La simplicité fait recette. Dans un monde où tout va de plus en plus vite, son évidence rassure. Pas étonnant que la mode, le design et les nouvelles technologies lui déroulent le tapis rouge. En toute simplicité bien sûr.

« Less is more « , disent les anglophones. Le moins c’est le plus. Une formule qui a apparemment le vent en poupe cet hiver. Prenez la mode et le design. L’un comme l’autre lorgnent avec insistance du côté du minimalisme et de la sobriété. A croire que la simplicité tient lieu de nouvel évangile. Et accessoirement d’antidote à la complexité du monde.

Ce n’est pas un hasard non plus si les cours de yoga font le plein et si les nouvelles technologies mettent de plus en plus l’accent sur la convivialité. Ici aussi transparaît la même aspiration à la simplicité. Spirituelle dans un cas, matérielle dans l’autre.

A sa manière, la mode résume cet état d’esprit, rend lisible l’indicible. Prada, Martin Margiela, Jil Sander, Marc Jacobs, Rochas, Yamamoto ou encore Salvatore Ferragamo rivalisent de retenue et de réserve cette saison. Chez eux, l’élégance défile sur la pointe des pieds. Les manteaux noirs, les coupes masculines, les lignes fluides font la nique à une sophistication clinquante et encombrante. Dans sa mise comme dans sa tête, on élague, on retranche, on dégraisse.

Un souci d’économie, de dépouillement même parfois, qui anime également les acteurs de la  » technosphère « . Les nouvelles technologies étant censées nous faciliter la vie, priorité est donc donnée à l’intuition et au confort. C’est l’homme qui gouverne la machine et non l’inverse. Même si à force de la fréquenter, on finit souvent par en adopter le fonctionnement. Mais ça, c’est une autre histoire…

Ça ne tient parfois qu’à un fil…

Cette exigence d’accessibilité se traduit tout d’abord dans le design des gadgets high-tech. Les constructeurs s’efforcent de donner un aspect convivial à la batterie d’interfaces digitales qui envahissent notre quotidien. Pas uniquement pour  » faire joli « , mais aussi et surtout pour aider Monsieur Tout-le-monde à retrouver son chemin dans le dédale de commandes et de fonctions de chaque appareil. Sous peine de réserver leur usage aux seuls ingénieurs…

Simplicité et fonctionnalité priment donc. A l’image du nouvel iPod shuffle, qui se  » pilote  » d’un doigt, ou du clavier Logitech Alto, qui transforme en un clin d’£il un ordinateur portable en station d’accueil ergonomique. Peu importe finalement le degré de complexité informatique qui se cache sous l’emballage, ce qui compte pour l’utilisateur, c’est de pouvoir maîtriser fa-ci-le-ment son  » joujou  » numérique. Si le plaisir et l’émotion sont aussi au rendez-vous, c’est encore mieux évidemment. D’où la petite touche ludique (clapet sur les GSM, molette sur les lecteurs numériques, etc.) que l’on retrouve souvent dans les produits high-tech.

Tout est donc fait pour que l’usager ne s’emmêle pas les pinceaux. Au sens propre comme au sens figuré. Le succès du wi-fi, la technologie sans fil, participe du même mouvement. Kef vient par exemple de lancer deux nouvelles installations Home Cinema qui font l’impasse sur les câbles : les modèles 7 et 11 FiveTwo. Plus de fils qui traînent et un encombrement limité puisque ces équipements audio se résument à trois entités (deux enceintes et un subwoofer) pour une qualité équivalente aux systèmes 5.1 (cinq enceintes plus un caisson de basses) qui constituent le nec plus ultra. Même philosophie pour le casque stéréo HBS-200 de LG. Il fonctionne sans fil (technologie Bluetooth dans ce cas-ci) et prend très peu de place (il se replie comme un ressort). En outre, une de ses oreillettes est équipée de touches. Sélectionner son morceau de musique ou répondre au téléphone devient un jeu d’enfant…

Téléphones à tout faire

Bref, au gré des innovations technologiques, le salon devient un temple minimaliste. Du moins en apparence, car sous le vernis du mobilier design se cache en réalité un arsenal d’équipements de pointe, capables de transformer à tout moment la pièce de séjour en salle de concert, en café du commerce virtuel, en cinéma ou en lieu d’exposition de photos. Et ce n’est pas de la science-fiction. Les cadres numériques de Philips permettent par exemple d’afficher un diaporama de ses plus beaux clichés. Une tendance à l’intégration de la technologie dans le quotidien qui ne fera que se renforcer à l’avenir. On y reviendra.

Autre effet de cette course à la simplicité : la convergence. Une sorte de mantra pour les acteurs des TIC (technologies de l’information et de la communication) ces dernières années. Rares sont par exemple les téléphones qui ne servent encore qu’à téléphoner. Le vocabulaire a pris acte du changement. On parle aujourd’hui de smartphone ou de téléphone multimédia pour désigner tous ces modèles habilités également à prendre des photos, à écouter de la musique, à jouer, à filmer, à s’orienter ou encore à recevoir ou à envoyer des e-mails.

