Barbara Witkowska Journaliste

Les ateliers olfactifs de Thierry Mugler sont une mine d’informations sur les parfums. Le tout dernier en date, en collaboration avec l’Ecole Ritz Escoffier, à Paris, marie les richesses de la parfumerie et de la gastronomie. Weekend a testé cette nouvelle initiation à la volupté.

Le marché est inondé de parfums. Chaque année, environ 350 fragrances débarquent dans les parfumeries. On invente de nouvelles familles (oriental frais ou floral fruité) et de nouvelles notes olfactives : gourmandes, marines, aquatiques, solaires ou mystiques. Notre odorat est titillé en permanence, sollicité de plus en plus. Mais savons-nous tous faire la différence entre la note de tête et la note de fond d’un parfum, sommes-nous capables de distinguer l’ambre, le musc et le patchouli, pouvons-nous dire comment fonctionne l’odorat et pourquoi un tel parfum nous émeut profondément, tandis qu’un autre nous indiffère ? Thierry Mugler a eu l’idée de lancer, en 2004, trois stages pédagogiques. Objectif ? Combler nos lacunes, peaufiner nos connaissances, nous transmettre le savoir-faire du patrimoine olfactif et partager avec nous, en toute simplicité, sa passion pour le parfum.

Une précision importante : ici, on ne fait pas la promotion des parfums Thierry Mugler. Accessibles à tout le monde, les ateliers attirent les amoureux des fragrances, les novices, les amateurs et tous les curieux qui ont soif de connaissances. Ces voyages olfactifs s’étalent sur une à quatre journées et sont animés par des spécialistes de l’univers du parfum.  » Passion-Nez  » dévoile le fonctionnement du système olfactif.  » Les Secrets de la Création olfactive  » lève le rideau sur la naissance d’un parfum et, enfin,  » La Saga des parfums  » passe en revue quatre mille ans d’histoire des fragrances. Les  » cours  » sont donnés dans un endroit magique au siège de la société Thierry Mugler, avenue de l’Opéra, à Paris, dans une pièce somptueuse, aux allures de salle de bal, décorée de mannequins habillés des modèles vintage haute couture. L’ambiance y est créative, interactive, ludique et passionnante.

Rapidement, les ateliers ont suscité l’intérêt. Le bouche-à-oreille s’est mis à fonctionner et leur concept a vivement intéressé Didier Steudler, chef enseignant de l’Ecole Ritz-Escoffier. Ouverte en 1988, au sous-sol de l’hôtel Ritz, place Vendôme, cette école très chic est l’endroit où tous les fins gourmets (il y a plus d’hommes que de femmes !) se donnent rendez-vous pour apprendre à préparer des plats de grande qualité, à la fois sophistiqués et simples ou encore s’initier aux secrets du foie gras et de la truffe. Didier Steudler s’est dit que si la grande cuisine nous séduit par ses parfums les plus appétissants, certains grands parfums, eux, évoquent les mets les plus subtils. D’où son idée d’organiser une rencontre entre deux noms prestigieux du luxe, en mettant sur pied un nouveau (et quatrième) atelier. Baptisé  » Le Dîner olfactif « , il combine les secrets des parfums et de l’art culinaire. C’est l’atelier que nous avons testé.

Tous les sens en éveil

Vers 18 heures, les participants (l’atelier réunit 12 personnes au maximum) se rencontrent autour d’une flûte de champagne. Nous faisons connaissance avec Patty Canac. Expert en parfums et en odeurs, elle enseigne à l’Isipca (Institut supérieur international du Parfum, de la Cosmétique et de l’Aromatique) et fait du coaching olfactif pour de grandes sociétés. Pour commencer, notre  » prof  » nous parle des saveurs principales : le salé, le sucré, l’amer et l’acide. Cette palette gustative est établie dès le départ. Elle est donc innée. Ensuite, tout est une question d’apprentissage et le goût se construit depuis la petite enfance. Nos préférences gustatives sont orientées par notre culture et par notre environnement social. Quelques exemples ? Les Chinois raffolent de l’£uf de cent ans. Un £uf qui a séjourné cent jours dans le sol ou dans une jarre, entouré de cendres. Sa consistance est assez gélatineuse. Son goût, fumé et très fort, est assez rébarbatif pour les papilles occidentales. Que pensez-vous d’un £uf de canard contenant l’embryon ? Difficile à avaler… Pourtant, pour les Vietnamiens, il s’agit d’un mets de choix.

Puis Patty Canac explique comment agit le goût. Tous les sens y sont impliqués : la vue, bien entendu, l’ouïe (on se méfie d’une coupe de champagne qui ne pétille pas…) et l’odorat. Enfin, intervient la langue avec son système ultrasophistiqué de papilles gustatives. Le goût et la rétro-olfaction sont fortement liés. Nous apprenons que la saveur sucrée est ressentie à la pointe de la langue, tandis que les saveurs acides se perçoivent sur les parties latérales de la langue. Cela dit, nous ne sommes pas égaux devant les saveurs. Certains sont plus  » sucrés  » que  » salés  » tout comme certains ont un nez plus sensible que d’autres. Pour terminer, Patty Canac nous dévoile, par l’intermédiaire d’un jeu olfactif, le dîner que nous allons préparer nous-même au Ritz. Didier Steudler essaie de trouver des correspondances entre le parfum et les arômes alimentaires suivant le marché et les saisons. Les menus varient donc sans cesse. Celui de ce soir est inspiré par le parfum masculin A-Men de Thierry Mugler, ses accords boisés et orientaux, ainsi que ses notes gustatives de chocolat.

Vers 20 h30, nous sommes accueillis dans les cuisines de l’Ecole Ritz-Escoffier par le chef et son assistante Karine Mirisch. Tous les participants ceignent un grand tablier et se mettent au travail. Au menu ? Canard aux senteurs des bois et crème chocolat parfumée à la fève tonka. Il faut laver et couper les champignons, préparer la farce, garnir les filets de canard avec les champignons, puis recouvrir les filets avec de la crépine. Le chef distribue gentiment les taches, explique et commente chaque geste, répond à toutes les questions. Faire de la grande cuisine, n’est finalement qu’un jeu. L’ambiance est bon enfant. Quand tout est prêt, nous prenons place autour de la grande table, dans la cuisine. Le repas est succulent. On l’accompagne, au choix, avec du vin ou du champagne, les deux excellents. Tous les participants repartent avec un  » diplôme  » certifiant qu’ils ont suivi  » un cours de gastronomie française « . Il sera du plus bel effet dans la cuisine. A la fin de la soirée, chacun a l’impression d’avoir appris plein de choses et d’avoir pénétré l’univers fascinant de la parfumerie du luxe et de la haute gastronomie.

Carnet d’adresses en page 68.

Barbara Witkowska

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