On raconte que c’est parce qu’elle admirait les demoiselles un brin excentriques mais tellement chics qu’elle a côtoyées dans sa jeunesse que Miuccia Prada a lancé Miu Miu, petite soeur de la griffe développée par sa famille à Milan dès 1913. Et à observer l’hiver de cette seconde ligne, qui se positionne comme plus abordable, on accorde volontiers du crédit à l’anecdote. A titre d’exemple, prenez ce mocassin jaune poussin en cuir verni, avec sa large boucle carrée et son talon qui s’évase vers le bas. Idem pour ces manteaux au-dessus du genou, ces jupes en A, ces sacs portés à la main et ces imprimés géométriques qui s’entrechoquent dans un tourbillon de pastels acidulés. Difficile de décliner plus littéralement une certaine image des années 70, fraîche, pop, joyeuse et colorée. Précisément celle qui doit correspondre à l’âge tendre de la créatrice. Mais le formidable engouement pour cette période, sorte d’utopie consolatrice qui s’imposerait à nouveau dans la mode pour nous faire oublier tant la grisaille et le froid que la crise et l’actualité plombée, dépasse celles et ceux qui l’ont vécue ados. Toute une génération de directeurs artistiques venus au monde pendant les seventies, et dont on peut parier qu’ils n’avaient alors pas grand-chose à dire dans leurs choix vestimentaires, y puisent également leur inspiration. Souvent sans rien rejeter de ce qu’elles ont pu offrir de plus ludique, quitte à verser parfois dans le kitsch. Felipe Oliveira Baptista, aux commandes de Lacoste, fait ainsi défiler un mec en survêtement rouge barré d’un  » René did it first  » – référence au champion qui conçut la marque -, avec bandeau en tissu éponge élastique sur le front. Pour Carven, Guillaume Henry, né en 1978, manie prints fleuris et mules à semelles compensées avec dextérité. Nicolas Ghesquière, chez Vuitton, fait du col roulé orange et du blouson en fourrure des pièces fortes de la saison. Quant à Alessandro Michele, qui a succédé cette année à Frida Giannini chez Gucci, il marie blouses à lavallières évoquant Belle de jour, combinaisons et lunettes en écaille pour dessiner des silhouettes inédites, dont la presse a salué la modernité tout en qualifiant ce style de  » grannified « , qui pourrait se traduire par quelque chose comme  » mémérisé « . En d’autres mots, pour être à l’avant-garde, soyez ringard. Et n’hésitez pas à faire un tour par la garde-robe de votre grand-mère, qui regorge peut-être d’accessoires à la pointe de la tendance.

Delphine Kindermans

Une utopie consolatrice qui s’imposerait à nouveau dans la mode.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content