Gare à la confusion ! Le Nokia N95 ressemble à un GSM mais il a plus de points communs avec un ordinateur dernier cri qu’avec un  » simple  » téléphone. Appareil photo 5 mégapixels, GPS intégré, navigation sur le Net, etc. font de ce terminal multifonctions un véritable PC de poche. Un rival potentiel pour le nouveau Blackberry Pearl de RIM, qui offre peu ou prou les mêmes services. La simplicité est doublement au rendez-vous ici. A la fois par le côté  » tout en un  » de ces appareils, mais aussi par le nomadisme qui les caractérise. Ils sont petits, autonomes et accessibles partout. Ils répondent donc en temps réel à toute une série de  » besoins « . Et contribuent par la même occasion à effacer un peu plus la frontière qui sépare vie privée et vie professionnelle. Le téléphone, comme l’ordinateur portable d’ailleurs, est aussi bien un outil de travail qu’un objet de loisir. De sorte qu’en rentrant chez soi avec son GSM ou son notebook professionnel, on laisse quelque part son job envahir sa sphère intime. Et vice versa. Ce qui fait dire à certains que le gain de confort engrangé par les TIC n’est qu’illusoire dans la mesure où ce mélange des genres favorise stress et d’angoisse. On ne décroche jamais tout à fait. En clair, la technologie reprendrait d’une main ce qu’elle donne de l’autre…

Soigner le mal par le mal

Si elle est une priorité permanente dans le secteur high-tech, la simplicité figure également au programme de l’électroménager et de la domotique. Elle transparaît aussi bien dans les formes épurées de la dernière machine à café de Nespresso et Siemens, la SN30, que dans les innovations qui rythment la gamme Electrolux, et qui toutes entendent faciliter la vie des clients. Du réfrigérateur qui produit de l’eau gazeuse au sèche-linge qui donne un coup de main pour le repassage en passant par la télévision à écran LCD rotative.

Avant d’aller plus loin, on peut se demander ce qui, au fond, rend ce concept de simplicité si désirable. Deux raisons nous viennent à l’esprit. La première n’a pas de rapport direct avec l’idée même de simplicité mais contribue à installer un climat propice à l’innovation en général. C’est le consumérisme. Cette course frénétique à l’accumulation qui rend toute chose obsolète dès qu’elle est  » consommée « . Le sociologue Zigmunt Bauman parle même de société liquide pour décrire ce flux incessant de désirs périssables…

L’autre explication est plus terre à terre. Confrontés à une existence dont les tenants et les aboutissants leur échappent de plus en plus, les individus se tournent en priorité vers ce qui leur facilite, ou semble leur faciliter, la vie. Rodés à l’idée du progrès par la science, ils comptent sur la technologie, ce nouveau dieu, pour leur apporter une aide, une consolation ou tout simplement une échappatoire. Pas besoin d’avoir fait philo pour déceler la dimension schizophrénique d’une telle attitude. On fait appel à la technologie pour soigner, apaiser les maux causés par une accélération du système, elle-même largement entretenue et stimulée par la… technologie.

L’occasion aussi de rappeler que la simplicité va souvent de pair avec la… complexité. Un produit révolutionnaire naît souvent du mariage d’une idée simple et d’une technologie complexe. Tout l’enjeu pour les concepteurs consistant à faire disparaître le moteur derrière un tableau de bord accueillant et simple d’emploi. C’est ce qui a fait le succès de Windows, premier système d’exploitation à mettre l’informatique à la portée du premier venu.

Et la lumière fut…

Et demain ? A en croire Philips, inventeur du slogan  » Sense and simplicity « , la simplicité a de beaux jours devant elle. Son conseil d’experts en la matière – parmi lesquels figure John Maeda, professeur au MIT (Massachussetts Institute of Technology) et auteur du livre  » The Laws of Simplicity  » (The MIT Press, disponible uniquement en anglais) – présentait début octobre, à Londres, quelques prototypes qui entreront peut-être demain dans nos habitations.

Certaines de ces innovations n’ont d’ailleurs pas attendu 2050 pour franchir le cap de la production. Songeons à cette ampoule qui égrène successivement toutes les couleurs de l’arc-en-ciel ou à cette lampe-réveil simulant l’aube. Deux exemples déjà commercialisés qui témoignent de la place accordée à la luminothérapie dans la réflexion des cerveaux de l’entreprise néerlandaise. Pour eux, les technologies viendront faciliter la vie des gens mais aussi améliorer leur santé. C’est le cas de cette lampe qui revitalise la peau après l’avoir analysée. Ou de ce filtre purifiant aux rayons UV qui se place sur le robinet et enrichit l’eau en minéraux. Ou encore de cette installation multisensorielle qui adapte l’ambiance sonore et visuelle d’une pièce à votre humeur. Ou enfin de ce miroir interactif qui mesure différents paramètres corporels, les stocke en mémoire, et distille éventuellement quelques conseils pour retrouver la forme optimale.

Bien-être d’un côté. Et plaisir de l’autre. Toujours avec le même souci de la simplicité. A l’image de ce miroir intelligent capable de lire les messages multimédias (photos et vidéos notamment) que s’adressent les membres d’une famille. Une sorte de Post-It futuriste en quelque sorte. Ou de ces pinceaux magiques qui laissent des traînées lumineuses sur les murs. Effet garanti.

Ici, les fils ont disparu, même les claviers sont relégués aux oubliettes. Les appareils se contrôlent du bout des doigts ou du bout des lèvres. Fascinant. Même si ces environnements entièrement automatisés ne sont pas sans rappeler l’univers aseptisé de  » 2001, Odyssée de l’espace  » (1968), le film culte de Stanley Kubrick. L’ordinateur central Carl aussi était censé simplifier la vie de ses utilisateurs. Jusqu’à ce qu’il déraille. Et là, tout s’est subitement compliqué…

Laurent Raphaël

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