Des clics (et des claques)

© INGRID OTTO

 » On se mange un morceau, histoire de se connaître ? « , me demande un inconnu sur Facebook. Frisson dans l’échine. Annoncez-moi un redressement fiscal, une mycose plantaire ou les ongles en gel. Obligatoires. Mais pas ça. Je savais comment ça allait se terminer. Mal. Ici, le monsieur est resté relativement correct. Il m’a juste accusée de me prendre pour une star, de manquer de simplicité, d’être incapable de discuter, d’être pitoyable et de vivre dans un autre monde. Pourquoi ? Parce que j’ai gentiment décliné son invitation. Plusieurs fois. Il faut toujours être très gentille pour éviter qu’un homme qu’on ne connaît pas se transforme en Cro-Magnon. J’ai 35 ans et tellement intégré que dire  » non  » est une source d’ennuis, voire de danger, qu’il a fallu que ce petit monsieur m’énerve plus fort que les précédents pour que je réalise qu’en fait, ça n’est pas normal. Ce collègue qui rigole avec mépris, en vous demandant de quoi vous avez peur, quand vous ne lui répondez pas favorablement. Ce garçon, en rue, qui devient physiquement envahissant et qui vous met son téléphone dans les mains pour que vous notiez ce numéro que vous lui refusez.

Non. Un mot a priori limpide que j’ai appris à transformer en cupcakes. Glaçage, billes de sucre coloré, parasol en papier, tagadatsointsoin, danse des sept voiles. Un  » non  » enrobé, pour mieux faire passer la pilule. Visiblement c’en est une. Il m’a fâchée, ce petit monsieur. Je me suis vue, ridicule, me démener, en vain, pour que ça ne dégénère pas. Et il m’a rappelé que parfois, je n’ai pas eu le courage d’assumer les conséquences d’un non. Rien de grave. Mais j’ai donné mon numéro à ce garçon envahissant. J’ai eu peur, je voulais partir. J’ai dit  » oui  » alors que je pensais :  » J’ai dit non. Je ne t’ai pas demandé de porter un tablier rose et de marcher à quatre pattes en miaulant, n’en fais pas une histoire d’honneur, j’ai juste dit non.  » Et pour le repas, je préviens, si un jour je te dis oui, cher inconnu, il n’est pas exclu que la coupe de bulles soit truffée de laxatifs.

PAR FLORENCE HAINAUT

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