On vous l’a dit et répété :

vous n’emporterez pas votre argent dans votre tombe.

Sauf s’il s’agit d’un bain d’azote liquide et que vous vivez

aux Etats-Unis…

Combien vaut l’âme d’une baleine ? Peu de temps avant l’arrêt forcé des enchères lancées sur eBay au début de ce mois, le montant affiché pour ce  » produit  » étrange atteignait à peine 15 euros. Pas lourd pour un cétacé. Enfin, pour l’âme d’un cétacé, soyons précis. Comprenez : un  » article  » impalpable, indéfinissable, bref 100 % virtuel. Pour rappel, un joyeux luron de Minneapolis avait en effet eu la bonne idée de tirer profit de ce drame animal  » made in London  » : la mort de cette baleine à bec, étonnamment égarée dans les eaux sombres de la Tamise. Ce qui n’aurait dû être qu’une banale anecdote environnementale avait évidemment pris une ampleur démesurée sous la loupe grossissante des médias britanniques. Les foules s’en étaient émues et les images avaient fini par faire leur inévitable tour du monde. Mais le comble de la médiatisation n’était pas encore atteint. Juste après ce non-événement, le réservoir d’eau utilisé par les secouristes pour tenter de ramener – en vain – la baleine en mer avait été mis aux enchères sur eBay. Avec succès puisque ce drôle de bassin s’est tout de même envolé au prix de 3 040 euros. Suivi, donc, de l’âme du cétacé vendue par un homme qui, selon ses dires, était présent aux côtés de la bestiole au moment de son dernier souffle. Mieux, la baleine lui aurait carrément  » demandé de vendre son âme afin d’investir l’argent récolté dans la protection de ses petites copines « . Ben voyons. Dieu merci, les enchères n’ont pas décollé (quoique, 15 euros, ce n’est déjà pas mal pour du vide…) et ont même été stoppées rapidement par les gendarmes d’eBay.  » En porte-à-faux avec la philosophie du site !  » ont-ils clamé en substance. Risible, ce fait divers induit forcément la question suivante : et l’âme d’un être humain, combien vaut-elle sur Internet ? Encore faut-il être mort, irrémédiablement mort. Car, là aussi, la tendance est au flou artistique. Surtout aux Etats-Unis où de riches hommes d’affaires ont réussi l’exploit de faire changer la loi. Leur nouveau trip ? Se faire congeler dans de l’azote liquide dès leur décès et geler, par la même occasion, toute leur fortune, histoire d’en être logiquement les héritiers directs au moment de leur  » résurrection « . Si la cryogénisation n’est pas un phénomène neuf en soi (il y aurait actuellement quelque 150 têtes ou corps humains conservés dans des centres spécialisés en la matière aux Etats-Unis), la gestion de l’argent de ces personnes qui rêvent d’immortalité prend aujourd’hui une tout autre tournure. Une vingtaine d’Etats américains reconnaissent depuis peu qu’un cryogénisé peut en effet prétendre à reprendre possession de ses biens si, par bonheur, il revenait à la vie. En attendant, sa fortune peut être gérée par une fiduciaire et n’exige donc aucun droit de succession. Judicieux. Bien sûr, la majorité des spécialistes considèrent toujours cette congélation humaine comme une aberration scientifique. Traduisez : les candidats au freezer ne se réveilleront tout simplement pas. Il n’empêche. Les amoureux de science-fiction ont les moyens de leurs ambitions. Et surtout leur âme vaut de l’argent. Beaucoup d’argent. Ce n’est pas comme les baleines.

Retrouvez Frédéric Brébant chaque lundi matin, vers 9 h 45, dans l’émission  » Bonjour quand même « , de Jean-Pierre Hautier, sur La Première (RTBF radio).

Frédéric Brébant

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