Le temps d’un dîner en tête à tête ou entre amis, cinq personnalités du monde de la création ont imaginé leur décor d’une table improvisée. De belles recettes pour le plaisir des hôtes.

Chez Jacqueline Morabito, une cène informelle

De l’architecture intérieure à l’objet quotidien, son travail sur le thème du blanc est une référence, ses recherches de matières, un équilibre entre charme et rigueur. Jacqueline Morabito improvise des fêtes tout simplement: des planches de chantier, des tréteaux de bois rentrés dans la maison, des chaises de jardin… En guise de nappe, elle jette un non-tissé qu’elle froisse avec grâce. Elle l’utilise aussi, version lisse, sur les chaises ainsi habillées d’une transparence aérienne. Assiettes, couverts et verres s’étalent sur les différentes tables entre les chandeliers, les baladeuses ombrées de blanc plissé, les gerbes d’olivier ligaturées de lierre et piquées de cierges d’église. Près des fruits en argent chargés d’une symbolique heureuse, elle pose des boîtes immaculées où chacun trouvera, à ses initiales, la surprise d’une entrée, d’un dessert.

Chez Pierre Passebon, un festin de références

Antiquaire du XX e siècle, spécialisé dans les années 1930 et 1940, il reçoit à l’étage de sa galerie parisienne converti, le temps d’une soirée, en appartement. Pour lui, la fête est liée à l’or, aux harmonies de tons chauds, ambrés, et aux brillances de la paille et de l’acajou qui traduisent la couleur de ses sentiments. Il met en scène des dîners intimes, tendres ou amicaux, modulés au gré des personnalités, et compare le plaisir de les préparer à celui qu’on éprouve à se costumer. Mêlant époques et matières, Pierre Passebon entoure une table d’Emilio Terry, à la ligne parfaite, de chaises hollandaises du XVII e siècle et choisit, comme accessoire de mode, un guéridon doré à la feuille. Et ajoute au décor la légèreté d’un photophore en verre de Murano, posé tel un bijou.

Chez Patrice Gruffaz, une dînette bucolique

Des meubles et des objets qu’il édite à la galerie Lieux, à Paris, il dit qu’ils sont « ludiques et poétiques ». Comme les fêtes qu’il donne, jouant sur l’effet de surprise. Ici, tout bouge au gré du soir. La table champignon et les tabourets du balcon trouvent leur place dans la salle à manger où Patrice Gruffaz pose, comme des tableaux, des paravents à la feuille d’argent légèrement oxydée. Le voyage et la nature dictent alors sa mise en scène: aux branches, aux oiseaux et aux fleurs du décor, il ajoute les lapins, les champignons, les escargots des meubles de sa galerie. Puis il anime la table d’un perroquet empaillé qui semble converser avec ceux des paravents. Pour souligner la fête, il glisse le rouge et l’or en touches discrètes et pose les assiettes 1900 à même le bois pour que naisse, de cette opposition entre brut et précieux, un zeste de magie.

Chez Terry de Gunzburg, un souper précieux

Créatrice de By Terry, une signature d’excellence pour le maquillage qu’elle décline en beauté dans sa ligne pour la maison, elle aime provoquer le désir et le rêve, traduire perfection et raffinement. Adepte du décalage, elle privilégie le mélange des genres, joue la carte du luxe lié à une simplicité sophistiquée. Quand Terry de Gunzburg reçoit dans sa cuisine, un jardin de mousse, de lierre et d’orchidées masque l’évier. Sur la cuisinière, elle pose un tableau et des céramiques la transformant en console. Sur la crédence, objets de collection et photos côtoient les assiettes. La table est revêtue d’un souffle de batiste et d’organdi brodé d’anémones et de coccinelles, tels des grains de beauté. Pour plus de préciosité encore, elle la pare d’une vaisselle au décor d’or trouvée chez un antiquaire, de verres de Murano aux reflets soyeux, de couverts de nacre et d’argent.

Chez Carolyn Quatermaine, un pique-nique sur soie

Directrice artistique et styliste, Baccarat, Hermès, Joseph, Vuitton, Fortnum & Mason, Seibu sont quelques-uns des noms pour lesquels elle travaille. Elle est aussi créatrice des tissus précieux qu’elle édite sous sa propre marque. Le temps d’une soirée, Carolyn Quatermaine habille sa table d’une soie de sa collection, la fait glisser de la table en un bouillonné qui devient sculpture. Associant l’or au céladon, elle compose la scène autour de ces harmonies, ajoutant l’ambre et un camaïeu de nuances beiges. Posées dans un verre ancien, quelques dragées de même ton ou tout simplement, une fleur. Dans un panier est préparé un pique-nique pour deux où les objets et les friandises emballés sont sublimés par les reflets festifs d’un papier cristal. Pour transformer la chaise, elle habille un oreiller d’un de ses tissus. Dans un autre imprimé, elle découpe les serviettes. Le décor est léger, à peine appuyé, mêlant simplicité et préciosité.

Catherine Synave [{ssquf}]

Carnet d’adresses en p. 88.

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