Harry, c’est fini ! Le dernier volet de ses aventures, Harry Potter et les Reliques de la Mort, est enfin en librairie. Si les fans se laissent gagner par la déprime, les éditeurs et les studios de cinéma, eux, sont déjà en quête du nouveau magicien du box office. Décryptage.

Il contient la clé de toutes les énigmes, les réponses à toutes ces questions que vous vous posez depuis le jour où, comme 350 millions d’autres lecteurs de par le monde, vous vous êtes laissés happer par l’univers magique d’Harry Potter. Et pourtant, contrairement aux derniers volumes sur lesquels vous vous étiez alors jetés, pressés d’en finir pour enfin  » savoir « , cette fois-ci, vous avez comme des réticences à poser les yeux sur la couverture d’Harry Potter et les Reliques de la Mort. Par peur sans doute d’arriver trop vite à la dernière page. Et ce à un tel point que l’on nous l’assure définitivement final.

Si vous vous reconnaissez dans le portrait de ce lecteur au milieu du gué, vous êtes comme lui en pleine  » DPP « . Autrement dit dépression post-Potter, une étrange forme de blues observée dès le 21 juillet dernier auprès des fans ayant eu dans les mains l’édition anglophone du 7e opus des aventures d’Harry. On ne compte plus, depuis lors, les articles – plus ou moins sérieux d’ailleurs – consacrés à ce phénomène dans les médias anglo-saxons. L’expression n’entrera sans doute jamais dans le Larousse mais sur urbandictionnary.com, ce dico du web en anglais où, selon le même principe que celui en vigueur pour l’encyclopédie libre Wikipedia, les utilisateurs  » déposent  » eux-mêmes les définitions. On nous y décrit cette déprime hautement médiatique comme  » un sentiment de vide ressenti une fois terminée la lecture du 7e volume des aventures d’Harry Potter, une fois que l’on a pris conscience qu’il n’y en aura plus d’autres « .

Une mauvaise passe que l’auteure elle-même avoue avoir également traversée, une fois bouclée la rédaction de ce dernier tome tant attendu… et redouté pour son caractère inéluctablement final.  » Les deux premiers jours ont été terribles, confia même JK Rowling peu avant la sortie du livre. J’étais au plus bas, complètement dévastée. Je devais faire le deuil de ce monde dans lequel je m’étais plongée si longtemps et que j’avais tant aimé. Cette merveilleuse retraite de la vie ordinaire  » (1). Si les dernières lignes semblent pouvoir s’appliquer à tous les vrais accros de la série, la perte est incontestablement bien plus tangible pour celle qui doit son immense fortune et sa notoriété au petit sorcier londonien. Rien ne permet de préjuger que les nouveaux héros sur lesquels elle planche, désormais, connaîtront le même succès, d’autant plus que la concurrence, en la matière, est devenue rude…

Spécialiste du récit médiatique à l’Université catholique de Louvain, le professeur Marc Lits met d’ailleurs sérieusement en doute le fait que le 7e roman soit bel et bien le dernier.  » L’épilogue en lui-même contient tous les ingrédients d’une possible relance. En poursuivant les aventures des héros survivants. Ou en s’intéressant plus particulièrement à la vie d’un personnage secondaire qui a su s’imposer au cours des épisodes, JK Rowling pourrait lancer une spin-off comme cela se fait déjà pour les séries télévisées. « 

Si elle devait malgré tout succomber à la tentation de la suite et à la pression de son éditeur, la  » maman  » de Harry Potter ne serait d’ailleurs pas la première. Ainsi, Sherlock Holmes tué par son auteur Arthur Conan Doyle en 1893, revint à la vie, littérairement parlant, huit années plus tard dans Le Chien des Baskerville. Plus récemment, Christopher Tolkien, le plus jeune fils de JRR Tolkien, célèbre auteur de la trilogie du Seigneur des Anneaux, en achevant lui-même The Children of Hurin (2), l’un des récits esquissés par son père en 1918, s’est même offert le luxe de voir son ouvrage relativement bien accepté par la critique !

