Ils squattent toutes les scènes, crèvent le grand écran, décrochent les campagnes de pub les plus hot du moment. Ceux que les bureaux de tendance ont baptisé  » VP « , pour  » vieux people « , sont sortis du placard. Show devant !

A première vue, c’est l’histoire d’une pop-star has been comme les années 1980 en ont fabriqué à la pelle. Un type qui ne chantait pas plus mal que les autres finalement. Juste un peu trop marqué, peut-être, par ses costumes improbables et ses prestations surjouées dans des clips vidéo qui ont aujourd’hui valeur d’anthologie pour une jeune génération de chanteurs en mal d’imagination. Ce ténor de charme tombé aux oubliettes n’en serait sans doute jamais sorti si une princesse de la pop n’avait soudain rêvé de pousser avec lui la chansonnette. Parce qu’il n’y a pas plus trendy, désormais, qu’une bonne vieille reprise. Voire mieux encore : un duo sur mesure entre le héros d’autrefois qui soigne ainsi son grand retour et la diva du moment, grandie d’avoir ramené à l’avant-scène, un  » immense talent  » que l’on croyait perdu…

Le scénario de  » Le Come-Back « , la dernière comédie romantique du moment (1), a sans doute à vos yeux, un petit air de  » déjà vu « … Car, comme tout le monde, depuis quelques mois, entre la reformation de Genesis, celle de Police, l’annonce du nouvel album des Scorpions, la résurrection médiatiquement orchestrée de Michel Polnareff sans oublier la future tournée des Spice Girls, vous avez du mal à tenir à jour votre liste de  » célébrités sur le retour « , dans le plus noble sens du terme.

En interprétant Alex Fletcher, sorte de fils spirituel de Simon Le Bon, ex-leader de Duran Duran et Andrew Ridgeley – vous savez, le gars de WHAM ! qui n’est pas George Michael et que tout le monde a oublié -, Hugh Grant, irrésistible dans son personnage de vieille gloire déchue plus vraie que nature, surfe à l’aise sur la vague des  » VP  » – à absolument prononcer viiipiii. Autrement dit les  » vieux people  » à qui les bureaux de tendance prédisent une place de choix pour les années à venir.

 » Dans les médias, tout fonctionne par vagues et par reflux, décode Marc Lits, directeur de l’Observatoire du Récit médiatique, à l’UCL. Pendant dix ans, ce sont les  » people ordinaires « , autrement dit, les gens issus de la téléréalité qui ont tenu le devant de la scène. Ils avaient chassé les politiques et les personnalités du show-biz. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Regardez les émissions comme la Star Ac ou la Nouvelle Star, elles remettent au premier plan le côté spectacle et le professionnalisme. On revient à de vieilles recettes en se souvenant que les stars, les vraies, cela marchait bien aussi, finalement.  »

De là à ressortir de vieilles célébrités des placards pour autant, il y a grand pas en… arrière qui s’explique par un élégant et subtil retournement de veste orchestré par la génération des baby-boomers, peu pressés de laisser la place aux plus jeunes.  » Ce n’est que justice finalement, explique Jean-Marc Segati, directeur général de l’agence européenne Nextage, entièrement dédiée au marketing générationnel. Autrefois, vous n’étiez pas has been à 40 ans, au contraire. Regardez la musique classique et le jazz, on pouvait être âgé et avoir du succès. Ce sont les enfants du baby-boom qui ont inventé le conflit des générations. Ils se sont autoproclamés éternellement jeunes, ils ont rejeté tout ce qui venait du passé. C’était aussi la première  » génération en couleur « , porteuse de modernité. Elle avait tous les médias à sa disposition, c’était le début de la télévision. Elle a inventé ses codes, ses mythes qui ont supplanté les précédents et ont littéralement irradié les générations suivantes. Aujourd’hui, les baby-boomers se rendent compte qu’ils ont vieilli. Comment peuvent-ils encore adhérer aux théories du jeunisme qu’ils ont défendues autrefois sans s’exclure eux-mêmes ? »

La newstalgie, ce passé remastérisé au goût du jour, a le mérite de rassurer toutes les générations qui ne se posent plus autant en ennemies les unes des autres comme dans les années 1960.  » Les difficultés économiques aidant, les jeunes ont aussi tendance à idéaliser ce passé qu’ils n’ont pas connu, poursuit Jean-Marc Segati. Dans le domaine de la culture, la concurrence est devenue énorme pour ceux qui veulent percer, elle peut survenir potentiellement du monde entier. Les canaux de communication sont éclatés. Dans les années 1970, les Beatles touchaient tout le monde. Il n’y a plus un groupe qui peut se vanter de cela aujourd’hui.  » Les ados, anxieux par rapport à l’avenir, ne traitent plus aussi vite leurs parents de  » vieux cons « . Mieux encore : avoir conservé d’inavouables vinyles de Tears For Fears, A-Ha ou Murrey Head vous garantit même l’étiquette de  » mec/nana super cool  » auprès des teen-agers en plein revival eighties…

