mais on se comprend « , confie ce coiffeur français, qui a la chance d’avoir appris la technique aux côtés des plus grands noms du métier, comme Alexandre de Paris et Julien d’Ys.

Joseph Altuzarra souhaitait une coiffure sophistiquée pour rehausser une beauté froide à la Helmut Newton. Pour ce chignon très couture, la banane est divisée en deux, puis  » ressoudée  » par le milieu, pour un effet très équilibré.  » Les détails sont très importants, souligne Laurent entre deux nuages de laque. Un chignon peut vite faire Madame. Or, nous voulions quelque chose de moderne.  » Pour lui, la coiffure de défilés diffère de celle de salon : il travaille avec des filles parfaites, dont le visage ne doit pas être  » corrigé  » par telle ou telle coupe, et, surtout, il ne doit pas penser à comment elles vont se recoiffer le lendemain. Le mannequin, dit-il, est un peu comme une page blanche :  » Notre travail, c’est une proposition. Ce n’est pas quelque chose à prendre au pied de la lettre car, ici, il n’y a pas de lendemain. C’est de l’éphémère « .

 » Aïe « , sursaute le mannequin, à la pose d’une épingle dans sa nuque. Avec une moyenne de trois ou quatre défilés par jour, on se demande comment ces demoiselles ne s’arrachent pas les cheveux. Et ce n’est pas finià Après le maquillage, l’habillage peut se révéler une étape périlleuse. La petite robe étroite à enfiler par la tête ?  » Ouf ! « , le chignon banane est épargné. Les bras en l’air, comme suspendus à la brosse ou à la bombe de spray fixant, les hair stylists apportent une dernière retouche aux mannequins, qui, debout et chaussés, peuvent atteindre les 1,90 m. Stretching garanti ! Le feu vert enfin donné, coiffeur et couturier resteront côte à côte jusqu’à la fin du show. Les lumières éteintes, les coiffures seront rapidement défaites. Jusqu’au défilé suivantà n

Par élodie Perrodil

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