FÉMINISTE EN TALONS HAUTS

Sous des dehors très glam, Jessica Chastain affiche des convictions féministes tranchées et défend l'égalité des genres au cinéma. © STEPHANE CARDINALE / PIAGET

Elle figure parmi les célébrités hollywoodiennes les plus en vue du moment et sera à l’affiche de plusieurs films très attendus ces prochains mois. Mais l’ambassadrice de Piaget est aussi une actrice engagée, qui défend l’égalité des sexes, notamment sur grand écran.

En 2017, en plus d’être à l’affiche du prochain Xavier Dolan, The Death and Life of John F. Donovan, Jessica Chastain sera aux côtés du Belge Johan Heldenbergh dans The Zookeeper’s Wife, l’adaptation au cinéma du best-seller éponyme de l’Américaine Diane Ackerman. Ce long-métrage raconte comment, durant la guerre, un directeur de zoo à Varsovie a réussi à cacher des juifs dans les cages de son parc pour les protéger des nazis. Véritable exploit dans le contexte hollywoodien actuel : les femmes représentent 20 % de l’équipe du film et occupent les postes clés de réalisatrice et productrices.  » Je n’ai encore jamais travaillé sur un plateau si féminin « , observait fin 2015 l’actrice dans un essai sur les inégalités de genre publié en ligne (*). Elle y révélait également l’ampleur du problème dans le septième art :  » Pour ce tournage, nous étions très loin de la parité, mais c’était déjà un mieux considérable par rapport à d’habitude. Les deux sexes doivent être correctement représentés, car une suprématie de l’un ou de l’autre crée rapidement un environnement malsain. Quand on est la seule fille à bord, on a parfois l’impression d’être un objet sexuel.  » Forte de cette conviction, elle a récemment contribué à la création de Freckle Films, une société de production 100 % féminine, que ce soit pour les jobs de technicienne, assistante ou encore camerawoman… Depuis peu, elle siège par ailleurs, comme Juliette Binoche ou Queen Latifah, au conseil d’administration de We Do It Together, une organisation qui veut renforcer le pouvoir de la gent féminine à l’écran.

Il faut dire que son combat ne date pas d’hier. Son rôle de Maya, une jeune agente de la CIA, dans Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow, consacré à la traque d’Oussama Ben Laden, lui a valu une nomination aux Oscars, en 2013, et lui a ouvert les portes de la gloire à l’âge de 35 ans, soit relativement tard selon les normes du secteur. Celle qui n’était encore il y a quelques années qu’une illustre inconnue affiche aujourd’hui à son palmarès des collaborations avec Al Pacino, Ralph Fiennes, Terrence Malick ou Christopher Nolan… Certains la présentent même comme la nouvelle Meryl Streep ! Mais même avant d’être  » bankable « , la comédienne sélectionnait déjà les propositions et avait par exemple décliné des blockbusters comme IronMan 3, le rôle des femmes dans cette saga manquant de consistance.  » Si le personnage féminin n’est pas aussi intéressant que son homologue de l’autre sexe, très peu pour moi, affirmait-elle dans le magazine culturel britannique Radio Times. Les maisons de production veulent souvent entourer les filles de caractère d’une aura de sexualité et ne trouvent rien de mieux que de les enfermer dans des combinaisons ultramoulantes… qui sont pourtant loin d’être indispensables ! Prenez Ripley dans Alien, jouée par Sigourney Weaver. Elle parvient à être extrêmement sexy en jeans, tee-shirt… et presque sans maquillage. Ce qui la rend attirante, c’est son attitude. Idem pour Jennifer Lawrence dans The Hunger Games. Et elle n’est pas en catsuit !  »

L’ART DE LA RÉPARTIE

Au total, sur les vingt-deux longs-métrages auxquels elle a participé, quatre ont été réalisés par des femmes, un joli score lorsqu’on sait que Hollywood ne compte que 7 % de réalisatrices.  » Elles se voient aussi offrir moins d’opportunités « , affirme-t-elle dans son essai, égratignant par la même occasion le réalisateur de Jurassic World, Colin Trevorrow, qui avait laissé entendre sur Twitter que les collaborations avec les grands studios n’intéressaient pas forcément ses consoeurs.  » Ce sont des cinéastes avec une vraie voix et des histoires à raconter, qui ne font pas nécessairement intervenir des super-héros, des navettes spatiales ou des dinosaures « , avait-il déclaré en réponse à la question d’un fan.  » C’est un argument bidon, rétorque la jolie rousse. Quand je leur demande si elles aimeraient mettre sur pied un projet de ce calibre, elles répondent toutes par un  » oui  » retentissant. Cela montre combien le malaise est profondément enraciné. La situation doit évoluer. Nous sommes au XXIe siècle !  » Ce franc- parler, son collègue Russell Crowe en a également fait les frais, lui qui affirme que les actrices d’un certain âge ne doivent pas se plaindre du peu de rôles disponibles, le problème étant plutôt qu’elles préfèrent incarner des héroïnes plus jeunes.  » Les personnes qui prétendent qu’il y a pléthore de personnages pour les femmes de 50-60 ans ne doivent pas mettre souvent les pieds au cinéma « , a-t-elle asséné au comédien.

Quant à son ex, Ned Benson, elle a réussi à lui faire prendre sa voie… Lorsque ce dernier l’a contactée pour jouer l’un des rôles principaux dans son premier opus, The Disappearance of Eleanor Rigby, elle a accepté à la condition explicite qu’il adopte une perspective à la fois masculine et féminine pour relater l’histoire, celle d’un couple qui a perdu son bébé. Le script original se concentrait surtout sur le vécu de l’homme… mais la néo-féministe dans l’âme a si bien argumenté que son ancien compagnon a finalement décidé d’en faire deux longs-métrages, Him et Her, qui exposent chacun l’histoire de l’un des partenaires.  » Comme de nombreux films se focalisent sur ces messieurs, le public reste parfois un peu sur sa faim, a commenté Jessica Chastain dans plusieurs medias. La répartition mérite d’être plus équitable. Nous représentons tout de même la moitié de la population !  »

(*) www.hollywoodreporter.com/features/jessica-chastain-pens-essay-female-845818

PAR NICOLE DEWULF

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