Dans un hôtel de maître à Bruxelles, une succession de belles pièces immaculées fait chanter des tons intenses et éclatants. Y vivre, c’est savourer pleinement l’instant présent.

Insoupçonnable. La façade légèrement ouvragée de cet hôtel de maître 1900 typiquement bruxellois semble cacher un univers du passé, un peu sombre et démodé. Mais la porte s’ouvre, et c’est l’éblouissement. Amples, harmonieux, plusieurs centaines de mètres carrés vous enveloppent de joie et de sérénité. L’endroit évoque une clairière baignée de lumière, égayée de multiples touches chromatiques, vitaminées et réconfortantes.  » Il est important de souligner que la propriétaire est espagnole, explique l’architecte d’intérieur Marie-Astrid Pelsser. Elle avait du mal à s’intégrer en Belgique et aspirait à un esprit méditerranéen, avec des teintes fortes et vives qui ne la laisseraient pas plonger dans la mélancolie. Elle m’a demandé de créer un univers qui lui apporte de la vitalité.  »

Marie-Astrid Pelsser a procédé à un travail de rénovation très complet sans pour autant toucher à la structure pour ne pas dénaturer l’âme de la maison. Il y a eu une seule intervention importante, à l’arrière du bâtiment. Cette partie, réunissant une cour, un petit jardin et une annexe cuisine sans intérêt, avait déjà subi plusieurs transformations quelque peu hasardeuses dans le passé. Tous ces éléments hétéroclites ont été supprimés pour faire place à un agrandissement cohérent et contemporain. Au final, deux langages différents mais complémentaires unis dans une relation juste où la couleur diffuse des ondes bienfaisantes.  » L’expression d’une architecture par le biais de celle-ci est pour moi comme une histoire d’amour. J’aime faire chanter un lieu, lui conférer une sonorité visuelle en harmonie avec le caractère qu’elle dégage et avec celui de ses occupants. La couleur est l’équivalent d’un son qui éveille à la vie, génère de l’énergie. Vive, elle renvoie à un son puissant. Douce, elle est synonyme d’un son léger.  »

AU FIL DE LA LUMIÈRE

Le travail de Marie-Astrid Pelsser a été guidé par deux impératifs. Tout d’abord, l’architecte d’intérieur a voulu amener un maximum de clarté au rez-de-chaussée pour en faire un réceptacle de lumière. L’autre point important : travailler la dynamique.  » J’aime créer une vibration colorée, elle donne du punch. L’important est de choisir un phrasé qui fertilise l’esprit. Il nous faut oublier la grisaille des pays du Nord et soigner nos états mélancoliques.  »

L’éclairage détermine les fonctions des différents espaces. A front de rue, le coin salon est dédié au repos. C’est aussi la pièce la plus sombre, la plus cosy. Au fur et à mesure que l’on pénètre vers l’intérieur de la maison, vers la zone d’agrandissement, où l’on retrouve la cuisine, le petit salon et la cheminée, la clarté devient plus intense. La hauteur du plafond y est plus élevée, pour accentuer justement cet apport de luminosité.

Le parcours de la lumière rencontre celui de la couleur qui, elle aussi, s’accentue progressivement. Dans le salon, le traitement chromatique est ancré au sol, dans les endroits les plus sombres. Sur fond de murs blancs, il s’exprime au niveau du canapé rose foncé et de notes colorées dans le tapis. Au centre, dans la salle à manger, Marie-Astrid Pelsser a également gardé une  » enveloppe  » blanche qui met en valeur l’architecture ancienne.  » Pour moi, le blanc c’est l’air, l’infini. La couleur, en revanche, est l’expression d’une certaine matérialité, de la présence. Le travail de l’architecte consiste à établir cette relation entre l’air et la matière, synonyme de la terre.  »

La table s’anime d’un tutti frutti coloré. Les chaises aux tons orangés concordent avec le pigment naturel orange qui tapisse l’intérieur de la suspension.  » Il y a un grand rapport physique. Cette lampe capte les esprits, elle réunit les convives, favorise la relation vraie et confine à l’intime.  » Placé contre le mur, le petit bahut  » muscle  » la mise en scène dans une gamme de verts et parfait la palette chromatique. La salle à manger est baignée dans une lumière douce, filtrée par les vitrages anciens jaune pâle.

À LA RECHERCHE DE L’ÉQUILIBRE

Dans la nouvelle partie, une chape de béton apporte un accent très contemporain à l’ambiance générale. Un mur entièrement vitré fait entrer la lumière à flots. Dans cette  » enveloppe  » lumineuse, les teintes sont traitées avec plus de puissance : plus on s’avance, plus le nombre d’ingrédients colorés augmente.  » J’accorde beaucoup d’importance aux équilibres. L’horizontalité procure de la lumière. La verticalité livre de la grandeur, de la plénitude et du volume. Je regarde ce qui m’interpelle en architecture et vais le mettre en valeur par la couleur.  »

Ici, un mur vertical bleu nuit répond au mur horizontal orange qui lui fait face. Les sièges garnis de coussins d’un vert tonique distillent des touches colorées dynamiques. Le rouge est une couleur primaire chaude symbolisant le feu. Elle stimule, tonifie, rassure, augmente la confiance en soi. C’est pour cette raison qu’elle règne, tout en nuances, et se décline du rouge pur aux rouges orangés.  » Mais attention, une tonalité ne suffit pas pour habiter un espace, elle n’agit pas seule. L’expression d’un lieu vient essentiellement des rapports se créant entre la palette chromatique et les matières. Ces rapports les magnifient. Par exemple, les rouges de la pièce de vie, utilisés seuls, perdraient de leur sens. C’est par l’apport du bleu du mur adossant la cuisine et des teintes vertes des assises des tabourets qu’ils prennent vie… Cette vibration colorée est à la source de l’énergie diffusée.  »

Sur le premier palier de l’escalier, une ouverture a été pratiquée pour obtenir une vue plongeante sur le living. Les panneaux qui entourent cette  » fenêtre  » sont de tonalités vertes. Leur gamme exprime, par son côté végétal, la joie de vivre, le renouveau, la germination.  » Symbole de l’endurance, le vert procure un sentiment de générosité, il contribue énergiquement à notre mouvement d’ascension et nous vivifie intérieurement.  » Dans la chambre des parents, un panneau en MDF forme un long trait horizontal et booste le volume du lit. En face, un mur bleu nuit dont la verticalité n’est pas très prononcée, permet de retrouver la sérénité.  » Le jaune safran qui accroche le regard et qui invite à passer dans la salle de bains, lui, amène la chaleur. Il est le symbole de la lumière. Il est aussi signe de raffinement, il illumine l’espace, offre enthousiasme et optimisme, apaise et fortifie le moral. Il symbolise par excellence la joie et l’énergie positive.  »

Marie-Astrid Pelsser bannit les coloris qui font  » joli « . Elle les transforme toujours en signe. Dernier exemple : le rouge du fauteuil dans le bureau s’ajuste à celui d’un luminaire signé Ingo Maurer. Rien qui ne s’accorde à tout le reste avec subtilité. Rien qui trahisse l’ambiance générale. Dialogue constant et sensible entre l’architecture, la couleur, le mobilier et les habitants. Sentiment apaisant d’unité.

PAR BARBARA WITKOWSKA

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