Le futur de la prestigieuse marque britannique Bentley est dans les mains d’un Belge : Dirk van Braeckel. Un nouveau souffle pour aborder 2002 avec sérénité.

Dans un an et demi, l’usine Rolls-Royce de Crewe, près de Manchester, deviendra le fief de Bentley. Depuis près de cinquante ans pourtant, Bentley était seulement une division sportive des prestigieux modèles Rolls-Royce. Fin 2002, selon la loi des concentrations automobiles, Bentley et l’usine actuelle reviendront à Volkswagen, tandis que Rolls-Royce ira rejoindre le groupe BMW, qui va construire un nouveau site industriel à Goodwood. Une page historique sera tournée dans l’histoire automobile anglaise. A partir de ce moment, une nouvelle génération de Bentley verra le jour. Cette lourde tâche a été confiée à un Belge, Dirk van Braeckel, responsable du design chez Bentley. C’est sans aucun doute la mission la plus palpitante dans la carrière de ce styliste hors normes.

Weekend Le Vif/L’Express : Est-il plus difficile de concevoir une Bentley qu’une voiture de grande série?

Dirk van Braeckel : Pour moi, il n’y a pas vraiment de différence. Les gens pensent que, parce que nous développons une voiture de luxe, nous pouvons tout nous permettre. Le travail est exactement le même, avec des limites budgétaires à ne pas dépasser et des contraintes techiques dont il faut tenir compte.

Vous travaillez sur la voiture qu’on présente actuellement sous la dénomination de  » baby-Bentley « . Pouvez-vous nous en dire plus?

Il est encore trop tôt. Malgré tout, je peux vous dire que cette voiture ne sera pas une  » petite  » voiture. Nous visons, en effet, le segment des Mercedes Classe S et des BMW série 7. Pour notre marque, cela signifie tout simplement produire une voiture plus compacte que la Bentley Arnage, notre modèle 4 portes actuel.

Comment s’est passé le développement stylistique?

Bentley n’est pas une marque comme les autres. Par rapport à une voiture de série, il est impératif que le style extérieur révèle l’idée de la voiture de luxe, perceptible dès le premier regard. Notre inspiration a donc été de retrouver le véritable esprit de la marque Bentley, ce qui constitue son ADN en quelque sorte! Nous devions savoir où se situe Bentley aujourd’hui et quel pouvoir émotionnel elle suscitait auprès de la clientèle visée. Ce modèle représentatif de l’âme Bentley n’est autre que le coupé Continental de 1952.

Pensez-vous pouvoir développer une gamme complète? On parle du lancement d’un coupé…

Les deux véhicules sont déjà prêts! Nous n’avons pas encore décidé lequel des deux sera présentés. Rendez-vous dans un prochain Salon de l’auto pour découvrir notre choix ( NDLR : à Paris, en septembre 2002).

Vous avez autrefois travaillé pour Audi, puis pour Skoda, où vous êtes à l’origine du renouveau conceptuel de la marque tchèque. Quand on vous a proposé de travailler chez Bentley, quelle a été votre réaction?

J’ai pris le temps de la réflexion. Je suis rentré à la maison et je me suis plongé dans mes livres automobiles et je suis resté des heures devant un bouquin traîtant de la marque anglaise Lagonda. Il faut savoir que Walter Owen Bentley a dû à un certain moment, et pour des raisons financières, revendre sa marque à Rolls-Royce. Il a continué à travailler pendant deux ans sous le management Rolls de l’époque et puis, il s’en est allé. Il a alors rejoint l’équipe de Lagonda qu’il a fait venir au Mans, pour les célèbres 24 Heures… Et il a fait gagner Lagonda ! Tout cela traduit bien l’esprit de Bentley. C’est un héritage important. Bentley avait une capacité technique exceptionnelle. Travailler aujourd’hui pour cette marque est donc pour moi un honneur important.

Vos futures voitures auront-elles de nouvelles solutions techniques?

Le fait que Bentley soit intégré au groupe Volkswagen ouvre évidemment de nouvelles perspectives sur le plan technique. Nos voitures sont des propulsions, mais on pourrait aussi envisager la solution des quatre roues motrices. De même, le moteur diesel ne doit pas être un tabou. Dans le futur, quand on voit le potentiel de développement réservé au diesel, il est possible que le moteur à essence soit de moins en moins accepté dans le segment de haut de gamme. De plus, le caractère d’une Bentley transparaît dans le couple offert par sa mécanique. Il y a en effet plus de couple moteur dans une Continental T que dans une Ferrari Maranello. Or les moteurs diesel sont justement très généreux dans ce domaine. Vous pouvez deviner la suite !

Les Bentley d’autrefois étaient des voitures très sportives. Vous voulez retrouver cette identité?

Il est clair que nous voulons offrir à nos clients des voitures performantes. Mais il n’est pas question pour autant de sacrifier le confort sur l’autel de la sportivité. Nous continuerons à offrir des sièges assez hauts, pour accueillir facilement les occupants. De même, nos coupés doivent être confortables pour quatre passagers. Bentley, ce n’est pas Lamborghini.

Vous roulez en Bentley?

Oh non, je conduis une Volkswagen Golf GTI dernier modèle. C’est une voiture compacte, performante, que j’apprécie beaucoup. C’est aussi, à mon sens, la plus réussie de toutes les générations de VW Golf.

Quelles sont les autres marques automobiles qui vous inspirent?

Difficile à dire. Mais j’ai énormément de respect pour le courage de Renault en matière de design. Il fallait oser faire les modèles Avantime et Vel Satis. J’en apprécie le langage des formes et la technicité. Alors que chez Bentley, nous faisons plutôt de la sculpture pour dessiner nos voitures.

Propos recueillis par Dominique Fontignies

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