On raconte que Freya, déesse scandinave de la beauté, égale de Vénus, aurait un temps élu domicile dans le paysage enchanteur de ces courbes de la Meuse, léguant son nom à la localité. Achevé au début du XVIIe siècle, le château de Freÿr constitue, lui, un bel hommage des hommes à ce site mosan en inscrivant ses splendides jardins au cour d’une nature sauvage.

Pour une découverte riche en émotions, abordez le château de Freÿr lors d’un matin humide, typique des lendemains de pluie. Longez la Meuse au départ d’Anseremme, en empruntant le GR 126. Quelques centaines de mètres après avoir passé une ancienne carrière, une ouverture ménagée dans la végétation des berges fait face aux magnifiques jardins à la française de ce site historique. Le spectacle qui s’offre ainsi à vous est fascinant ! Émergeant des nappes de brume, les hautes charmilles semblent flotter au-dessus de l’eau du fleuve.

On peut aussi remonter la même rive droite de la Meuse entre Dinant et Beauraing. La rue porte le nom de Chemin des Alpinistes. Au faîte du plateau qui enserre, entre autres, le fameux rocher de Freÿr, une minuscule aire de stationnement donne accès à un point d’observation où l’on bénéficie d’une vue d’aigle sur les jardins du château. Ce panorama permet de comprendre le plan d’ensemble du domaine tout en jouissant de la splendeur des deux principales terrasses agencées en longueur. La plus basse est animée de plans d’eau, dont les plus longs sont bordés d’orangers en bacs. La médiane, elle, est plantée de très hautes charmilles dessinant une série de quadrilatères de  » broderies  » qui font penser à des labyrinthes.

La magie reste intacte, lorsque, au terme d’un détour, on rejoint la rive gauche de la Meuse, pour pénétrer dans les jardins proprement dits. En suivant le mur d’enceinte dans sa partie haute, accolée à la forêt, au travers de grilles, on aperçoit une troisième terrasse, conçue dans l’axe longitudinal du pavillon Frédéric Salle. Une surprise attend le visiteur : cette construction et sa terrasse sont isolées du reste de la propriété par une profonde tranchée creusée en 1860, au moment de l’implantation du chemin de fer, une ligne aujourd’hui désaffectée.

La terrasse médiane est de loin la plus imposante. Elle compte en effet 8 grandes chambres de verdure taillées dans le respect de leurs mesures anciennes, soit 12 pieds de hauteur (3,50 m). À l’intérieur de celles-ci, les  » labyrinthes  » sont, eux, taillés à 6 pieds. Déployées et mises bout à bout, ces charmilles atteindraient une longueur de 6 kilomètres…

Les chambres de verdure de la terrasse supérieure, telles qu’elles se présentent aujourd’hui, ont été créées vers 1770 par le propriétaire d’alors, Philippe de Beaufort-Spontin. Dix ans plus tôt, c’est son frère Guillaume qui avait entrepris d’importants travaux, qui ont essentiellement porté sur la terrasse inférieure, le grand terre-plein avec sa succession de bassins. Les plus décoratifs se trouvent à l’opposé du château lui-même, face aux deux pavillons d’orangerie qui protègent du froid, entre le 15 octobre et le 15 mai, 33 orangers plantés en caisse, dont certains sont actuellement âgés de plus de 250 ans.

Philippe de Beaufort-Spontin est aussi le commanditaire d’un aménagement important dans le mur de soutènement en pierre, qui délimite les deux premières terrasses. Au centre, il a fait placer un escalier à deux volées. Et, sur les murs eux-mêmes, une série de 18 bustes en terre cuite à double tête.

À bien des égards, les jardins de Freÿr sont un modèle unique en leur genre de l’architecture des jardins au XVIIIe siècle. Classés avec le château dans la liste du patrimoine exceptionnel de la Région wallonne, ils sont maintenus avec un sens aigu de la conservation par ses propriétaires successifs.

PAR JEAN-PIERRE GABRIEL

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