Souvent confondue avec le prêt-à-porter de luxe dans le langage courant, la haute couture est en réalité une appellation juridiquement contrôlée et exclusivement française. Tour d’horizon en 10 affirmations.

N’IMPORTE QUEL CRÉATEUR DE RENOM PEUT FAIRE DE LA HAUTE COUTURE.

La haute couture est une appellation juridiquement protégée par la Chambre Syndicale de la Couture, qui a vu le jour à Paris en 1868. Seules les entreprises de mode figurant sur la liste établie chaque année par le ministère français de l’Industrie peuvent se prévaloir de ce prestigieux label. Les règles pour y parvenir sont strictes. Le couturier postulant doit notamment être parrainé par une maison de couture et présenter deux collections d’au moins vingt-cinq modèles par an. Autres impératifs : réaliser son travail intégralement à la main et uniquement dans les ateliers de la maison pour laquelle il travaille. Conclusion : pour le fil et les aiguilles, c’est oui. La Chine et Taïwan, c’est non. Certaines exceptions existent pourtant, sur base d’un avis positif de la Chambre Syndicale de la Couture.

FAUX

CES TENUES PEUVENT NÉCESSITER PLUS DE 1 000 HEURES DE TRAVAIL.

Et le travail de trois ou quatre couturières pendant un trimestre.

VRAI

UNE PIÈCE DE HAUTE COUTURE COÛTE ENTRE 10 000 ET PLUS DE 150 000 EUROS.

Vu le caractère exclusif, fait sur-mesure et à la main des modèles. Résultat : elles ne seraient que quelques centaines au monde à pouvoir porter ces £uvres d’art. La liste des clientes est évidemment secrètement gardée. On sait cependant qu’elles sont souvent épouses de magnats russes, riches Yéménites, princesses du Qatar… ou des red carpets (photo : Mélanie Laurent en Dior, Festival de Cannes 2011).

VRAI

CHANEL ET DIOR ONT INVENTÉ LA HAUTE COUTURE.

Rendons à Elizabeth II ce qui n’appartient pas à César et précisons que, paradoxalement, c’est le Britannique Charles Frederick Worth (photo) qui est à l’origine de la très française Chambre Syndicale de la Couture. Le (alors encore futur) couturier s’installe en 1845 à Paris et fonde sa propre firme au 7, rue de la Paix. D’où il révolutionnera le monde de la mode. Avant Worth, les collections étaient présentées sur des poupées circulant dans toute l’Europe. Il sera le premier à faire défiler des mannequins en chair et en os. C’est lui encore qui aura l’ingénieuse idée de doter ses créations d’une étiquette portant son nom. Lui toujours qui créera des modèles originaux, devançant la demande des clientes. Faisant de l’artisan-couturier un couturier-artiste. Ses créations restent alors réservées à l’élite de la haute bourgeoisie européenne et américaine. Il faudra attendre 1947 et Christian Dior pour que naisse le prêt-à-porter.

FAUX

LES PIÈCES DE HAUTE COUTURE SONT PRÉSENTÉES LORS DES FASHION WEEKS DE PARIS, MILAN, LONDRES ET NEW YORK.

Les grands couturiers présentent leur collection deux fois par an à Paris en juillet et en janvier, en dehors des Fashion Weeks, dédiées au prêt-à-porter (photo : backstage Jean Paul Gaultier).

FAUX

YVES SAINT LAURENT, C’EST DE LA HAUTE COUTURE.

