Vous êtes tombé dans la marmite Gainsbourg quand vous étiez petit ?

J’ai écouté Gainsbourg très tôt parce que mes parents l’écoutaient. A la maison, on aimait la bonne chanson française, mais aussi les Beatles et le jazz. Petit, je connaissais tout Brassens par coeur, même les chansons que j’aurais pas dû. J’avais 17-19 ans quand sont sortis  » Rock Around the Bunker  » et  » L’Homme à tête de chou « , de Gainsbourg: des albums qui m’ont passionné.

Gainsbourg vous a fasciné puis façonné ?

Peut-être pas dans cet ordre. J’aimais Gainsbourg, sa vision, sa provoc, son cynisme, son désespoir. Fasciné ? Imprégné, oui. De son écriture. Quand on a soi-même envie d’écrire, le texte de ses chansons est aussi impressionnant qu’un grand roman ou qu’un grand poème. Cela m’a façonné, puisque survenant durant mes années d’adolescence, moment où l’on est façonnable. La fascination est venue après, quand je l’ai rencontré.

Dans quelles circonstances ?

En 1979, il a donné au Palace, à Paris, une série de concerts et se trouve au top.  » Aux armes et caetera  » s’est vendu à un million d’exemplaires. A l’époque, je vis à Bruxelles, où je suis organisateur de concerts, animateur télé et journaliste. Je le fais venir le 5 janvier 1980, au Cirque royal. La demande est telle que l’on double : concerts à 18 heures et à 21 heures. Un succès dément. Un des plus beaux jours de ma vie. Je le revois quelques mois plus tard, pour une première interview, puis cela continue. Je suis surtout subjugué par ce personnage au charisme extraordinaire doublé d’une timidité surprenante et du souci de donner au journaliste ce dont il a besoin, au point de se montrer véritablement caméléon. Par politesse.

Ou par prostitution ?

Peut-être. On peut dire ça, mais je le vois comme venant de quelqu’un qui a tellement morflé parce qu’il n’avait pas de presse au début de sa carrière qu’il était prêt à tout pour faire plaisir aux journalistes.

Si vous ne deviez retenir qu’une image de lui ?

Une des plus touchantes, lors de la sortie de  » Y’re Under Arrest « , en 1987. C’est la seule fois où il était complètement rétamé quand je l’ai rencontré chez lui. Gainsbourg n’était jamais complètement bourré. Il me fait écouter son disque sur un phono posé par terre. Je le vois se pencher pour poser le bras sur le vinyle. Il perd l’équilibre et se retrouve les 4 fers en l’air. J’ai vu ce mec dans un état tel que j’avais envie de le réconforter. J’avais la moitié de son âge et à l’époque mon père était malade ; ça s’est entrechoqué, j’aurais tellement voulu le prendre dans mes bras, le réconforter et lui dire :  » Arrête de déconner.  » Trop fermé, trop secret, il avait très peu d’amis, tout juste des copains de virée.

Propos recueillis par Marc Emile Baronheid.

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