Réputée jalouse de ses secrets, la marque du Britannique James Dyson nous dévoile les coulisses de sa quête de l’excellence dans une exposition d’envergure au Design Museum de Gand.

C’est l’histoire d’un homme qui a eu une idée en laquelle personne n’a cru et qui a vu, une par une, toutes les portes se refermer. D’aucuns auraient douté du potentiel de leur invention. Pas James Dyson, qui développera lui-même ses aspirateurs sans sac révolutionnaires, fermement convaincu que le public finirait par en reconnaître les mérites. Et après des décennies d’efforts enfin récompensés, James Dyson a réussi la prouesse de transformer en objet de désir un appareil ménager. Ses aspirateurs, mais aussi sèche-mains, chauffages et ventilateurs ont envahi pas moins de 65 pays, détrônant progressivement des leaders pourtant bien implantés sur le marché. Et transformant des flux d’air en or, car cette success-story planétaire, à découvrir au Design Museum de Gand, a fait du petit gars du Norfolk un self-made-man milliardaire.  » Prototypes, coupes transversales, schémas techniques, mais aussi machines de test et cahiers de notes confidentiels, la plupart des choses montrées ici sont rendues publiques pour la première fois, tient à préciser Tim Sexton, directeur artistique de la marque, curateur de l’exposition et compagnon de route de James Dyson depuis une vingtaine d’années. Pour des raisons de sécurité, certaines pièces sont authentiques et d’autres fidèlement reproduites. Et l’antique aspirateur DC01, exposé en début de parcours, est le mien. Un modèle d’époque encore totalement fonctionnel.  »

Outre une infinie patience et une totale intransigeance quant à la qualité, la méthode Dyson repose sur trois piliers : investir massivement dans la recherche, contrôler chaque étape en interne de la conception et de la mise au point et enfin, miser sur la jeunesse, lui offrir cette chance que tant lui ont jadis refusée. Soit une manière unique de conjuguer le fun et l’esprit pionnier. Démonstration avec Nick Schneider, 25 ans et ingénieur-concepteur pour le département RDD – Recherche, Design et Développement – et plus spécifiquement sur les NPI – New Products Innovations, les innovations de nouveaux produits pour la marque.

Que pensez-vous de l’idée de monter une telle exposition ?

Selon moi, c’est une belle opportunité de donner un aperçu du monde de l’ingénierie telle qu’elle est pratiquée chez nous, de montrer les expériences et les process que nous appliquons pour développer notre technologie. C’est la première fois que cela est présenté au public, nos mesures de sécurité sont d’ordinaire très élevées. Nous sommes très fiers de nos résultats, mais nous devons absolument protéger notre propriété intellectuelle (NDLR : rappelons qu’en octobre 2012, Dyson accusait Bosch d’espionnage industriel). C’est pourquoi nos installations sont très secrètes, totalement fermées à la presse et au public. Au début, on trouve un peu bizarre de scanner l’empreinte de son pouce pour y accéder, mais on s’y habitue très vite. Un accord de confidentialité nous interdit formellement de révéler le moindre détail sur nos activités et il est arrivé que je doive taire la nature de mon job. Heureusement, la plupart du temps, cela finit par se traduire par la sortie d’une nouvelle machine et là mon travail paraît tout de suite plus concret. Et je peux dire,  » C’est ça que je faisais pendant tout ce temps !  »

Qu’est-ce qui rend Dyson si atypique ?

Nous résumons notre ethos et notre philosophie par  » Wrong thinking « , penser  » mal « , ou du moins  » de travers « . Dès lors, nous n’avons pas peur de l’échec. Un projet peut capoter, ce n’est pas grave, le principal est d’essayer, d’explorer de nouvelles idées. Certaines de nos technologies les plus significatives sont nées de ces efforts. C’est aussi une question de persévérance, un refus de se contenter du minimum. Par exemple, quand nous avons dévoilé l’Air Multiplier 01, les gens l’ont trouvé génial, il marchait très bien, mais nous n’étions pas encore satisfaits. On avait mis au point le tout premier ventilateur sans pales, un truc révolutionnaire, mais ça n’était pas assez. On voulait aller plus loin, l’améliorer. Alors on a planché sur l’acoustique afin de réduire le bruit et nous y sommes parvenus.

