L’une est designer, l’autre est la directrice artistique de  » petit h « , le laboratoire créatif d’Hermès. Nathalie Dewez (à gauche) et Pascale Mussard (à droite) ont conjugué leurs talents pour donner naissance à des pièces uniques réalisées à partir des rebuts du maroquinier. Chic et ludique.

« Où que vous soyez, refusez de vous embêter, dans un milieu de qualité, ce serait du gâchis  » disait Jean-Louis Dumas, le président d’Hermès. Sa nièce, Pascale Mussard, descendante directe de Thierry Hermès, fondateur en 1837 de la maison de luxe parisienne, ne l’entend pas autrement. C’est elle qui a eu l’idée de fonder  » petit h « , le laboratoire créatif de la griffe.  » C’est un lieu où la fantaisie est prépondérante car nous voulons travailler sans idées préconçues, sans barrières, avec l’impertinence que peuvent avoir les enfants, souligne la directrice artistique. Mais c’est un jeu d’enfants qui est pratiqué par des grands professionnels, guidés par un souci d’excellence.  »

Depuis 2010, cette structure dont les ateliers se trouvent à Pantin, près de Paris, édite des pièces uniques ou en série limitée, signées par des créateurs extérieurs et mises en oeuvre par des artisans de haut vol. Seul impératif : valoriser des rebuts de la maison. Un art d’accommoder les restes qui a enchanté Nathalie Dewez, l’une des dernières  » recrues  » de  » petit h  » pour lequel la designer belge a imaginé une dizaine d’opus qui seront présentés et mis en vente à Bruxelles à partir du 7 décembre prochain (*).

Aux côtés d’autres personnalités choisies par Pascale Mussard, la jeune Bruxelloise y exposera des éventails en porcelaine réalisés avec des chutes de carrés Hermès, un photophore ou des vases composés à partir d’objets destinés au pilon et provenant des cristalleries Saint-Louis, filiale d’Hermès International.  » Avec le cristal, j’ai découvert des couleurs invraisemblables, une transparence incroyable, explique Nathalie Dewez. Le niveau d’exigence de cette manufacture fait que 8 pièces sur 10 qui sortent des fours finissent à la casse à cause de défauts, parfois à peine visibles. Les pertes sont donc énormes et j’ai eu l’embarras du choix de la « matière première ». J’ai commencé par sélectionner des contenants colorés aux formes très simples que j’ai dû ensuite me réapproprier. Ce n’est pas toujours facile. Il faut s’adapter, trouver des solutions. On se remet en question, on fait des essais, on expérimente chaque étape. Par exemple, les encoches sur les bords des vases qui servent à positionner une fleur ont été façonnées autant pour des raisons esthétiques que pour éliminer la présence de micro-bulles d’air. Pour le photophore, également en cristal, on a appliqué un tramage qui modifie le trajet de la lumière et qui masque en même temps les anomalies de la pièce d’origine. La part d’aléatoire a un rôle très important.  »

Les modèles défient parfois les lois de la pesanteur, à l’image des vases multicolores érigés comme de frêles et fragiles colonnes.  » L’équilibre et l’harmonie sont vraiment au centre des préoccupations de Nathalie et c’est ce qui m’a plu chez elle, avance Pascale Mussard. On est ému et en même temps on se demande : « Comment ça marche ? Comment ça tient ? ».  »

Malgré les différences apparentes entre le sellier aux 350 points de vente et la soliste spécialisée dans la création de luminaires, les points de convergence sont multiples, insistent nos deux interlocutrices. Identique refus de l’ornement, inclination commune pour la beauté qui naît de la fonction :  » Si vous regardez les sacs Hermès, vous remarquerez qu’il n’y a aucune place pour les fioritures, tout est utile, jusqu’aux fermoirs qui sont pensés dans les moindres détails pour pouvoir être manipulés d’une seule main.  »

Après le temps de la réflexion, vient le temps de la conception. Les prototypes sont mesurés, évalués, corrigés, peaufinés avec le concours des meilleurs artisans de France.  » Ils jouent un rôle essentiel car leurs aptitudes sont très pointues, ce ne sont pas des exécutants mais des collaborateurs à part entière dont l’expérience influence directement mon travail, se réjouit Nathalie Dewez. Ils ne disent jamais « non », mais « il faut voir, essayons ». C’est très stimulant.  »

Pour le maroquinier, le labo  » petit h  » est une manière supplémentaire de perpétuer son savoir-faire tout en repoussant les limites de la création par une approche décalée.  » Nous nous mettons en situation de risque en amenant les créateurs vers quelque chose qu’ils ne connaissent pas et que nous ne connaissons pas non plus « , résume Pascale Mussard. Une terre inconnue que la designer belge définit en toute légèreté :  » « petit h », c’est une plaine de jeux, tout y est possible !  » On confirme.

(*) Les créations de Nathalie Dewez se vendront en compagnie de celles d’une quinzaine d’autres designers du 7 au 24 décembre à La Verrière Hermès, 50, boulevard de Waterloo, à 1000 Bruxelles.

PAR ANTOINE MORENO

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