Une famille comptant trois enfants a pris ses quartiers… dans un ancien fort militaire. La rénovation, spectaculaire, a exigé des travaux herculéens. Mais aujourd’hui, tout, ici, séduit par un art de vivre extrêmement raffiné.

L a date de construction û 1912 û est gravée en relief au-dessus de la porte d’entrée de cette ancienne fortification de l’armée belge entourée de ses douves. La place forte n’est pas très imposante et il y a fort à parier que la troupe qui s’y abritait ne dépassait guère quelques dizaines de personnes. Bien des années plus tard, après une longue désaffection, le site trouve une destination bien singulière. On y érige un nouveau bâtiment : une discothèque qui vibre aux sons des succès des années 1960. Le tout s’endort à nouveau pour un temps, jusqu’à ce qu’un dresseur de magnifiques chevaux d’obstacle trouve ici le lieu idéal pour ses animaux de concours. Dix hectares de prés entourent les parties bâties… Les chevaux sont logés dans l’ancien fort, compartimenté en de superbes stalles, tandis que la discothèque est transformée en studios d’habitation pour les écuyers.

C’est ce petit monde insolite que découvrent les propriétaires actuels alors qu’ils sont à la recherche d’une nouvelle maison pour loger leur famille qui compte maintenant trois enfants. Coup de foudre ! Le projet d’acquisition comble, en outre, la passion que la maîtresse de maison voue à l’aménagement intérieur, des travaux les plus ardus au choix des couleurs. L’entreprise est hors normes. Le tout, extérieur comme intérieur, est alors dans un état déplorable. Pour ne donner qu’un exemple, les murs extérieurs, dont on peut maintenant admirer l’éclatante blancheur, étaient, voici quatre ans, envahis de lierre et de végétaux en tout genre. Et il a fallu ensuite s’attaquer aux problèmes d’humidité et protéger des infiltrations toutes les parties basses des murs.

Les abords immédiats demandent des interventions en proportion de leur superficie. Il faut d’abord aménager des chemins d’accès et, surtout complètement curer le petit canal très poissonneux qui fait office de douves. Il mesure exactement 1 000 m, ce qui représente 2 km de berges à redresser et consolider. L’extérieur, tel qu’il se présente aujourd’hui, permet de comprendre le défi de la rénovation des lieux : créer une unité entre deux bâtiments que le temps et le style séparent. Pour renforcer la cohésion des formes courbes des deux édifices, une vaste terrasse entoure désormais l’ancienne discothèque. Les nouveaux propriétaires ont aussi pris le parti de supprimer un des deux ponts qui permettent de franchir les douves, pour ne conserver que celui qui conduit à l’entrée principale.

Lorsqu’il pénètre dans la maison, le visiteur traverse d’abord quelques mètres de galerie qui donnent une idée de l’épaisseur des murailles. Deux £uvres de Braem Bogaert se font face et marquent l’entrée dans la pièce de réception. La galerie principale de l’ancien fort est en effet devenue un grand salon, éclairé par les percées opérées dans ces murs épais de près de deux mètres. Son aménagement respecte le caractère brut de l’espace, en optant pour un sol en béton lissé et des enduits muraux d’une grande sobriété. Le mobilier, lui, est constitué de pièces choisies dans le catalogue Leolux. Pour l’anecdote, la pièce compte un petit bassin rectangulaire qui fait penser à une piscine en modèle réduit… faute d’avoir pu construire un grand exemplaire dans cette zone naturelle protégée.

Le fort lui-même abrite aussi à son extrémité les trois chambres des enfants. Elles ont été conçues en installant le lit en mezzanine. Chacune propose un époustouflant jeu de rambardes en acier inoxydable, qui se marie avec le verre et le bois couleur naturelle. Tous les rangements sont intégrés dans l’architecture d’intérieur, limitant à sa plus simple expression la présence de meubles indépendants.

La chambre des parents ainsi que le dressing et la salle de bains qui la complètent sont situés dans l’autre partie de l’habitation, soit à l’étage de l’ancienne discothèque. A ce niveau, mobilier et objets de décoration sont réduits à l’essentiel. Le lit et la baignoire sont déposés sur un socle composé de deux ou trois marches. Par ses incrustations de galets, la salle de bains immaculée fait référence à l’intérêt que le couple porte aux intérieurs d’Amérique latine. Lorsque la journée est belle, les propriétaires peuvent jouir de la terrasse en bois, sorte de passerelle de navire, qui a été aménagée sur tout le pourtour de cette partie du premier étage.

Le rez-de-chaussée de l’ancienne discothèque est quasi entièrement occupé par une immense salle à manger baignée de lumière dans laquelle la cuisine est intégrée. La distinction entre les deux étages est soulignée par un long bar en granit, réalisé sur mesure tout comme la grande table en bois entourée de chaises signées Philippe Stark (J. chez Driade), l’ensemble étant déposé sur un tapis en laine, tissé pour la maison. La transition avec le fort s’effectue, elle, via une véranda très discrète qui abrite un petit salon. On peut s’asseoir confortablement et contempler la flamme linéaire d’un feu ouvert contemporain au gaz… un modèle que l’on retrouve aussi dans le grand salon.

Texte et photos : Jean-Pierre Gabriel

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