C’est le plus simple des matériaux industriels. Et, pourtant, le caoutchouc dope l’imagination de tous les créateurs.

(*)  » Caoutchouc « , Thames & Hudson (2005).

Carnet d’adresses en page 77.

Q u’il soit naturel ou synthétique, le caoutchouc possède d’admirables qualités d’étanchéité, d’adhérence, d’isolation et de résistance. Ultime vertu : il est définitivement tendance. Pour preuve, la récente édition française de  » Caoutchouc  » (*), album monomaniaque de Janet Bloor et John D. Sinclair. Substance élastique et biodégradable tirée du latex de certains arbres d’Amérique du Sud et d’Asie du Sud-Est comme l’hévéa, le caoutchouc viendrait de  » cau chu « , expression équatorienne signifiant  » bois pleureur « , en référence aux larmes de latex exsudant des troncs. Le caoutchouc (dont les Indiens d’Amazonie connaissaient depuis des siècles l’usage imperméable et les habitants du Yucatan celui de la gomme à mâcher) sera introduit en Occident en 1745 par La Condamine, puis popularisé en Angleterre par Joseph Priestley, qui en découvrit les propriétés gommantes. Naturel ou obtenu par synthèse à partir de certains dérivés du pétrole, le caoutchouc arrive en tête de la vaste famille des latex, silicones, résines et gels polyuréthannes, dont la richesse d’application en design comme en mode n’est pas une nouveauté. En effet, depuis 1820, date à laquelle les Américains mirent au point la première botte de pluie, le caoutchouc aura suscité des empires du calibre de Michelin, Firestone, Goodyear, Pirelli, Playtex, Goodrich. Du pneu au bonnet de bain, du jouet d’éveil au gant de vaisselle, c’est tout l’environnement quotidien moderne qui se  » cailloutchouque « , comme disait Colette.

Tour à tour utilitaire, ludique, fétichisant, le plus humble et malléable des matériaux industriels aura également suscité la création des produits cultes du xxe siècle. Ainsi la tennis Superga, la guenon Zizi en latex armé de Bruno Munari, le plus emblématique des jouets design, ou le fauteuil Lady de Marco Zanuso pour Arflex (1951).

Le caoutchouc est aujourd’hui volontiers utilisé par les créateurs comme substitut de matières nobles, voire précieuses û histoire de rompre avec les règles au profit d’un luxe vulcanisé en parfumerie, en joaillerie, en maroquinerie et en horlogerie. Au rayon design, le caoutchouc et ses dérivés trouvent auprès de Philippe Starck, de Gaetano Pesce, de Hella Jongerius, de Ross McBride, d’Ole Jensen ou de Marc Berthier des apôtres radicaux dont les créations éditées et produites par Puma, Fish Design, Droog Design, Norman, Lexon, Mastrad, Alessi ou Leolux font rebondir le débat aussi efficacement que la ravageuse Blackboule de Gaston Lagaffe. Ce qui est loin d’être une référence à la gomme.

Pierre Léonforté

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