Il semble que vous ayez quitté la Belgique il y a deux ans, suite à une agression particulièrement violente !

J’ai été braqué chez moi et j’ai dû négocier pour rester en vie ! Je me suis retrouvé à l’hôpital où l’on m’a recousu: abominable ! Mais c’est autant la suite de l’agression que l’agression elle-même qui m’a décidé à partir. J’ai vu mes agresseurs travailler dans des snacks dans le coin pendant des mois et les flics n’ont rien fait. C’était il y a deux ans, presque jour pour jour.

N’avez-vous éprouvé aucun désir de vengeance ?

Non: je peux me venger si l’on tue ma meilleure amie, ma soeur ou ma nièce.

Quel rôle ces événements ont-ils joué sur votre musique ?

Je chante plus bas qu’avant (sourire).

Suite à un article paru dans Le Vif/L’Express qui évoquait votre manière parfois trop  » coquette  » de chanter, vous aviez piqué une colère. Paranoïa ou surplus émotionnel ?

Quand vous êtes un peu marginal, vous vous attendez toujours à ce que l’on défende votre travail. En Belgique, on trouve d’abord cette marginalité  » charmante  » et puis, peu à peu, on vous délaisse. Ici, tout est tellement morcelé que le folklore disparaît: on se rapproche des  » Folklores imaginaires  » défendus par Philippe Lafontaine. Ce n’est pas pour rien que le réalisme magique en littérature est typiquement belge. Mais il n’y a rien de plus fantastique qu’un vrai Belge: Arno, Maurane ou Viktor Lazlo !

Pourquoi avoir choisi Paris ?

Depuis 1995, on joue beaucoup en France: dans nos concerts avec Diederik (Wissels, comparse, pianiste et compositeur), les jeunes chantent les paroles par coeur. Ce qui, au début, m’a totalement déconcerté.  » Up Close « , sorti en 1995, est devenu un disque culte là-bas. C’est étonnant. Et puis, Jean-Philippe Allard, PDG de Polydor, m’a appelé pour faire un disque en français. A Paris, cela me fait plaisir que mon boucher me reconnaisse, même si c’est parce qu’il a vu des affiches dans le métro (rires).

Est-il vrai que Jacques Dutronc et Françoise Hardy ont suggéré ce disque en français ?

Pas suggéré, mais j’avais écrit un morceau pour Viktor Lazlo,  » Dégrisé  » et Françoise avait complètement flashé là-dessus ! Elle m’a invité un jour et je me suis rendu compte que Dutronc adorait un autre de mes morceaux:  » Miss Queen To Kalima « . A part Maurane et Lazlo qui sont des amies depuis 1985, ce sont eux qui m’ont encouragé !

Partir ailleurs: vous avez eu vos histoires d’Amérique.

Entre 1984 et 1988, j’ai passé beaucoup de temps à New York avec James Baldwin (poète et militant, ami du jazz et de Miles Davis). La nuit, on se rencontrait dans la cuisine autour de toasts au beurre de cacahouète (rires). J’avais croisé Alvin Ailey qui voulait faire une chorégraphie sur les musiques réalisées avec Baldwin. Il a également tenté de me persuader de faire de la danse: je suis même allé à un cours, mais je n’ai pas insisté (rires). Puis Baldwin est mort, comme Ailey et plein de gens que j’avais connus en Amérique. Un moment, j’ai dû faire un choix entre la nostalgie et continuer. J’ai continué.

Propos recueillis par Philippe Cornet

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