Si ces anciennes gloires fédèrent, elles ont aussi des expériences de vie à partager qui enrichissent les talk-shows modernes où il est bien vu de livrer une tranche de sa vie plutôt que de se borner à un exercice de promo pure et dure.  » N’oublions pas que pour être  » VP « , il faut avoir été  » P  » d’abord, insiste Marc Lits. Ces gens ont connu la gloire avant de tomber dans l’oubli. Ils ont vécu des épreuves, l’alcoolisme, la dépression, la mort d’un enfant parfois. Cela leur donne de l’épaisseur et les rend aussi plus intéressants que les petits jeunes qui n’ont encore rien vécu quand ils passent chez Michel Drucker, à  » Vivement Dimanche « , l’émission familiale par excellence regardée par toutes les générations.  »

Comme le prouve aussi les données démographiques nous garantissant un xxie siècle dominé par les plus de 60 ans, les baby-boomers, au pouvoir d’achat maximum, ne sont pas prêts, qu’ils le veuillent ou non d’ailleurs, à passer la main.  » Au contraire, on ne cesse de leur dire qu’ils devront travailler de plus en plus longtemps, insiste Jean-Marc Segati. Que cela nous plaise ou pas, il faudra tous nous y faire. C’est finalement une bonne chose, dans ces conditions, que les seniors se sentent jeunes. Le succès des  » VP  » s’inscrit donc parfaitement dans cette logique. Ils donnent une image positive de la vieillesse, aux anciens, mais aussi aux générations futures qui elles aussi devront faire face au vieillissement.  »

Dans tous les secteurs, les légendes reprennent vie : Silvester Stalone encaisse, pour la sixième fois, les coups sans broncher sur le ring de  » Rocky Balboa « . Alain Delon se prend pour Clint Eastwood, perdu  » Sur la route de Madison « , et retombe amoureux de Mireille Darc sur la scène du théâtre Marigny, à Paris. Les frères Bogdanoff reprennent place, sur BeTV, dans un vaisseau intersidéral, vêtus – ils sont fiers de le préciser – des mêmes combinaisons en lamé argenté qu’ils portaient il y a trente ans déjà pour présenter  » Temps X « . Pendant que Sophia Loren, 72 ans, vole la vedette à Lou Doillon, Penélope Cruz et Hilary Swank, en posant, comme elles, pour le très érotique calendrier Pirelli 2007, Jane Fonda et Raquel Welch distillent leurs conseils beauté avisés. A 69 ans, la fille d’Henry Fonda, fervente opposante à la chirurgie esthétique, est désormais l’ambassadrice chez L’Oréal du nouveau soin pour peaux matures Age Re-Perfect.  » Jane Fonda prouve qu’être belle et en forme après 60 ans est une réalité aujourd’hui « , assure-t-on chez L’Oréal Paris.  » Légende de tous les temps, Raquel Welch est notre icône pour 2007 « , affirme-t-on chez M.A.C, où l’on n’a pas hésité à confier à l’actrice la création d’une collection de maquillages griffés à son nom.  » L’art du maquillage est pour moi une véritable passion, insiste Raquel Welch. Et croyez-le ou non, j’utilise la même gamme de couleurs que lorsque j’avais 20 ans. Et avec le même succès.  » Pourquoi, dans ces conditions, changer une recette qui marche… depuis 67 ans.

Dans un tout autre style, Guillermo Vilas, lui aussi, a repris… du service loin des cours de tennis. Puma, la marque de sportswear chic, toujours bien placée pour flairer les tendances, vient en effet de lancer French 77, une collection inspirée des tenues portées par l’Argentin l’année de sa victoire à Roland-Garros et par son style de vie de play-boy au penchant avoué pour le luxe et la vie nocturne. A côté des petites robes sans bretelles, des polos et des survêtements à la ligne élancée, casquettes et visières sans oublier les inimitables serre-poignets au look d’époque rappellent aujourd’hui à plus d’un leurs premiers échanges de balle sur terre battue. L’ex-champion a même accepté de jouer son propre rôle dans une campagne kitsch et un brin machiste mettant aussi en scène les tops Lydia Hearst, Lizzie Jagger et Theodora Richards. Tous vêtus de vêtements pétris de détails graphiques rappelant cette époque bénie et révolue, mais coupés dans les matières techniques de notre xxie siècle. La définition du parfait  » VP « , en somme. Rétro et moderne à la fois…

(1)  » Le Come-Back « , de Marc Lawrence, avec Hugh Grant et Drew Barrymore, dans les salles depuis le 28 mars dernier.

Isabelle Willot

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content