Un slogan :  » Savoir-vivre révolutionnaire pour gentleman moderne « . Un cri de ralliement :  » Belle journée n’est-ce pas ? « . Un but ultime : le  » Soulèvement par le Charme qui unira tous les galants insurgés pour assurer la victoire de la Révolution par le Tweed « . Bienvenue dans le monde des Chaps – qu’on traduira par  » bons gars  » dans la langue de Robert de Montesquiou, un des maîtres absolus de cette conjuration d’anarcho-dandys hautement british. Ce mouvement aussi dingue que sérieux est né au début des années 90 à l’initiative de Gustav Temple et Vic Darkwood, déjà coauteurs du nécessaire Tour du monde en 80 martinis. Leur Manifeste Chap vient tout juste d’être traduit en français. Du coup, le phénomène pourrait bien faire tache d’huile de ce côté-ci de la Manche – le retour en masse des codes du vestiaire classique est en tout cas un terreau de premier choix pour qu’éclosent de nouveaux adeptes de cette confession cultivant l’élégance old-school au millimètre.

Leur combat ? Avec une politesse exquise et volontiers surannée doublée d’un humour délicieusement saugrenu, les Chaps sont tout bonnement décidés à éradiquer la vulgocratie ordinaire de notre société malade d’indélicatesse. Une épidémie dont les symptômes les plus graves reposent selon eux dans l’abrutissement du salariat, le règne infâme des traders aux dents limées, le prosaïsme des nouvelles technologies ou encore la malbouffe déprimante, autant de déviances responsables de  » la triste absence de joie de vivre, d’imagination et d’élégance  » qui s’abat sur nos villes. Aux tweets, les Chaps préfèrent donc le tweed, parfaitement coupé. Ils pratiquent des  » actions sporadiques de courtoisie ordinaire « ,  » s’habillent pour lire  » et cultivent un épicurisme ascétique, jusque dans la préparation rigoureuse du gin tonic et le soin apporté à leur gestuelle du fumeur – dans leur constellation, le tabac est bon pour le moral. Chaque année, ces résistants aux allures de dandy et à l’esprit dada-cool se rassemblent dans un square londonien à l’occasion des Olympiades Chaps, leur grand raout. Au programme : lancer de sandwichs au concombre, compétition du meilleur martiny dry, joutes de parapluies, concours de claques durant lequel le Chap joue au goujat devant une Chapette – le mouvement adule les femmes – qui lui assène sa plus belle gifle. Seul acte de violence toléré, dans ce monde-là on ne frappe que ses cuisses et les esprits.

Le Manifeste Chap, par Gustav Temple et Vic Darkwood, préface d’Olivier Frébourg, éditions des Équateurs, 136 pages.

BAUDOUIN GALLER

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content