Michel Troisgros, le chef du plus ancien trois étoiles de France, la légendaire maison Troisgros à Roanne, vient d’ouvrir La Table du Lancaster, sa première adresse parisienne. A l’ombre d’un jardin zen, se déploie un festival de saveurs estivales.

Carnet d’adresses en page 60.

F raîche, colorée, élégante… Quoi de plus propice que de rejoindre La Table du Lancaster pour commencer l’été ? Imaginée par Michel Troisgros et cornaquée par le jeune chef Fabrice Salvador, elle est la dernière adresse parisienne en vogue. Il est vrai qu’elle a de bonnes raisons d’attirer l’attention. Pour la première fois, l’un des Troisgros, du nom de la  » dynastie  » qui détient depuis trois générations à Roanne (trois étoiles au Michelin depuis… trente-quatre ans) le restaurant homonyme, exporte son savoir-faire hors du bastion familial. Certes des épiceries fines et une enseigne de petite restauration se sont ouvertes à leur effigie au Japon mais sans rapport avec le cadre et le niveau gustatif de cette nouvelle table parisienne…

La Table du Lancaster est située au c£ur de l’hôtel Lancaster, dans le VIIIe arrondissement de Paris. Si le nom n’est pas tout à fait inconnu des esthètes, c’est qu’elle existait déjà auparavant mais était réservée exclusivement aux clients de l’établissement hôtelier. En rupture complète avec la cuisine française mâtinée de touches anglo-saxonnes qui y était proposée, Michel Troisgros y offre désormais une approche très contemporaine de la gastronomie. Autrement dit, une culture subtile de l’ailleurs où les plats nationaux se frottent par curiosité, et un peu par bravade, aux épices, fruits ou ingrédients des autres continents. Ici, les écrevisses sont accompagnées d’endives et de kumquat, le rouget croustillant repose sur un lit de fine chair de pamplemousse et de menthe fraîche, la meringue est sertie dans une fleur de maracuja. Les mets sont vifs, rafraîchissants, finement décalés, sans céder à l’exotisme de pacotille. Sans doute parce que le grand ordonnateur a eu le temps de digérer ses multiples influences culturelles. De sa mère, originaire du Frioul, il a hérité une première inspiration transalpine ; de son père, Bourguignon, la cuisine de terroir. Très tôt le Japon a nourri son imaginaire lorsque son père s’y rend, en 1967, pendant de longs mois, avant de revenir à Roanne les bras chargés de souvenirs du Soleil- Levant et d’ingrédients inconnus. De ses trois points d’ancrage, Michel y voit un trait d’union évident :  » On retrouve l’acidité dans la cuisine italienne en particulier le citron, les tomates, mais aussi dans la cuisine bourguignonne avec le vin, le vinaigre, la moutarde et également dans la cuisine japonaise avec le miso, les sudachis et les sushis.  » Et il n’y a donc rien d’étonnant si la carte s’organise autour d’un  » éclat de citron  » ou du  » mordant du vinaigre « .

Comme tous les chefs de sa génération, Michel Troisgros est nomade et zappeur dans l’âme. A peine sa formation achevée, il part, à 19 ans, faire le tour du monde avec sa femme Marie-Pierre. Il poursuivra sa formation dans les maisons les plus prestigieuses, de Taillevent, à Paris, à Chez Panisse, à San Francisco, ou Girardet, à Lausanne. Le Central, une brasserie branchée qu’il ouvre avec son épouse à Roanne à la fin des années 1990, témoigne de cet esprit de nouveauté et de curiosité. C’est le décorateur star Christian Liaigre qui avait été chargé de l’aménagement des lieux dans une belle déclinaison de bois.

La Table du Lancaster, qui a été initiée grâce à Grace Léo-Andrieu, propriétaire de l’hôtel Lancaster et amie du couple, s’inscrit parfaitement dans cette nouvelle philosophie de plaisirs multiples. Si le cadre intérieur perpétue le luxe qui sied traditionnellement à un hôtel particulier du début du XXe siècle, le jardin revendique une influence orientale contemporaine. Sur fond d’écrans et de hottes en osier rouge cerise, les paysagistes Philippe Niez et Alexandra Schmidt ont conçu un espace structuré autour d’un liseré d’eau serti de galets grège et blancs. Un jet d’eau mural est encadré de haies de hêtres et d’iris jaune et parme.

On déjeune à l’ombre des fougères et des papyrus, assis sur des chaises en bois d’iroko, frappés du double  » L « , le sigle de la maison. Aucun détail n’a échappé aux concepteurs hédonistes : ni les couverts en métal argenté martelé (Couzon) ni les nappes écrues en coton d’Egypte. Quant au dallage lisse et immaculé en pierres de Bourgogne, il donne tout simplement envie de se déchausser pour en apprécier pleinement toute la sensualité. Après tout c’est l’été, non ?

Antoine Moreno

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