Toujours plus dans moins d’espace ? Un vrai défi sociétal que les fabricants de cuisines seront de plus en plus souvent amenés à relever. En cause : le manque de place dans les logements urbains. Mais aussi le mode de vie à intensité variable des familles modernes. Prospection et cas concrets.

C’est ce que l’on appelle la quadrature du cercle : l’homme n’a jamais eu à sa portée autant de biens de consommation à entasser dans des espaces de vie de plus en plus réduits. Selon la toute dernière enquête réalisée par Ikea en Belgique, c’est même dans la cuisine que le manque de place se ferait de plus en plus sentir. Le c£ur de la maison qui sert de salle de jeux à trois enfants sur dix, où s’effectue dans 40 % des cas le tri sélectif des déchets et où l’on a – toujours selon l’étude – le plus de mal à retrouver ce que l’on cherche, est aussi pour près d’un Belge sur deux le lieu où il prendra plaisir à se mitonner des bons petits plats par passion plus que par nécessité.

 » Après la vague du cocooning des années 80, l’heure est aujourd’hui au hiving (NDLR : de hive qui signifie ruche en anglais), détaille Gérard Laizé, directeur du VIA (valorisation de l’innovation dans l’ameublement) et coauteur du rapport Domovision 2011 (*). Le logement est un espace où l’on se retrouve et où l’on se rassemble. Plus qu’un simple lieu de préparation et de prise de repas, la cuisine est devenue au fil du temps l’espace du foyer où confluent de multiples activités. Chacun se l’approprie pour ses propres besoins. « 

Aujourd’hui, faute de pièces dédiées dans des habitats de plus en plus exigus, la cuisine est devenue le lieu où l’on travaille, regarde la télévision, s’adonne aux loisirs créatifs et aide les plus jeunes à faire leurs devoirs. Elle ne se contentera bientôt plus d’être ouverte sur le séjour : elle se fondra dans le reste du décor de la maison et deviendra, comme dans le projet développé pour le VIA par Mathilde Jaloux, une sorte de hub social composé d’un îlot central fixe sur lequel viennent se greffer des satellites, comme un bureau ou un meuble multimédia.

Parce que l’on est plus nombreux certains jours que d’autres – surtout dans les familles recomposées -, que l’on a rarement le temps de cuisiner en semaine, on peut avoir envie de donner à son îlot central – le  » rêve  » d’une majorité de Belges – une géométrie variable, comme dans cette cuisine paysage imaginée pour le VIA par Lou Xiao You et Mathieu Peyroulet Ghilini où deux panneaux mobiles masquent les éléments techniques – point d’eau, plaques de cuisson, petits électroménagersà – intégrés dans le module. On retrouve la même idée dans le monobloc modulable permettant la préparation et la prise des repas ainsi que le rangement d’une partie de la vaisselle et des accessoires, conçu par Kristin Laass et Norman Ebelt pour le Festival international du design de Berlin.

Comme de plus en plus de jeunes, poussés par la crise, se retrouvent forcés de poursuivre la vie en colocation après leurs études, le vieillissement de la population amènera aussi les familles à accueillir chez elles des parents plus âgés. Lauréat du concours Electrolux Design Lab 2008, le réfrigérateur modulaire de Stefan Buchberger, composé de plusieurs blocs indépendants empilés les uns sur les autres devrait ainsi faciliter la cohabitation des vivres de chacun au sein du frigo communautaire.

Puisque la cuisine avec ses appareils électroménagers, gros ou petits, dont le nombre ne cesse d’augmenter au gré de nos envies de home made – machines à pain, yaourtières, centrifugeuses à jusà – est aussi l’un des postes les plus énergivores de la maison, l’agence de design industriel Les Faltazi propose même d’intégrer dans son modèle Ekokook trois micro-usines domestiques pour trois types de recyclage : déchets solides (tri, traitement et stockage), cycle de l’eau (quinze litres par jour peuvent être économisés rien qu’en récupérant par exemple l’eau de lavage des légumes pour l’arrosage ou le lave-vaisselle) et déchets organiques biodégradables  » processés  » par 8 000 vers dans un lombricomposteur qui les transforme en engrais.

Si le problème récurrent du manque de place demande a priori moins d’efforts prospectifs, il n’en reste pas moins l’un des enjeux majeurs d’une cuisine douce à vivreà et qui fonctionne ! De nombreux cuisinistes s’efforcent déjà d’y faire face en proposant des solutions adaptées aux petits espaces. Peut-être moins impressionnantes que les modèles exposés en long et en large dans les showrooms ou dans les magazines. Mais 100 % ancrées dans le réel. Rêves de raison.

(*)  » Se nourrir, de la nécessité à la convivialité « , ouvrage collectif.

Par Isabelle Willot

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