La romancière américaine nous avait fait frissonner avec Il faut qu’on parle de Kevin, adapté au cinéma. Cette fois, elle imagine un couple confronté à la maladie. Serait-ce le vrai combat de la vie ?

Pour vous, l’écriture correspond-elle à une libération ?

Bien vu. Écrire fait jaillir des choses hors de soi. C’est une confrontation aux autres et à soi-même. Cette passion est née dès que j’ai su lire.

Quel enfant étiez-vous ?

Une rebelle indépendante, que je suis toujours. Petite, je jouais avec mes frères, alors j’étais un garçon manqué. S’il m’arrive d’avoir des  » poussées de féminité « , je préfère les jeans aux robes.

Pourquoi avoir adopté un prénom de garçon ?

J’ai changé de nom à 15 ans pour prendre possession de ma vie. Sur Google, il n’y a pas d’autre Lionel Shriver. Je me sens unique au monde !

Le couple est-il toujours au centre de vos romans ?

Le couple me fascine, parce qu’il change constamment. Il est intéressant de scruter ses inévitables fluctuations de pouvoir.

Qu’en est-il des héros du livre ?

Ici, j’observe l’impact de la maladie sur un couple. Les époux se retrouvent confrontés à deux expériences de vie, de corps et de position sociale. C’est comme s’ils vivaient soudainement dans des pays différents.

Qu’est-ce que l’amour ?

Chaque amour est si unique qu’il serait absurde de trouver un mot pour les décrire tous. Qui n’est pas intrigué par cette force qui nous anime ?

Que redoutez-vous ?

La perte de mon mari ( NDLR : le jazzman Jeff Williams). Étant fumeur et plus âgé que moi, il y a des chances pour qu’il disparaisse en premier. Tel est le risque à prendre pour avoir un compagnon. Je le trouve aussi beau et séduisant que lors de notre rencontre.

Le plus grand tabou ?

La mort. Isolée dans des hôpitaux, elle est reléguée aux professionnels. Le déni est plus présent que jamais. La médecine moderne nous a convaincus qu’elle peut tout soigner, or son pouvoir est limité et son prix guère accessible à tous.

Dans ce livre, quelle bataille mène l’héroïne, Glynis ?

Glynis conçoit son corps comme un ami qui la trahit. Le cancer est souvent apparenté à une métaphore militaire, mais c’est illusoire de croire qu’on peut le contrôler. Mon héroïne pense que la mort est une défaite. Ce n’est qu’en lâchant prise qu’elle se rapprochera des siens.

Qu’y a-t-il de plus précieux pour vous ?

(Songeuse) La santé. Ce roman nous rappelle qu’on peut la perdre à tout instant. Aussi faut-il l’apprécier à chaque seconde. Il me suffit d’un bon vin et de chili pour aller bien (rires) !

Une victoire et une défaite ?

Lorsque j’ai enfin connu le succès, avec le roman Il faut qu’on parle de Kevin, après des années de frustration. Et la découverte que, finalement, ça ne change pas grand-chose.

Tout ça pour quoi, par Lionel Shriver, Belfond, 528 pages.

KERENN ELKAÏM

LE COUPLE ME FASCINE, PARCE QU’IL CHANGE CONSTAMMENT.

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