Aujourd’hui, c’est du prêt-à-porter de luxe. Fin 1999, Yves Saint Laurent cède toutes ses activités au groupe Gucci à l’exception de la haute couture où il restera le seul et unique créateur. Il est prévu qu’après le départ professionnel de celui-ci, plus personne ne pourrait faire de la haute couture griffée Yves Saint Laurent. Deux ans plus tard, le créateur français fait ses adieux à la haute couture, qui s’arrête donc avec lui. Le 7 janvier 2002, dans sa maison du 5, avenue Marceau, il déclare devant la presse et ses proches, émus :  » Marcel Proust m’avait appris que  » la magnifique et lamentable famille des nerveux est le sel de la terre « . J’ai sans le savoir fait partie de cette famille. C’est la mienne. Je n’ai pas choisi cette lignée fatale, pourtant c’est grâce à elle que je me suis élevé dans le ciel de la création, que j’ai côtoyé les faiseurs de feu dont parle Rimbaud, que je me suis trouvé, que j’ai compris que la rencontre la plus importante de la vie est avec soi-même. Les plus beaux paradis sont ceux que l’on a perdus.  » Il termine sa carrière le 22 janvier, avec un défilé au Centre Pompidou présentant 300 modèles retraçant quarante ans de création ( photo).

FAUX

EN 2011, ON NE COMPTE PLUS QUE ONZE MAISONS DE HAUTE COUTURE.

En 1946, il existait encore 106 griffes labellisées haute couture. Aujourd’hui, elles ne sont plus que onze. Dont certaines aux noms illustres, comme Chanel, Dior (photo à gauche), Givenchy et Jean Paul Gaultier (photo à droite). D’autres, par contre, sont moins souvent évoquées en dehors du sérail, comme Adeline André, Anne Valérie Hash, Frank Sorbier, Maurizio Galante, Stéphane Rolland et, les derniers arrivés, Christophe Josse et Gustavo Lins.

VRAI

La haute couture inspire le prêt-à-porter, qui inspire les chaînes.

Et faux. Dans le film Le diable s’habille en Prada, Meryl Streep, caricature non avouée de la rédactrice en chef de l’édition américaine du magazine Vogue, l’explique à Anne Hathaway. Clairement. Le pull qu’elle porte n’est pas bleu. Il n’est pas turquoise non plus. Il est bleu céruléen.  » Je crois que c’est Yves Saint Laurent qui a créé les vestes militaires bleu céruléen. Ensuite le bleu céruléen est apparu dans les collections des stylistes et puis la tendance a influencé la plupart des grands magasins et s’est répandue dans les boutiques bon marché dans de sinistres endroits où vous avez sans doute repêché le vôtre dans un grand bac de pulls soldés.  » Conclusion : la haute couture inspire le prêt-à-porter puis se perd dans les chaînes de distribution. C’est un peu vrai. Mais trop simpliste ( Lire aussi en pages 52 à 58). Car aujourd’hui les frontières s’évaporent. Par exemple ? Karl Lagerfeld qui crée une ligne pour H&M en 2004 (photo), tout en cornaquant par ailleurs la couture et le prêt-à-porter chez Chanel et sa ligne en nom propre.

VRAI

L’ITALIEN GIORGIO ARMANI, C’EST DE LA COUTURE.

De la couture. Et non de la haute couture. Explication : chaque saison, la Chambre Syndicale de la Couture renouvelle la liste de ses  » membres invités « , c’est-à-dire des maisons de couture qui remplissent les obligations mais ne sont pas françaises. Après deux ans à ce régime-là, elles se voient attribuer le label  » couture « , car  » haute couture  » leur est interdit. Toujours. Les membres correspondants sont Giorgio Armani (photo), Valentino, la maison Martin Margiela et Elie Saab ( lire aussi en pages 68 à 74). Deux petits nouveaux se sont ajoutés cette année : Giambattista Valli et Iris Van Herpen.

VRAI

LA HAUTE COUTURE, ÇA RAPPORTE !

Quoique. Vendue à des dizaines de milliers d’euros la pièce, la haute couture reste une activité déficitaire pour les maisons. Et pourtant, elles y trouvent leur compte. Parce que la haute couture reste une vitrine. Parce que cette vitrine fait vendre le prêt-à-porter, les parfums (lire aussi en pages 76 à 79) et accessoires de la griffe. Parce que ces ventes rapportent de l’argent… qui finance aussi la haute couture.

FAUX

PAR CORALIE RAMON

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