L’art de bâtir façonne notre environnement quotidien, mais nous sommes peu nombreux à nous y intéresser vraiment. Encore moins à essayer de le comprendre. La sensibilisation peut pourtant débuter tout petit.

Un carré surmonté d’un triangle, de petits rectangles pour symboliser portes et fenêtres, une cheminée fumanteà En quelques traits malhabiles, c’est ainsi que la plupart des enfants esquissent une maison, la leur, celle de leurs rêves. Sans se poser de questions. Vingt ans plus tard, lorsqu’ils se lanceront dans l’aventure et achèteront ou feront construire leur  » chez eux « , c’est souvent ce schéma classique – finalement peu modifié – qui reviendra à l’avant-plan.  » Le grand public est peu initié à l’architecture. Or, tout le monde est, un jour ou l’autre dans sa vie, amené à se prononcer sur la qualité d’un aménagement ou d’un immeuble, que ce soit pour un projet privé, dans le cadre du boulot ou même en tant que politicien. Il est donc indispensable de pouvoir communiquer avec les professionnels sur ce sujet », insiste Gael Cochand de Tribu’architecture.

Ce bureau suisse travaille sur  » la sensibilisation à l’environnement construit  » et encourage tout un chacun, senior ou junior, à mieux regarder les bâtiments qui nous entourent à travers des visites, des conférences, etc. Ce collectif a, entre autres, mis des ateliers en place, avec les écoles primaires de Lausanne, dans le but de faire comprendre, aux élèves, le métier d’architecte, à travers la réalisation, en classe, d’une maquette. L’objectif n’est pas d’inculquer aux mioches le goût de l’architecture contemporaine, mais de montrer qu’il existe différents styles et formes, en fonction du contexte, du lieu, du climatà  » De cette manière, les gens peuvent acquérir un regard plus critique, complète Gael. Les enfants sont toutefois plus réceptifs que leurs aînés. Lorsque l’on montre des exemples de projets très modernes, en photos, pour introduire le sujet, l’enseignant a généralement une réaction épidermique et fait, d’entrée de jeu, une moue dégoûtée. Alors que les plus jeunes essaient de comprendre. « 

Persuadé que ce type de formation devrait faire partie du cursus scolaire, au même titre que la sensibilisation à la musique ou à la peinture, Tribu’architecture a rejoint le réseau helvétique Space Spot qui entend fédérer, à l’échelle nationale, toutes les initiatives similaires. Une démarche qui pourrait inspirer d’autres pays européens.

Si la Suisse est déjà très loin dans cette réflexion – elle est une locomotive en matière d’art de bâtir -, la Fondation pour l’architecture, à Bruxelles, organise également des stages, durant les vacances scolaires ou le week-end, qui visent à  » faire lever la tête aux enfants, afin qu’ils acquièrent un vocabulaire pour décrire ce qu’ils voient de façon pertinente « , raconte Bertille Amaudric, une des animatrices. Pour cette historienne de l’art, si les bambins sont peu sensibilisés au bâti, c’est parce qu’ils ne l’expérimentent que très peu. Ils vont à l’école en voiture, se baladent moins en rue et par ailleurs, leur petite taille ne leur offre qu’une vision limitée de ce qui les entoureà

Jouer pour voir autrement

Mais changer son regard sur la ville et ses bâtiments, dès la maternelle, peut également se faire par la lecture. La maison d’édition Hélium publie ainsi des ouvrages originaux sur le sujet. Comme : Les Trois Petits Cochons réinterprété de façon très moderne par l’auteur américain Steven Guarnaccia. Le loup y chevauche une moto signée Starck et les maisons des cochonnets font allusion à des réalisations de grands concepteurs du xxe siècle (lire en page 41). Le Centre Pompidou, à Paris, publie lui aussi des bouquins sur cette thématique. Ainsi, suite aux workshops organisés avec les kids, par l’artiste japonais Tadashi Kawamata, au printemps dernier, un cahier Comme à l’atelier a été lancé. Il propose aux miniconcepteurs de fabriquer six cabanes en carton – reproductions miniatures de celles conçues par le créateur nippon et exposées à Beaubourg jusqu’au 25 août -histoire de mieux appréhender la vision en 3D.  » Je ne peux pas affirmer que les enfants s’intéressent à l’architecture, avoue Tadashi Kawamata. Mais une chose est sûre : ils aiment construire et ont un esprit très ouvert quant à l’utilisation des matériaux et de l’espace.  »

De leur côté, certains designers de jouets misent également sur cette sensibilisation à l’espace construit. Ainsi, l’éditeur danois Minimii a imaginé une maison de poupées immaculée, aux lignes modernistes, reproduisant une £uvre d’Arne Jacobsen. Parmi les meubles qu’on peut y installer : son fauteuil The Egg. Lego a également inscrit dans son catalogue une ligne Architecture – hélas vendue uniquement aux États-Unis – représentant des édifices célèbres, comme la maison sur la cascade de Frank Lloyd Wright et l’Empire State Building. Le fabricant allemand Sirch vient, quant à lui, de mettre sur le marché la Villa Sibis. Disponible chez HomeAutour du monde, celle-ci affiche un volume parallélépipédique et de grandes vitres qui n’ont rien de commun avec les habituelles maisonnettes pour Barbie.  » Nous pensons aider les enfants et les ados en leur proposant, via cet objet, une autre manière de vivre « , insiste-t-on chez Sirchà Aux enfants, alors, à transmettre cela à leurs parents !

Carnet d’adresses en page 70.

Par Fanny Bouvry

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