Pour présenter la collection Croisière de Chanel, disponible en boutique dès le mois de novembre, Karl Lagerfeld a imaginé un trajet en vieux bus dans Paris. Cinq véhicules, cinq stops, un clin d’oil au chiffre emblématique de la mythique griffe française.

Place de la Concorde. Véhicule D, place 21. En face de nous, deux journalistes de la presse parisienne ont pris place. L’un, la mèche un peu rebelle, le look apparemment négligé mais savamment travaillé, lit, comme un  » navetteur « , le bouquin  » Nightclubbing  » d’Alain Pacadis, ex-chroniqueur à  » Libé  » ; l’autre, une jolie fille au look sobre mais chic, n’arrête pas de passer des messages sur son portable, comme s’il n’y avait vraiment pas de temps à perdre dans ce bus. Pourtant, en ce 17 mai, cet autobus à plate-forme aux plafonds en bois et aux vieux sièges en cuir, n’a rien d’ordinaire et les personnes à bord ne sont pas des passagers lambda : cinq vieux modèles de la RATP, datant de 1935 et regriffés à l’effigie de Chanel, ont en effet embarqué journalistes de mode et égéries de la marque pour un transport peu commun.

Pour présenter sa collection Croisière, une ligne qui existe depuis 1983 et qui place l’été en plein hiver, Karl Lagerfeld avait choisi, cette année, de convier les journalistes de mode à une traversée originale de Paris. Cette fois, le voyage ne s’est pas fait en bateau-mouche, comme l’année passée, même s’il a presque suivi le même trajet. Les cinq bus de la RATP ont en effet longé le quai des Tuileries et, depuis la place de la Concorde, ont fait halte au pont des Tuileries, au pont Royal, au pont du Carrousel et rue des Saint-Pères pour finir au Café de Flore. Des stops annoncés en français et en anglais, entrecoupés d’indications des monuments de Paris, qui permettent aux mannequins de changer de wagon et aux autres de s’imprégner de cet esprit parisien, si cher à Mademoiselle.

Premier stop : pont des Tuileries

Karl monte dans le véhicule D, dit bonjour à quelques têtes connues, s’assoit parmi eux et observe, attentif, le ballet du défilé. Les deux journalistes qui nous font face lèvent à peine la tête pour jeter un coup d’£il aux tailleurs-shorts en tweed, aux bijoux dont les breloques ont épousé la forme des tickets de métro, de la tour Eiffel et de la plaque de la rue Cambon, siège mythique de Chanel. Accrochés à leur téléphone portable, ils préfèrent donner rendez-vous à leurs amis, aux Deux Magots, avant d’aller au Flore. Tandis que les journalistes étrangers filment et photographient ces brindilles en tenues légères, nos deux voisins de bus se comportent comme s’ils étaient dans le métro en heure de pointe, le regard blasé, presque lassé.

Deuxième stop : pont Royal

Derrière la vitre, on aperçoit Karl et les mannequins qui changent de voiture. Cette fois, on découvre des robes en viscose rayées, le profil de Coco Chanel croqué par Karl Lagerfeld repris sur des tee-shirts et des jupes. L’imprimé graphique mixe les différents codes de la marque : un double C crayonné et les éternels camélias. Puis c’est une symphonie de sacs matelassés et autres sautoirs à l’effigie de Mademoiselle. Entre-temps, une silhouette pour l’homme, assez sobre, rappelle que Karl Lagerfeld est en train de cogiter une collection au masculin.

Troisième stop : pont du Carrousel

Musique de l’artiste sonore Michel Gaubert, qui signe la plupart des bandes-son de défilés, pour nous présenter des gilets en jersey, des camélias épinglés en broche mais aussi incrustés sur des bracelets en émail, des jupes plissés portées avec des bottes en lanières en plastique, la petite veste noire sur un jean blanc rapiécée de tweed, des jupes droites en jean associées à une chemisette, ceci sans oublier l’incontournable béret. C’est sage et chic.

Quatrième stop : rue des Saint-Pères

Les touristes japonais, massés sur les quais, s’empressent d’immortaliser ce moment si parisien, si chic. Il faut dire qu’on est en plein cliché. Les filles défilent en maillot de bain laqué sur lequel elles ont enfilé un petit gilet pailleté, alors qu’en ce 17 mai il fait un froid glacial dans la Ville lumière.

Terminus : Le Café de Flore

Là où nous attend le meilleur moment du défilé, celui des robes du soir. Le lecteur de  » Nightclubbing  » oublie volontairement son dossier de presse dans le bus. Au Flore, il dit bonjour aux serveurs et lâche, désinvolte :  » Ça fait drôle de se voir en journée !  » Une connaissance lui raconte qu’elle était assise dans le bus à côté d’Ana Mouglalis, une des égéries de la marque… Bref, ça n’a jamais été aussi branché de prendre le bus !

A l’étage du célèbre établissement, l’ambiance est superdécontractée. Entre champagne et foie gras, on découvre une collection très raffinée, plus glamour, de robes de cocktail en mousseline de soie et à taille haute, de jupes en maille viscose bordées de dentelle tricotée, de fourreaux asymétriques. Les silhouettes ressemblent davantage au Chanel auquel nous sommes habitués. Karl Lagerfeld a commandé un Coca qu’il boit, debout, d’une main gantée de mitaines en cuir et qui laissent apparaître ses doigts bagués. Même les serveurs du Flore se livrent à un impressionnant ballet. On croirait qu’ils font partie intégrante du spectacle. On se lève de table, on se rassoit, on change de voisins. A notre droite, on reconnaît Michel Gaubert attablé avec Laetitia Crahay, la jeune styliste belge, responsable des bijoux et accessoires chez Chanel, et son compatriote Etienne Russo, metteur en scène de défilés dont ceux, prestigieux, de Dries Van Noten. Plus loin, il y a les actrices Julie Gayet et Audrey Marney, mais aussi Virginie Ledoyen et Natacha Régnier. On boit un verre de blanc, on avale notre dernier toast. Certains partent pressés par un rendez-vous qui n’attend pas, d’autres au contraire s’attardent un peu… La croisière touche à sa fin. Merci Karl, on vous promet de revenir bientôt sur vos lignes…

Agnès Trémoulet

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content