pourquoi ne pas craquer pour un blouson en alligator ou des escarpins en caïman ? En version dame ou vintage, même le cuir prend des allures de croco.

Carnet d’adresses en page 88.

Pour dompter la féroce bête de mode prompte à bondir sur le porte-monnaie, il fallait un animal plus coriace encore. Un redresseur de comptes à la beauté cruelle qui charme le regard et provoque le désir… Las, sans jamais se donner : le croco vend très chèrement sa peau.

On s’en ficherait pas mal, si les griffes les plus en vue n’avaient pas elles-mêmes cédé à la tentation en transformant le crocodile en icône. Citons Prada et son manteau en alligator, Tod’s et son sac en croco, qui de plus est façonné vintage, donc sciemment vieilli, sans oublier Dior, Vuitton, et jusqu’à des noms plus confidentiels tels Ralph Kemp : chacun y va de sa déclinaison, du très dame au plus trash, en appuyant là où ça fait luxe.

Un genre où le croco excelle. Ce n’est pas que l’animal soit rare û 85 % de la production mondiale est issue de l’élevage û mais obtenir une jolie peau nécessite des soins longs et coûteux.  » Plus la peau est grande, plus il a fallu nourrir la bête et la préserver des cicatrices, et donc plus elle est chère : au moins 50 euros le centimètre contre 8 à 40 euros pour des petites tailles, souligne Patricia Roggwiller, directrice des ventes pour la France de TCIM (Tanneries des cuirs d’Indochine et de Madagascar).  » Néanmoins, le petit format ne permet pas forcément un produit à prix réduit car, pour réaliser une seule paire de souliers d’aspect uniforme, il faudra deux peaux, et qu’elles aient des écailles de taille similaire.  » Ensuite, tout dépend de la qualité du motif souhaité :  » Nous travaillons avec trois espèces, continue Patricia Roggwiller : l’alligator des Etats-Unis, aux écailles carrées à angles arrondis, plus fines sur les côtés ; le Niloticus d’Afrique, au motif plus carré ; le Porosus de Papouasie-Nouvelle-Guinée, le plus rare û ses écailles sont régulières, plus rondes et plus fines.  »

Présenté au Salon Le cuir à Paris, en avril dernier, le style du moment est assez subtil : un cuir très souple pour les Italiens, un peu moins pour les Français, l’effet mat l’emportant sur le brillant pour un porter quotidien. Lancel lance deux nouvelles lignes : la Ballerine, en alligator brillant, pour le soir, à partir de 4 500 euros ; et la Mutine, plus sportswear, à partir de 6 000 euros pour le petit cabas.  » Naturellement, les prix sont bien plus élevés que notre sac du soir (480 euros) et notre cabas (520 euros) en simple cuir, mais nous ne pouvions pas risquer de décevoir certaines de nos clientes en n’offrant pas des modèles en croco « , souligne-t-on chez le maroquinier.

Hermès autorise depuis longtemps toutes les folies, sur commande et sur mesure, ou plus simplement en boutique avec, par exemple, un petit sac Kelly en Porosus à 10 900 euros. La tendance, c’est la tendance, quitte à l’adapter pour offrir leur part de rêve à des bourses plus réalistes. Certaines marques, comme Coccinelle, n’hésitent pas à jouer des cuirs marqués sous presse aux motifs de croco. Avec deux avantages certains : une régula-rité du dessin introuvable dans la nature et un traitement antipluie û car, contrairement aux idées reçues, l’eau fait des taches indélébiles sur une peau de croco ! En outre, les modèles les plus mode, et par conséquent les plus éphémères, ont à c£ur de ne pas miser sur le luxe à tout prix : les jupettes, sacoches et escarpins argent de Céline sont en veau, version croco. Un subterfuge adopté par Lamarthe depuis ses débuts, en 1930 :  » Chaque saison, nous réinterpré- tons notre cuir façon croco en l’adaptant au goût du jour.  » Si la mode passe, le coriace croco reste. Mais, comme ses larmes, c’est parfois du chiqué !

Catherine Maliszewski

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