Le traditionnel show Second Hand Second Life des Petits Riens aura une saveur particulière cette année : l’ASBL fête à la fois ses 75 ans d’activité et la 10e édition de sa soirée de gala, désormais bien installée parmi les événements fashion et design de la rentrée bruxelloise.

Initié en 2002 pour soutenir les projets de l’association et offrir une vitrine de prestige à sa filière de seconde main, Second Hand Second Life est resté fidèle à sa formule associant un défilé et une exposition exceptionnels, dont chacune des pièces est mise aux enchères. À l’affiche, se côtoient créateurs de renom et talents de demain, parmi lesquels nous avons rencontré le jeune designer Quentin de Coster.

Mordu depuis sa plus tendre enfance, Quentin a enchaîné deux ans à l’Institut Saint-Luc de Liège, une année au Politecnico de Milan et un stage au Danemark, avant de s’inscrire à La Cambre, à Bruxelles, pour un master en design industriel. À seulement 22 ans, il compte déjà plusieurs créations à son actif, dont le Citrange, un astucieux presse-agrumes né d’une frustration scolaire :  » Mes profs m’ont dit que mon concept de départ n’était pas bon. Mais j’ai persévéré, j’ai bossé des semaines pour le mettre au point et j’ai diffusé un communiqué en ligne. Quinze jours plus tard, un éditeur sautait dans un avion pour me rencontrer et repartait avec mon prototype.  » Une belle histoire, qui en préfigure d’autres, et qui compta certainement parmi les raisons de son invitation par Les Petits Riens, une véritable aubaine pour un jeune designer.

 » Il y a beaucoup plus de concurrence qu’avant, c’est difficile pour notre génération. Nous devons prendre énormément de recul et intégrer de nouveaux facteurs comme la crise ou l’écologie. Mais c’est aussi l’occasion de remettre le design à sa place d’origine, avec des produits démocratiques destinés au plus grand nombre.  » Si les créations uniques à découvrir le 9 novembre prochain (*) sont encore loin de la production en série, le montant de leur vente sera consacré au financement du nouveau projet des Petits Riens, une maison d’accueil pour sans-abri de 18 à 24 ans. Soit pile la tranche d’âge de Quentin, évidemment frappé par la similitude :  » Savoir qu’il s’agit d’offrir un toit à des jeunes d’à peine mon âge, je n’y suis pas insensible. Je ne vais pas verser dans le mélo, mais c’est clair que j’y ai pensé en travaillant…  » Reste à savoir en travaillant sur quoi.

Avec précaution, Quentin déballe un trio de parapluies, d’un modèle noir tout ce qu’il y a de plus standard. Sauf qu’à y regarder de plus près, une excroissance s’échappe de leur manche droit subitement devenu asymétrique, comme une touche d’imprévu dans la grisaille. Certains y verraient l’expression d’une certaine belgitude qu’on ne les contredirait pas. Ce parapluie à double poignée s’appelle Branch et provient du lointain souvenir de dimanches pluvieux, à (tenter de) partager un parapluie avec sa s£ur. Un exercice délicat, qui voit souvent l’un des deux acteurs finir trempé. Objet étonnant, dont la forme végétale se distingue des autres pépins et permet, entre autres menus avantages, d’y pendre son sac à main, Branch outrepasse ses finalités pratiques pour pousser son concept un peu plus loin :  » Je voulais réaliser à la fois un objet symbolique et un objet-contrainte, qui oblige les gens à marcher au même rythme et les incite à prendre le temps d’apprécier cette intimité.  »

Une idée déroutante, mais non dénuée de charme, qui n’aurait jamais dû voir le jour ; Quentin avait d’abord imaginé travailler sur la base d’une collection de miroirs.  » Ça n’a rien donné. Je n’avais finalement pas envie d’assembler différents objets, mais plutôt d’en modifier un par une seule intervention. Et de le faire dans les règles de l’art. Car bien que caritatif, l’événement des Petits Riens attend un certain niveau d’exigence de la part de ses invités. Je ne voulais surtout pas d’un truc bricolé. Quelque part, ça rejoint les idées de récup’ prônées par l’association ; un produit de bonne qualité se conserve longtemps, l’objet le plus durable est évidemment celui qu’on ne jette pas.  » Des exigences de qualité que Quentin a pu rencontrer grâce au concours d’une entreprise de prototypage rapide, Materialized, qui a accepté de traiter son projet, gratuitement et en un temps record. Tout simplement parce que c’était pour Les Petits Riens. Preuve que si l’ensemble du secteur se mobilise, il ne reste plus qu’aux amateurs de répondre présent pour assurer le succès de la soirée.

(*) Second Hand Second Life, dès 19 heures le vendredi 9 novembre à Tour et Taxis, à Bruxelles. www.petitsriens.be

PAR MATHIEU NGUYEN

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