Depuis plus de quinze ans, l’acteur et metteur en scène Bernard Yerlès oscille entre Paris et Bruxelles. Entre les planches et la télé aussi. Portrait balancé.

C’est certainement un truc qui lui vient du théâtre. Cette manière articulée, posée, de parler des choses. Puis d’entrer tout à coup, gouailleur, en mode impro, pour évoquer ses premiers rendez-vous à Paris – on a presque oublié aujourd’hui qu’il fallait plus de trois heures, changement de locomotive compris, pour y aller – où l’attendait il y a des années de cela un pseudo agent un peu trop coké. Rien d’étonnant finalement lorsque l’on sait que c’est sur les planches que Bernard Yerlès, l’acteur, s’est d’abord révélé.  » Pour moi, c’était une forme d’engagement, lâche ce fils de profs de français, biberonné au théâtre d’Ariane Mnouckine, de Peter Brook et de Martine Wijckaert. J’avais 19 ans quand je suis entré à l’Insas (Institut national supérieur des arts du spectacle), je rêvais de faire la révolution de l’esprit. La vie se charge de vous enseigner que les choses sont plus compliquées qu’on ne l’imagine. Qu’il faut aussi apprendre à gérer cette part d’égo qui vous anime et vous construit, cette envie de célébrité, d’avoir du succès, d’être aimé… que tout le monde recherche au moins une fois dans sa vie.  »

Connu, au sens plus people du terme, Bernard Yerlès l’est devenu surtout grâce à ses rôles récurrents à la télévision : un flic par-ci, un papa poule par-là, une flopée de jeunes premiers à mèche blonde dans les  » sagas de l’été « , un flic toujours, mais d’un autre genre, un flic encore mais belge cette fois, un vendeur de voitures vintage un peu bling-bling… la liste s’allonge avec constance depuis plus de vingt ans.  » Cette année a été très Bruxelloise jusqu’ici, détaille celui qui garde pour sa ville natale une affection toute particulière. J’ai enchaîné le tournage de la deuxième saison de la série A tort ou à raison avec celui d’un documentaire sur les 100 ans de la Première Guerre mondiale qui sera diffusé début 2014 sur la RTBF. A partir de septembre prochain, je retourne à Paris pour la quatrième saison de Mes amis, mes amours, mes emmerdes pour TF1. Je suis un vrai « Thalysien » ! J’ai toujours aimé me partager entre les deux villes. En France, les notions de vedettariat, de star système et la pression des audiences sont beaucoup plus prégnantes. Mais j’y ai vécu des aventures merveilleuses qui m’ont permis de voyager un peu partout dans le monde et de jouer de très beaux personnages. En Belgique, j’ai le sentiment que l’on peut travailler avec plus de sérénité. On ose aussi l’ancrage local. A tort ou à raison raconte Bruxelles et la Wallonie, avec un souci de réalisme que n’ont pas toujours les fictions françaises qui cherchent à tout prix à fédérer.  »

Conforté par son statut de star du petit écran et les confortables cachets qui vont de pair, Bernard Yerlès peut s’offrir le luxe de revenir au théâtre, régulièrement. Il y a deux ans, il a même tenté l’aventure du Festival d’Avignon avec 84, Charing Cross Road dont il assurait la mise en scène (1). Fin 2014-début 2015, c’est dans la peau du Dom Juan de Molière qu’il foulera la scène du théâtre du Parc.  » J’aime aussi cette rencontre directe avec le public, assure-t-il. On se rend compte finalement que quelle que soit la salle, que l’on soit à Paris, à Bruxelles ou dans une petite ville de province, les gens qui viennent vous voir vous regardent aussi au cinéma ou à la télévision. Nous avons tous le droit d’avoir envie de plusieurs choses : un jour de lire un philosophe, le lendemain de s’avachir dans son canapé pour jouer à un jeu débile. L’important dans notre métier, c’est d’essayer d’aider les gens à aller un peu plus loin, de les pousser dans leurs retranchements en leur donnant de l’émotion. Si le fait que je sois un peu connu peut amener certaines personnes à regarder le documentaire de Michel Mees et Marianne Sluszny auquel j’ai participé, je serai en tout cas très content.  » Plus qu’une voix off, l’acteur y incarnera véritablement le narrateur d’une saga de 180 minutes compilant témoignages de poilus, images inédites et reconstitutions.

En attendant sa diffusion, Bernard Yerlès se sera glissé une fois de plus dans la peau de Fred Marciani,  » énervant, menteur, un peu lâche mais avec un bon fond  » comme décrit dans le pitch officiel de la série de TF1.  » Je le retrouverai avec plaisir, conclut-il. Redevenir Fred, c’est une attitude conditionnée par des petits réflexes. Une chaînette, une bague, une gourmette, une manière de porter sa chemise ouverte, une façon de parler, ça revient très vite. Un peu comme au théâtre, finalement.  » Un éternel recommencement.

(1) Après avoir tourné pendant deux ans, le spectacle passera par Woluwe-Saint-Lambert, à Wolubilis, le 2 avril 2014. www.wolubilis.be

PAR ISABELLE WILLOT

 » EN BELGIQUE, J’AI LE SENTIMENT QUE L’ON PEUT TRAVAILLER AVEC PLUS DE SÉRÉNITÉ. ON OSE AUSSI L’ANCRAGE LOCAL.  »

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