Kitti Cha Sangmanee incarne la saveur et l’âme de Mariage, la plus célèbre maison de thé française. L’homme au palais raffiné se fait aussi explorateur pour dénicher les breuvages les plus rares.

En exclusivité, quelques-uns de ses secrets.

Recettes en page 54.

Carnet d’adresses en page 119.

a plus belle tasse de thé, c’est celle qui correspond à votre goût.  » Kitti Cha Sangmanee est assis dans le restaurant Mariage Frères où il aime recevoir ses invités, à l’arrière de la boutique de la rue du Bourg-Tibourg, dans le quartier parisien du Marais. Attablé devant un thon mi-cuit accompagné de jus de poivron au thé Sur le Nil, il excelle dans son rôle d’hôte, décortiquant les différentes recettes développées par le chef maison, Daniel Milliner (plusieurs d’entre elles sont également présentées dans l’édition spéciale  » Recettes de Fêtes  » de Weekend Le Vif/L’Express, sorti le 7 novembre dernier).

Auguste dame de plus de 150 ans – la maison a été fondée en 1854 – Mariage Frères ne connaîtrait pas la renommée internationale d’aujourd’hui sans Kitti Cha Sangmanee. Flash-back : 1982, un jeune homme thaïlandais de 28 ans accomplit un doctorat en droit international de la mer, à la Sorbonne. C’est alors qu’il découvre un magasin-entrepôt de thés désuet dans la rue du Cloître-Saint-Merri.  » L’endroit était encombré de caisses exotiques, se souvient-il. On y recevait, goûtait et emballait quelques-uns des meilleurs thés du monde. Rien ne semblait avoir changé depuis le xixe siècle.  »

Héritière de la dynastie Mariage, l’octogénaire Marcelle Cottin, célibataire sans enfants, travaillait assistée de Marthe, sa seule employée, chargée entre autres de coudre à la main la mousseline de coton des thés en sachets. Marthe ne se préoccupe pas de la rentabilité de l’affaire. Tout ce qui l’intéresse, c’est de livrer de la vraie qualité à quelques clients exclusifs et exigeants.

Soucieuse de l’avenir de son affaire, elle pressent qu’elle peut transmettre son savoir à ce jeune homme à la forte personnalité. C’est ainsi que va naître ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui  » L’art français du thé  » que revendique Mariage Frères. Pour l’exposer, Kitti Cha Sangmanee a besoin d’une vitrine. Il imagine un décor d’ancien comptoir, mélange de boiseries sombres sur lesquelles reposent des boîtes noires conservant le thé en vrac. Des serveurs stylés, habillés d’une veste blanche accueillent les clients. Ici on cultive non seulement l’art du service, mais on veille également à la qualité de l’eau, à la maîtrise de la température de chaque type de thé et à la durée d’infusion que l’on sert dans une gamme soigneusement choisie de théière.

Mais le véritable art de Kitti Cha Sangmanee, c’est la dégustation des thés, prémisse de leur sélection. Plusieurs mois par an, il parcourt les jardins de thés, à la recherche des perles rares qui manqueraient à son assortiment. Il peut conter des centaines d’histoires étonnantes, parfois rocambolesques, comme cette expédition qui l’amena un jour au milieu des trafiquants d’opium, dans le nord de la Birmanie que ceux-ci contrôlent entièrement.

L’art ne peut être total sans le raffinement ultime, celui de la création d’un goût, à partir de plusieurs thés.  » Pour moi, le thé est synonyme d’élégance, de raffinement, conclut Kitti Cha Sangmanee. Je compose un thé comme j’écrirais une lettre d’amour. J’aime aussi me fixer des objectifs. Je rêve, par exemple, d’arriver à un assemblage qui évoque le parfum du saké.  »

Texte et photos : Jean-Pierre Gabriel

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