Bien décidée à nous en mettre plein les yeux, Catherine Martin, costumière de Gatsby et épouse du réalisateur Baz Luhrmann, signe, avec la complicité de grandes maisons comme Prada ou Tiffany & Co, un vestiaire éblouissant. En exclu, ses secrets de fabrication.

Forcément, il y aura du sang et des larmes. Mais surtout, de fabuleuses  » parties « . Beaucoup trop d’alcool. Une voiture de course. Un coup de feu mortel. Et une piscine, parce que sans elle, Gatsby ne serait pas Gatsby, ce fantasme absolu du parfait dandy dont les rêves et la fin tragique sont désormais tombés dans le domaine public. Il fallait toute l’audace et toute la démesure – on parle ici d’un budget de production de 125 millions de dollars… – de Baz Luhrmann pour oser s’emparer du chef-d’oeuvre de Francis Scott Fitzgerald, devenu mythe, incarné pour l’occasion par l’un de ses meilleurs complices, Leonardo DiCaprio, le Magnifique… Le film, qui fera l’ouverture ce 15 mai du Festival de Cannes – jour de sa sortie en salle en Belgique -, peut compter sur une distribution à couper le souffle et un dressing digne de celui de son héros. Pour habiller Carey Mulligan mais aussi une quarantaine de figurantes, Catherine Martin, épouse et costumière attitrée de Baz Luhrmann, a travaillé main dans la main avec la créatrice Miuccia Prada. Ajoutez à cela un vestiaire masculin signé de la célébrissime griffe US Brooks Brothers et des bijoux inspirés par les archives de Tiffany & Co et vous comprendrez mieux le fashion buzz qui fait bruisser la Toile à chaque sortie d’un nouveau trailer. Explications.

On a tous quelque chose en nous de Gatsby. Comment rester fidèle à l’image qu’a créée Fitzgerald tout en proposant une vision originale ?

Nous sommes partis du livre et des descriptions très précises qu’y fait Fitzgerald de la manière dont sont habillés ses personnages. Tout le monde sait que Gatsby porte un costume crème quand il revoit Daisy après cinq ans d’absence, un costume caramel lorsqu’il est en voiture avec son ami Nick (NDLR : Tobey Maguire), un costume rose pâle dans la scène finale. A partir de là, je me suis laissé guider par la vision de Baz. Mon mari réalise des films depuis plus de vingt ans maintenant et sa démarche est toujours la même : à ses yeux, le moindre petit détail participe au récit. Avant de se lancer dans un projet, il fait d’abord des recherches approfondies qui lui servent de toile de fond pour son travail à venir. La précision historique est essentielle pour lui.

Pourtant, pour créer les costumes de la célèbre scène du bal, vous vous êtes inspirée de modèles récents de la maison Prada…

En effet, ces robes ont été créées ces dix dernières années mais elles avaient toutes une inspiration années 20. A partir de là, nous avons fait des ajustements de longueur, de matière et tout a été réalisé dans les ateliers de Miuccia Prada. Chaque robe a été choisie pour un personnage bien particulier : dans les films de Baz, tous les figurants ont une histoire, et même si le public ne la découvrira jamais, ils savent précisément qui ils sont et comment ils doivent se comporter.

Pourquoi avoir choisi de travailler avec Prada ?

Miuccia, Baz et moi avions bossé ensemble sur Romeo + Juliet où elle habillait déjà Leonardo DiCaprio. Nous sommes restés amis et nos rencontres nourrissent le travail de chacun. Ainsi, Baz a réalisé un court-métrage pour l’exposition Schiaparelli que Miuccia a montée au Met, à New York, l’année passée. Miuccia est extrêmement cultivée et je trouvais intéressant de collaborer avec cette incroyable créatrice sur une époque si particulière dans l’histoire des femmes. Celle où elles ont commencé à travailler. Parce que ceux qui pourvoyaient à leurs besoins ne sont jamais rentrés de la guerre, et elles ont, par la force des choses, eu soudain accès à une certaine indépendance économique. Ce n’est pas un hasard si c’est à cette époque-là aussi que Jeanne Lanvin et Coco Chanel ont fait leurs débuts.

Les personnages principaux portent des bijoux signés Tiffany & Co. Ont-ils été réalisés pour le film ?

Tout à fait ! Pour cela, j’ai eu accès aux archives de la maison – Fitzgerald lui-même était un de leurs clients réguliers – dans lesquelles j’ai découvert un motif de marguerite (NDLR : en anglais, marguerite se dit daisy, ce qui est aussi le prénom du grand amour de Gatsby) que l’on retrouvera sur la chevalière de Gatsby, notamment. Le diadème de Daisy est aussi une création de Tiffany & Co. Le fait de pouvoir utiliser de vrais bijoux sur un tournage et non des copies est d’une valeur inestimable : 30 % des scènes sont tournées en close-up et de ce fait les bijoux apparaissent en très gros plan à l’écran. L’effet visuel est incomparable. Sans parler du fait que porter de la haute joaillerie aide les acteurs à véritablement embrasser leurs personnages.

Comment expliquez-vous qu’après autant d’années, Gatsby inspire encore les créateurs aujourd’hui ?

Parce que dans le livre déjà, Gatsby est une icône de mode. Il est l’incarnation absolue du dandy. C’est un self-made-man qui ne laisse à personne le soin de lui dicter sa manière de s’habiller. Son pouvoir de séduction lui vient avant tout de l’attitude qu’il adopte et de son flamboyant sens du style et de l’excès. Le dandy, cette figure pérenne de la mode masculine, est extrêmement libératrice pour les hommes. C’est par lui qu’arrive la fantaisie dans un vestiaire qui n’a presque pas évolué depuis la fin du XIXe siècle. ?

PAR ISABELLE WILLOT

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