Quels rapports entretenez-vous avec James Dyson ?

Il vient lui-même, presque tous les jours, en Recherche, Design et Développement. Il s’intéresse à tout, et de très près. C’est véritablement lui qui incarne cette attitude propre à l’entreprise, qui est partagée par l’ensemble des ingénieurs. Il est un exemple pour nous tous. Il nous motive, il nous pousse à être ambitieux, à viser haut. On veut toujours aller de l’avant.

Comment expliquer que l’aspirateur DC soit devenu un objet culte ?

L’explication est double : d’une part, le design des aspirateurs n’avait pas changé depuis à peu près un siècle. D’autre part, nous avons utilisé une technologie inédite : en refusant la contrainte du sac, le DC est devenu le premier aspirateur qui conserve toute sa puissance, vous avez sûrement déjà entendu ça quelque part (rires).

Avez-vous déjà abandonné des produits ?

Il y a une quinzaine d’années, le DC06, le premier aspirateur-robot a failli être mis en production, avant que tout soit suspendu. C’est une idée que nous avons gardée sur le côté, en continuant à la développer, parce que nous croyons fermement en son potentiel. Mais nous ne voulions pas la lancer sur le marché avant d’être entièrement contents de ses performances. On a donc continué à le faire évoluer, sous différentes formes, jusqu’à aujourd’hui. Alors disons qu’on n’abandonne pas vraiment nos projets, on attend patiemment d’en avoir une connaissance et une compréhension suffisantes pour surpasser ce qui existe chez la concurrence.

Prototypes et maquettes – parfois très rudimentaires – semblent avoir une importance déterminante dans la conception de vos produits. Or, on n’imagine pas forcément des ingénieurs de haut niveau jouer avec du carton, enfin quand je dis  » jouer « …

Mais c’est très juste, il y a une part de jeu, une dimension plus fun ! Notre manière de fonctionner est unique, notamment par ce recours systématique aux prototypes. Aujourd’hui, avec l’impression 3D, des modèles physiques peuvent être testés en situation réelle suivant n’importe quel scénario, c’est une source d’information absolument vitale. Le carton nous permet de faire des essais très rapidement : en à peine une heure, on a bricolé une maquette qui sert de base à la discussion avec l’équipe. En peaufinant l’idée étape après étape, on peut la revoir peut-être cinq fois sur la même journée, et donc faire progresser un concept d’un jour à l’autre.

Dyson valorise la jeunesse au sein de son entreprise, mais également en dehors…

Oui, nous collaborons avec des universités dans tout le Royaume-Uni, cela fait partie intégrante de notre démarche. La Fondation James Dyson va dans le même sens, elle a pour mission d’inspirer les jeunes talents et de les encourager à embrasser une carrière dans l’ingénierie. En interne, nous avons des événements importants, comme le Challenge Dyson qui demande aux équipes de construire une machine avec un cahier des charges plus ou moins précis. L’an dernier, c’était un engin volant, capable de négocier des trajectoires compliquées et de marquer des points. C’est une compétition formidable, qui nous donne l’occasion d’exprimer nos aptitudes techniques et créatives en dehors de nos produits habituels, tout le monde est super motivé. On adore vraiment ce genre d’activités, ça contribue à faire de Dyson une boîte à part. Même chose pour la traditionnelle soirée de Noël, qui réunit un millier de personnes, toutes déguisées suivant un même thème. Certains passionnés mettent des mois à fignoler leur costume, le résultat est complètement dingue. Et le jour J, c’est évidemment James Dyson qui décide du vainqueur et lui remet son prix.

Quel est ce prix ?

Je n’en sais rien, je suppose que seul le gagnant est au courant. En 2013, c’est un aigle articulé avec des ailes de 4 mètres d’envergure qui a été primé. Si je remporte l’épreuve l’année prochaine, promis, je vous dirai ce que c’est !

Dyson – Secrets révélés, Design Museum de Gand, 5, rue Jan Breydel, à 9000 Gand. www.designmuseumgent.be Jusqu’au 7 juin prochain.

PAR MATHIEU NGUYEN

 » Révolutionnaire ? Ce n’est pas encore assez !  »

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