Élevée dans la culture du bel objet, Olivia dirige depuis 2007 l’agence Andrée Putman fondée par sa mère. Et rêve de mettre les codes du célèbre studio de création parisien à la portée du plus grand nombre. Sans les brader pour autant.

Le destin aime parfois se perdre dans les chemins de traverse. Et l’on ne sait pas toujours ce qui le pousse à revoir sa copie. Après avoir poliment décliné, pendant des années, le rôle de la  » fille de… « , condamnée à faire carrière dans l’ombre des créations de sa mère, Olivia Putman s’est pourtant décidée à reprendre le flambeau. C’est elle qui dirige aujourd’hui le studio de création familial. Et pérennise, à sa manière, les codes Putman.  » Un beau jour, ça s’est imposé à moi comme une évidence, confie-t-elle. On ne sait jamais très bien dire ce qui provoque les grands déclics de l’existence. « 

À plus de 85 ans, la grande dame du design français a désormais passé le témoin à sa fille, autodidacte comme elle.  » Ma mère était musicienne avant d’être architecte d’intérieur, rappelle celle qui vient par ailleurs d’être nommée directrice artistique de la maison Lalique. Moi j’ai étudié l’histoire de l’art avant de devenir paysagiste.  » Pendant deux ans, la jeune femme – elle a alors un peu moins de 30 ans – se fait les dents aux côtés de Louis Benech, en charge de la restauration du jardin des Tuileries, à Paris. Avant de travailler pour sa mère, déjà.  » Elle et moi, nous avons toujours été dans l’échange, insiste Olivia Putman qui n’est pas près d’oublier les séjours passés à New York – elle fut l’amie intime de Jean-Michel Basquiat (1960 – 1988), figure emblématique de la figuration libre – à squatter le canapé de la suite occupée par sa mère à l’hôtel Morgans. Toute ma vie j’ai été nourrie par son travail. Mais c’était beaucoup moins écrasant que ce que les gens pouvaient imaginer. « 

Élevée dans la culture du bel objet, Olivia ne grandit pas dans une maison showroom où seuls les prototypes maternels auraient droit de séjour.  » Maman avait horreur du total look, raconte l’héritière. Ce qu’elle aimait, c’était faire dialoguer les époques, rapprocher une boule en cristal d’une sculpture contemporaine ou d’un Anubis égyptien. Il n’y avait jamais assez de verres bleus ni de services en barbotine à la maison. Elle collectionnait aussi de manière quasi obsessionnelle les petits meubles en bambou chinois. Elle nous envoyait en mission, mon frère et moi, dans les allées des marchés aux puces. « 

Loin de la recherche du luxe à tout prix, c’est davantage le confort de l’£il, le souci du détail et des finitions qui importent à Andrée Putman que l’on a, à tort sans doute, trop longtemps taxée d’élitisme. N’a-t-elle pas réussi à faire poser sur les murs des salles de bains du Morgans de simples carrés de grès cérame en lieu et place du marbre que l’on trouvait alors dans les palaces ?  » Le style Putman, c’est comme un grand alphabet dans lequel nous pouvons toujours puiser, explique sa fille. Mais c’est aussi beaucoup d’écoute, des gens et des marques avec lesquels nous allons travailler. Afin de deviner ou d’anticiper leurs désirs.  » Qu’il s’agisse de l’aménagement d’un hôtel à Hongkong ou Disneyland Paris – il devrait ouvrir en 2013 -, de scénographier les concerts de Christophe ou de dessiner des tasses à café.

 » J’aimerais beaucoup développer la production design du studio, poursuit Olivia Putman. M’associer avec un éditeur pour diffuser plus largement les objets iconiques de ma mère. Elle avait toujours rêvé, depuis qu’elle avait travaillé chez Prisunic, de développer des produits grand public, ce qu’elle n’a jamais fait finalement.  » À Milan, lors du prochain Salon du meuble, l’agence présentera une nouvelle collection de mobilier d’extérieur pour l’éditeur italien Serralunga. Pour la maison française Fermob, l’équipe a imaginé des chaises de jardin revêtues d’un tressage d’anciennes ceintures de sécurité du Concorde. Une collection pour Nespresso aussi, dont Olivia est particulièrement fière. Sa porcelaine blanche rappelle la vaisselle des cafés parisiens. Mais y regardant d’un peu plus près, on s’aperçoit que l’on tient dans la main une capsule inversée. Une jolie surprise qui se dévoile comme une énigme. Un twist élégant, 100 % Putman.

ISABELLE WILLOT

J’aimerais beaucoup diffuser plus largement les objets iconiques créés par ma mère.

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