A quatre mains, l’architecte Alain Borgers et l’architecte d’intérieur Anne Derasse ont rénové, remodelé et décoré cet espace impressionnant. Patiemment et avec beaucoup de talent, ils en ont fait un havre de paix lumineux et serein.

Carnet d’adresses en page 107.

C’ est un scénario très en vogue. Un bâtiment semi-industriel (ici, il s’agit d’une ancienne imprimerie), laissé à l’abandon pendant des années, sauvé à la dernière minute par une opération immobilière, est  » retapé  » sommairement, puis revendu, plateau par plateau. Les trois niveaux supérieurs, aux belles dimensions, ont trouvé rapidement des acquéreurs. Le rez-de-chaussée, en revanche, ne trouvait pas d’amateur.  » Il était vraiment dans un état lamentable, personne n’en voulait, sourit le maître des lieux. Moi, j’ai eu un coup de foudre immédiat pour ce volume de 300 m2 et pour sa hauteur sous plafond de 4 mètres. Trouver un espace pareil au c£ur de Bruxelles, c’est vraiment exceptionnel.  »

Le nouveau propriétaire, séduit par une rénovation effectuée à l’étage par l’architecte Alain Borgers, décide de lui confier  » son  » chantier, énorme et difficile. Il a fallu du temps, pour démolir toutes les cloisons, tout vider et mettre l’espace à nu. Pour commencer, l’architecte a abordé le problème de la lumière. Il a été décidé de réunir les chambres, les salles de bains, la buanderie et le vestiaire, dans un bloc compact près de l’entrée. De ce fait, seules les chambres bénéficient de la lumière de la rue. En installant des impostes vitrées au-dessus des cloisons des chambres, la lumière naturelle pénètre également dans les autres pièces. Dans l’espace principal, il était impossible de percer de nouvelles fenêtres et il a fallu jouer avec les deux façades latérales, éclairées faiblement par des panneaux de verre martelé. Celui-ci a fait place à du verre transparent.  » Dans la façade latérale à droite, j’ai fait démolir les allèges pour agrandir les fenêtres et augmenter ainsi l’apport de la lumière, explique Alain Borgers. En face, la façade a été reculé de 1 m 90 ce qui m’a permis de construire un mur entièrement vitré et de créer, à l’extérieur, un jardin minéral. Avec l’accord des propriétaires du premier étage, on a également démoli une partie du plafond. Remplacé par un pan oblique, il augmente davantage la luminosité.  »

Dès l’entrée, on est frappé par l’extrême sophistication des détails. Les murs sont tapissés de panneaux de multiplex rainuré, peints en gris anthracite. La ressemblance aux blocs de pierre est frappante. Pour isoler le hall d’entrée, l’architecte a trouvé une solution légère et originale sous forme de ce paravent en résille métallique. Les courbes douces de cette ellipse aplatie, pivotant à 360°, créent un beau contraste avec les lignes droites et affirmées : les trois colonnes porteuses qui soulignent la verticalité et puis, ce magnifique plancher en chêne qui file tout droit vers la cheminée et allonge la perspective.  » Les planches ont toutes la même grandeur et ont été biseautées, précise l’architecte. En effet, le bois bouge. Or, quand il est biseauté, on le voit moins. Et puis, cette finition accentue davantage la géométrie des lieux.  » Après une longue réflexion, on a décidé de placer le chauffage dans le sol.  » Ce type de chauffage a fait d’énormes progrès, poursuit Alain Borgers. Il existe aujourd’hui un système à basse température qui ne présente plus d’inconvénients pour la circulation. En revanche, il a deux avantages certains : la chaleur est uniforme et il est possible de le régler de façon à avoir chaud jusqu’à 2 mètres de hauteur. Puis l’air se refroidit.  »

Lorsque le chantier a pris une forme  » humaine « , les opérations ont été poursuivies par l’architecte d’intérieur Anne Derasse. La jeune femme a étudié la lumière artificielle, a dessiné tout le mobilier intégré ainsi que la cuisine et a choisi les palettes chromatiques.  » Dans mon travail, je vise toujours une symbiose parfaite avec l’architecture, souligne-t-elle. Le mobilier sur mesure est pensé en tant que volume faisant partie intégrante de l’architecture, plutôt que comme des éléments décoratifs ajoutés.  » La cuisine, quasi invisible, est traitée en mural sol-plafond et se fond dans le mur. En face, un comptoir servant de plan de travail et de rangement évoque un pan de muret bas. Dans le mur du fond, Anne Derasse a fait installer un manteau de cheminée très long qui accentue la perspective en ligne fuyante. Les extrémités accueillent des rangements, des bibliothèques, le meuble audio et télé.

Les sources lumineuses, très sophistiquées, soulignent l’architecture. Dans le hall d’entrée, les spots balisent le bas des murs et canalisent la direction. Dans la pièce à vivre, des faisceaux insérés dans le sol, mettent en valeur la verticalité des colonnes porteuses. Au plafond, au-dessus de la cuisine et de la salle à manger, Anne a placé deux longs profils, perpendiculaires aux poutres, pour accentuer la fuyante de la perspective vers le fond. Pour l’ambiance, quelques classiques du design italien (des liseuses Tolomeo d’Artemide, des lampadaires Mite Terra de Foscarini ou des lampes à poser Costanza de Luceplan) ont été disposés çà et là. Tout le mobilier û canapés, table basse, table de la salle à manger û affiche des dimensions XXL, indispensables dans ce volume impressionnant. Les courbes voluptueuses de la chaise longue vert fougère adoucissent agréablement la géométrie rigoureuse. Dans la chambre, les étoffes des tentures, le linge de lit et le plancher teinté ébène créent une ambiance raffinée, sombre et intime. Bref, cette composition à quatre mains joue fortissimo les notes d’élégance, d’harmonie et d’intemporalité.

Barbara Witkowska

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