 » Qu’il s’agisse des séries télévisées, des films sous franchise ou des sagas littéraires, les suites aujourd’hui sont très bien ficelées d’un point de vue narratif, décode Marc Lits. Elles ne sont jamais moins fortes que le premier volet. Si l’on exploite le filon, c’est en ayant recours à des techniques d’écriture parfaitement maîtrisées. « 

Harry Potter, qui était au départ déjà une  » bonne histoire « , a aussi bénéficié d’un marketing exemplaire – rien de tel qu’un effet d’embargo pour décupler l’envie… – soutenu par la sortie savamment orchestrée des films, jeux vidéo et autres produits dérivés. Afin que l’intérêt pour la  » marque  » Harry Potter ne s’estompe jamais. Difficile, dans ces conditions, de vraiment ressentir un manque… qui pourrait conduire à la dépression.  » D’autant plus que via les communautés de fans, on n’est plus seulement dans un pur rapport de consommation, ajoute Marc Lits. Via les fans fictions, les aventures peuvent même se poursuivre. « 

En Chine, plus d’une douzaine de ces récits librement – et bien sûr illégalement – inspirés des personnages de JK Rowling ont même été édités le plus officiellement du monde. Comme le révélait en juillet dernier une enquête de l’ International Herald Tribune (3), il n’est pas rare de trouver dans les librairies de Shanghai ou Pékin des livres aux titres aussi évocateurs qu’ Harry Potter et la Poupée de porcelaine chinoise, Harry Potter et le Dragon baladeur ou encore Harry Potter et l’Empire chinois, où le kung-fu est bel et bien en passe de détrôner le quidditch.

De leur côté, éditeurs et majors se battent pour mettre la main sur le successeur de l’enfant à la cicatrice. Warner voit surtout arriver la fin de l’aventure Rowling avec une certaine mélancolie. Il ne reste en effet que deux films à tourner d’ici à 2010. Comment trouver d’ici là une franchise capable elle aussi de rapporter près d’un milliard et demi de dollars (1,058 milliard d’euros) – sur le seul sol américain – pour les cinq premiers volets ? Le studio compte en tout cas beaucoup sur les pouvoirs de Septimus Heap, un jeune sorcier, héros de Magyk, une saga en… sept volets signée Angie Sage. Trois tomes sont déjà parus. Le premier film, Septimus Heap : Magyk, sera produit par Karen Rosenfelt à qui l’on doit le succès du Diable s’habille en Prada.

La Paramount a aussi sa petite idée sur l’identité du successeur d’Harry au trône du box-office : il s’appelle Jared Grâce, héros des Chroniques de Spiderwick et découvreur d’un monde caché où vivent fées, elfes et gobelins. Le film, premier volet d’une série d’au moins cinq épisodes – dont la sortie est annoncée en Belgique le 19 mars 2008 – sera portée par Freddie Highmore, l’un des enfants acteurs qui compte le plus de succès ( Arthur et les Minimoys, Charlie et la chocolaterie).

Barry Cunningham, l’éditeur qui a repéré le talent de JK Rowling, n’est évidemment pas de cet avis. Selon lui, la prochaine idole des ados s’appellera Will Burrows. Héros de Tunnels, un récit fantastique écrit par Roderick Gordon et Brian Williams, ce fan d’archéologie de 14 ans évolue dans un monde situé sous la ville de Londres.Les studios n’ont pas été longs à s’arracher les droits de cette nouvelle aventure fantasy. Après des enchères homériques, c’est Relativity Media (producteur de Ghost Rider et d’ Evan tout-puissant) qui a emporté le morceau.

Mais la véritable nouveauté ne serait-elle pas de remplacer le garçon par une fille ? Beaucoup en rêvent. Même si les experts en marketing prédisent que faire appel à une héroïne est forcément moins fédérateur, soulignant que les joueurs de PlayStation refuseront de s’identifier à un héros en jupon. New Line (le studio à l’origine du succès du Seigneur des Anneaux) s’est pourtant lancé dans l’adaptation de la série fantastique de Philip Pullman dont le premier volet A la croisée des mondes sortira en Belgique le 5 décembre prochain. Lyra Belaqua, l’orpheline courageuse qui s’engage dans une grande aventure pour sauver son ami Roger, pourrait devenir le modèle des adolescentes.

Alors, Harry déjà aux oubliettes ?  » Pour ma part, je verrais bien la publication d’un huitième tome dans les années 2030, ironisait Peter Aspden, chroniqueur au Financial Times, le jour de la sortie du dernier volume à Londres, le 21 juillet dernier. Harry serait devenu chauve. Divorcé et amer, il en aurait eu son compte des Moldus. Et serait bien trop vieux pour le quidditch. Il repenserait à son premier baiser avec Cho Chang, espérant finalement qu’il ait débouché sur bien plus  » (4).

Le roman (et le film ?) définitif sur la crise de la quarantaine, en somme. Qui toucherait au c£ur les enfants d’hier atteints une fois encore de dépression. Mais cette fois, comme Potter…

(1) In The Mirror, 26 juillet 2007.

(2) The Children of Hurin, JRR Tolkien (auteur) et Christopher Tolkien (éditeur), HarperCollin. La version française est en préparation.

(3) In The International Herald Tribune , 31 juillet 2007.

(4) In The Financial Times, 21 juillet 2007.

Sophie Benamon et Isabelle Willot

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